Perspectives juridiques Osler 2024

Quoi de neuf dans les lois québécoises protégeant les consommateurs?

5 Déc 2024 10 MIN DE LECTURE

Au cours de la dernière année, l’Assemblée nationale du Québec a apporté des modifications importantes aux lois provinciales protégeant les consommateurs. Le gouvernement a adopté une nouvelle loi à la fin de 2023. Depuis, il a apporté d’autres modifications rehaussant diverses exigences applicables à la protection des consommateurs et aux renseignements qui doivent leur être communiqués.

Le projet de loi 29 [PDF], adopté et entré en vigueur à la fin de 2023, a apporté des modifications importantes qui interdisent l’obsolescence programmée des produits et bonifient les droits des consommateurs liés à la durabilité, à la réparabilité et à l’entretien de certains produits.

Plus récemment, le ministre de la Justice du Québec a proposé le projet de loi 72 [PDF], qui prévoit des exigences supplémentaires en matière de protection des consommateurs. Ces exigences visent un large éventail de domaines, notamment la fixation de justes prix pour les aliments, la réglementation de certaines transactions de crédit ou de louage et la responsabilité du commerçant en cas de fraude.

Ces modifications législatives auront des répercussions importantes sur les entreprises faisant affaire au Québec.

Des exigences strictes en matière de durabilité des produits de consommation

Le projet de loi 29, entré en vigueur le 5 octobre 2023, a introduit de nouvelles exigences en matière de durabilité des produits. Certains produits bénéficient désormais d’une garantie légale de bon fonctionnement. Les produits qui nécessitent un entretien bénéficient désormais d’une garantie légale bonifiée de disponibilité des pièces de rechange et des services de réparation. L’obsolescence programmée des produits est interdite, de même que le recours à une technique qui rend plus difficile l’entretien ou la réparation d’un bien. Enfin, le gouvernement a maintenant le pouvoir réglementaire d’établir des normes techniques ou de fabrication pour les biens.

Pour faire respecter ces nouvelles exigences, le gouvernement a augmenté le montant des amendes pénales en cas d’infraction aux dispositions de la Loi sur la protection du consommateur et introduit de nouvelles sanctions administratives pécuniaires. Lorsqu’une entreprise commet une infraction à la Loi sur la protection du consommateur ou à l’un de ses règlements, un administrateur, un dirigeant, un mandataire ou un représentant de l’entreprise est désormais présumé avoir commis lui-même cette infraction, à moins qu’il n’établisse qu’il a fait preuve de diligence raisonnable. Cette présomption a pour effet d’élargir considérablement la portée de la responsabilité des représentants, des administrateurs et des dirigeants d’une entreprise.

Garantie légale de bon fonctionnement

La garantie légale de bon fonctionnement s’applique à la vente ou à la location de certains nouveaux produits énumérés, ainsi qu’à d’autres biens prescrits par règlement. Cette nouvelle garantie s’ajoute aux autres garanties légales de qualité, de durabilité et d’usage normal qui existaient déjà dans la Loi sur la protection du consommateur, ainsi qu’à la garantie légale de qualité prévue dans le Code civil du Québec, laquelle s’applique à tous les biens.

La durée de la garantie pour chaque bien visé est déterminée par règlement. Si le produit visé tombe en ruine pendant cette période, c’est le commerçant ou le fabricant qui en assume les frais de réparation. La nouvelle garantie couvre à la fois les pièces et la main-d’œuvre et est transférable aux acheteurs subséquents du produit.

Les commerçants qui vendent une garantie supplémentaire doivent divulguer l’existence de la garantie légale de bon fonctionnement. Le consommateur a le droit de résilier le contrat de garantie supplémentaire sans frais ni pénalité dans les 10 jours suivant l’achat.

Pièces de rechange et services de réparation

La Loi sur la protection du consommateur exige déjà que le commerçant fournisse des pièces de rechange et des services de réparation pendant une période raisonnable après la vente du produit original, sauf si le commerçant se dégage expressément de cette obligation en informant le consommateur, au moment de la vente, qu’il ne fournit aucune pièce de rechange ni aucun service de réparation. Cette obligation s’étend désormais à la fourniture des renseignements nécessaires à l’entretien ou à la réparation des biens.

Les modifications législatives relatives à la protection des consommateurs auront des répercussions importantes sur les entreprises faisant affaire au Québec.

Le gouvernement peut, par règlement, déterminer certains types de pièces ou de renseignements à l’égard desquels un commerçant ne peut se dégager de cette obligation en avertissant le consommateur qu’il n’offre pas de pièces de rechange ou de services de réparation, ainsi que la durée pendant laquelle ces pièces et ces renseignements doivent être disponibles et le délai à l’intérieur duquel le commerçant ou le fabricant doit les fournir au consommateur. Les renseignements relatifs à la disponibilité des pièces de rechange et des services de réparation, de même que ceux nécessaires à l’exécution de l’entretien, doivent être communiqués. Les pièces de rechange doivent pouvoir être installées à l’aide d’outils d’usage courant et les réparations doivent pouvoir être faites à un prix raisonnable.

Le commerçant ou le fabricant doit répondre dans les 10 jours à la demande de réparation du consommateur, en précisant le délai requis pour réparer le bien. S’il ne répond pas ou ne respecte pas le délai, le commerçant ou le fabricant doit remplacer le produit ou rembourser le prix d’achat.

Le projet de loi 72 impose d’autres exigences onéreuses

Le 12 septembre 2024, le ministre de la Justice du Québec a présenté le projet de loi 72, qui renforce les exigences de la Loi sur la protection du consommateur concernant le prix des produits alimentaires, les pratiques de pourboire, les contrats de crédit, les contrats de louage à long terme et la fraude. Le projet de loi a été adopté le 7 novembre 2024.

Prix des aliments

Le projet de loi 72 propose une série de dispositions visant à garantir que les consommateurs sont bien informés et protégés contre la fixation de prix de vente au détail inéquitables pour les produits alimentaires. Par exemple, il oblige les détaillants à indiquer, à proximité du prix d’un produit alimentaire, si des taxes de vente seront ajoutées au prix du produit.

D’autres mesures visent la disparité entre le prix proposé au consommateur qui adhère à un programme de fidélisation et celui proposé aux autres consommateurs, en exigeant la divulgation des deux prix. La taille des caractères utilisée pour indiquer le prix proposé au consommateur ayant adhéré à un programme de fidélisation ne doit pas excéder de plus de 25 % celle utilisée pour indiquer le prix courant.

Pratiques de pourboire

Les pourboires proposés par un établissement dans la province doivent être calculés en fonction du prix avant taxes. De plus, le consommateur doit pouvoir déterminer le montant du pourboire à donner. Si plusieurs choix de pourboire sont offerts, ils doivent tous être affichés de manière aussi évidente.

Contrats de crédit ou de louage

Certains commerçants qui concluent des contrats de crédit variable, de crédit à coût élevé, de prêt d’argent et de louage à long terme à coût élevé (comme un contrat de location de véhicule à long terme) doivent être titulaires d’un permis. Un contrat sera considéré « à coût élevé » si le taux de crédit ou le taux de crédit implicite, dans le cas d’un contrat de louage, dépasse de 22 % le taux d’escompte de la Banque du Canada. Le non-respect de cette exigence pourrait invalider le contrat.

La capacité des commerçants de modifier unilatéralement les contrats de crédit et les contrats de louage à long terme est considérablement restreinte. Ainsi, une modification ayant pour effet d’augmenter le taux de crédit, d’imposer des frais de crédit dans un contrat de crédit ou de majorer le taux de crédit implicite ou les frais de crédit implicites dans un contrat de louage à long terme ne peut être apportée qu’à la demande du consommateur.

Un commerçant n’est autorisé à transférer que sous réserve de certaines conditions les sommes dues dans le cadre d’une opération de reprise à un nouveau contrat de vente à tempérament ou à un contrat de louage à long terme. Il doit obtenir le consentement du consommateur, indiquer le solde de la dette dans le contrat et informer le consommateur que le capital net du contrat comprend le solde de la dette précédente.

Modifications concernant les prêteurs

Toutes les demandes de crédit variable doivent comporter un champ permettant au consommateur d’indiquer la limite de crédit qu’il souhaite. Il est interdit aux commerçants d’accorder une limite de crédit plus élevée que celle demandée. Toute demande qui ne précise pas de limite de crédit doit être refusée.

De plus, les frais liés à l’adhésion ou au renouvellement d’un contrat de carte de crédit peuvent être exclus du calcul du taux de crédit uniquement s’ils sont facturés une fois par année. Le projet de loi 72 prescrit l’ordre dans lequel les versements effectués par le consommateur doivent être imputés sur le solde de son crédit variable. Le commerçant doit d’abord imputer tout versement sur la dette portant le taux de crédit le plus élevé. Par la suite, les paiements doivent être imputés sur les autres dettes par ordre décroissant de taux de crédit.

Lorsqu’un consommateur résilie un contrat d’assurance auquel il a souscrit en marge d’un contrat de crédit, le commerçant doit modifier ce dernier pour réduire les versements ou le terme en conséquence, au choix du consommateur.

Un prêteur doit envoyer une alerte électronique au consommateur pour l’aviser que son crédit disponible est inférieur à 100 $ si le prêteur souhaite permettre les opérations qui dépassent la limite. Un avis postérieur à l’opération n’est autorisé que si le prêteur n’a pas l’adresse électronique de l’emprunteur. Les frais de dépassement de limite sont toujours interdits. Le prêteur est toutefois expressément autorisé à exiger certains frais pour insuffisance de fonds en plus des frais de crédit.

Enfin, le projet de loi 72 précise que tous les frais liés aux sûretés doivent être inclus dans les frais de crédit. Toutefois, certains frais d’inscription continuent d’être exclus du calcul du taux de crédit.

Modifications concernant les locateurs

Le projet de loi 72 introduit une série de mesures visant à obliger les locateurs à accorder aux locataires une protection analogue à celle qu’il faut accorder aux emprunteurs dans le cadre d’une opération de prêt, dont la divulgation du taux de crédit implicite. À cet égard, les locateurs sont soumis à des exigences semblables à celles qui s’appliquent actuellement aux prêts.

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Les locateurs sont également assujettis à des restrictions supplémentaires sur les frais d’usure excessive; ils doivent notamment préciser quand et dans quelles circonstances ces frais peuvent être imposés.

Fraude

Le projet de loi 72 oblige le commerçant auprès duquel un consommateur détient un compte de dépôt à vue à lui rembourser toute somme débitée de ce compte sans son autorisation. Lorsque le commerçant a débité cette somme sans prendre les précautions nécessaires pour prévenir la fraude malgré la présence d’indices probants permettant de la soupçonner, il peut être tenu de rembourser la somme débitée même si le consommateur a autorisé le retrait.

La suite des choses

Les projets de loi 29 et 72 soulignent tous deux le vif désir de l’Assemblée nationale du Québec de renforcer les lois provinciales protégeant les consommateurs. Vu les nombreux changements adoptés dernièrement par l’Assemblée nationale, les entreprises sont invitées à prendre connaissance des nouvelles exigences, à les assimiler et à envisager de façon proactive les modifications à apporter à leurs pratiques et politiques en vue de se conformer à l’esprit et à la lettre des lois québécoises protégeant les consommateurs.