Auteurs(trice)
Associée, Droit des sociétés, Toronto
Associée, Services financiers, Toronto
Le rythme des changements dans la réglementation des services financiers se poursuit sans relâche. Sont survenus en 2024 des changements importants dont les conséquences sur les fournisseurs devraient continuer de se faire sentir au cours de l’année à venir. Parmi ces changements figure la mise en œuvre du nouveau cadre de gestion des activités associées aux paiements de détail, qui concerne un large éventail de participants. Des changements importants réduisant le taux d’intérêt qui peut être légalement facturé aux consommateurs entreront en vigueur au début de 2025, et d’autres pourraient suivre. Le Code de conduite destiné à l’industrie des cartes de paiement au Canada a été mis à jour pour inclure de nouvelles obligations d’information. Les services financiers axés sur les consommateurs, communément appelés « services bancaires ouverts », pourraient gagner du terrain.
Le Canada a également changé de manière importante son approche en matière de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Au Québec, soucieux de protéger les consommateurs, le gouvernement provincial a apporté à ses lois protégeant les consommateurs des modifications qui, dans certains cas, se répercuteront sur le secteur des services financiers.
En 2025, on doit s’attendre à d’autres changements importants, notamment à la suite de l’examen des lois régissant les institutions financières fédérales en cours. Il reste à voir si, après les élections qui se tiendront à l’échelle nationale au plus tard en octobre 2025, le gouvernement fédéral changera ses priorités.
La mise en œuvre de la Loi sur les activités associées aux paiements de détail est en cours
En préparation de la mise en œuvre progressive de la Loi sur les activités associées aux paiements de détail (LAAPD), la Banque du Canada (la « Banque ») a publié un grand nombre de lignes directrices au cours de 2024. C’est pourquoi Osler tient à jour une page de ressources détaillée sur la LAAPD qui présente les lignes directrices à l’intention des personnes assujetties à cette loi.
La Banque a clairement indiqué dans ses lignes directrices qu’elle entendait inclure un éventail plus large de participants que celui auquel on aurait pu s’attendre, comme certains prêteurs qui optent pour la formule « achetez maintenant, payez plus tard », les marchés en ligne, les plateformes infonuagiques et les fournisseurs de logiciels qui proposent des passerelles de paiement. Ces fournisseurs de services de paiement (FSP), entre autres, devaient soumettre leur demande d’enregistrement au titre de la LAAPD au début du mois de novembre 2024.
Il y aura une période de transition de 10 mois entre la mi-novembre 2024 et le 7 septembre 2025. Au cours de cette période, la Banque examinera les demandes d’enregistrement. Les FSP qui soumettent leur demande après la période de demande initiale, mais pendant cette période de transition, doivent le faire au moins 60 jours avant la date prévue du début de leurs activités associées aux paiements de détail. La Banque a indiqué qu’elle rendrait publiques ses décisions relatives à l’enregistrement le 8 septembre 2025, y compris la liste des FSP dont la demande d’enregistrement aura été approuvée et la liste de ceux dont la demande aura été refusée. À ce moment-là, les dispositions relatives au risque opérationnel, à la réponse aux incidents et à la protection des fonds entreront en vigueur.
La Banque a déjà publié des lignes directrices définitives sur le cadre de gestion du risque opérationnel et de la réponse aux incidents, ainsi que sur la déclaration des incidents. Au moment de la publication du présent article, les lignes directrices définitives sur la protection des fonds n’étaient pas publiées. Dans les mois précédant septembre 2025, les FSP devront étudier les lignes directrices pour s’assurer que leurs systèmes et leurs activités peuvent répondre aux attentes déclarées de la Banque et aux exigences de la LAAPD qui doivent entrer en vigueur.
Renforcer le secteur financier fédéral
Comme nous l’avons déjà indiqué dans notre bulletin d’actualités d’août 2024, le ministère des Finances a donné le coup d’envoi à la troisième phase de son examen des lois régissant les institutions financières fédérales du Canada par une consultation axée sur la concurrence dans le secteur, la protection des consommateurs, la modernisation, les risques géopolitiques et la mise en place d’un cadre réglementaire solide. Les thèmes abordés dans cette consultation représenteront des changements importants pour le secteur financier fédéral. Même si l’issue de la consultation demeure inconnue, il faut s’attendre à des changements en 2025.
Sont survenus en 2024 des changements importants dont les conséquences sur les fournisseurs devraient continuer de se faire sentir au cours de l’année à venir.
Parmi les propositions ouvertes à la consultation figurent des mesures visant à renforcer le processus d’approbation ministérielle. Citons, par exemple, le lancement de consultations publiques obligatoires lorsque l’approbation demandée soulève d’« importantes » préoccupations d’intérêt public. Les mesures proposées élargiraient expressément le pouvoir du ministre des Finances de prendre en considération certains facteurs comme le respect des obligations liées à la taxation ou à la lutte contre le blanchiment d’argent lorsqu’il s’agit de déterminer s’il y a lieu d’accorder ou non une approbation.
Le ministère des Finances examine également s’il y a lieu de mettre à jour certains seuils prévus par la loi. L’une des mesures envisagées est l’exigence en matière de détention publique qui s’applique actuellement aux banques dont les capitaux propres sont supérieurs ou égaux à 2 milliards de dollars, mais inférieurs à 12 milliards de dollars. D’autres limites pourraient être augmentées, notamment en ce qui concerne les activités de financement spécialisées, les pouvoirs relatifs à l’investissement et la propriété de certains biens immobiliers. Telles qu’elles sont proposées, ces limites peuvent être fixées dans des lignes directrices du Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), plutôt que par voie de règlement, afin de permettre aux autorités de réglementation de réagir plus rapidement en fonction des fluctuations des conditions de marché.
S’écartant nettement de la politique existante, la consultation posait la question de savoir si les banques devraient être autorisées à se livrer à des activités de location de véhicules à moteur légers auprès des consommateurs. Si cette mesure est adoptée, elle pourrait modifier de manière significative la structure et la dynamique actuelles du marché.
Face à l’augmentation du nombre d’incidents de fraude, le gouvernement a aussi proposé des mesures visant à réduire les risques pour les consommateurs et à accroître la responsabilité des banques en cas de fraude. Dans le cadre de la consultation, le gouvernement a demandé s’il fallait fixer un seuil de responsabilité maximal pour les victimes, similaire à la responsabilité maximale de 50 $ qui existe de nos jours en cas d’utilisation non autorisée d’une carte de crédit.
Enfin, le gouvernement fédéral propose de renforcer sa participation eu égard au recours à l’intelligence artificielle (IA) dans le secteur des services financiers. Plus tôt cette année, le BSIF et l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC) ont publié conjointement un rapport sur les risques liés à l’IA, qui décrit les principaux risques internes et externes découlant de l’utilisation de cette technologie. Le rapport indique que le BSIF prévoit tenir un deuxième forum sur l’IA dans le secteur des services financiers afin d’établir des pratiques exemplaires plus précises. Le secteur attend également que le BSIF publie la version définitive de sa ligne directrice E-23 – Gestion du risque de modélisation, qui traite de l’utilisation de la modélisation, dont celle fondée sur l’IA et l’apprentissage automatique. Nous nous attendons à ce que la question de l’IA continue d’être au centre des préoccupations au cours de 2025.
Taux d’intérêt criminel
Comme nous l’avons mentionné dans notre bulletin d’actualités du 27 août 2024, des modifications importantes à l’article 347 du Code criminel (Canada) entreront en vigueur le 1er janvier 2025. La définition de « taux criminel » passera d’un taux d’intérêt annuel effectif à un taux d’intérêt annuel en pourcentage, et le taux sera réduit d’un taux d’intérêt annuel effectif de 60 % à un taux d’intérêt annuel en pourcentage de 35 %.
Parallèlement, entrera en vigueur un règlement ayant pour effet de réduire les répercussions de ce changement sur les prêts commerciaux, c’est-à-dire les prêts qui sont accordés à un emprunteur qui n’est pas une personne physique et qui visent des fins commerciales ou d’affaires. Tout d’abord, en vertu de ce règlement, un prêt commercial sera entièrement exempté des dispositions relatives au taux d’intérêt criminel si le montant du capital prêté est supérieur à 500 000 $. Ensuite, un prêt commercial en sera partiellement exempté si le montant du capital prêté est supérieur à 10 000 $, mais égal ou inférieur à 500 000 $. Dans ce cas, le taux annuel en pourcentage appliqué au capital prêté ne devra pas être supérieur à 48 %. Cela équivaut à peu près à la limite actuelle de 60 % au-delà de laquelle le taux d’intérêt devient criminel. Le règlement ne prévoit pas d’exemption pour les prêts à la consommation ou les petits prêts commerciaux.
Le règlement fixe également un plafond fédéral du coût d’emprunt pour les prêts sur salaire, ce qui harmonise le coût dans toutes les provinces qui ont adopté un régime de prêts sur salaire. Le plafond est de 14 % de la somme d’argent prêtée à l’emprunteur. Ce plafond ne comprend pas les frais expressément autorisés en vertu des lois applicables en cas de défaut de paiement ou en cas de chèque ou autre effet refusé, si ces frais totalisent 20 $ ou moins.
Le gouvernement fédéral a proposé d’apporter d’autres modifications aux dispositions sur les taux d’intérêt criminels. À une date qui n’a pas encore été annoncée, l’article 347 sera modifié afin d’ajouter une infraction pour la publicité relative à un accord qui prévoit la perception d’intérêts à un taux criminel. De plus, le gouvernement a proposé que les définitions de « frais d’assurance » et d’« intérêt » soient modifiées de façon à ce que la définition d’« intérêt » englobe expressément les frais d’assurance. Par conséquent, les primes pour des produits comme l’assurance-crédit seront incluses dans le plafond de 35 % applicable aux prêts à la consommation. Il reste à voir si cette dernière proposition entrera en vigueur telle qu’elle a été proposée.
Code de conduite de l’industrie des cartes de paiement
Le 30 octobre 2024, la toute nouvelle version du Code de conduite destiné à l’industrie des cartes de paiement au Canada (le Code) est entrée en vigueur. Les acquéreurs doivent prendre note des nouvelles exigences en matière de divulgation des coûts par transaction. À compter du 30 avril 2025, par exemple, les demandes, estimations et propositions de traitement des cartes devront inclure certains renseignements sur les coûts des transactions, ainsi que les données et les justifications utilisées pour établir ces renseignements, comme la composition des cartes et le volume des transactions. Les commerçants pourront ainsi plus facilement comparer les tarifs des différents fournisseurs. Les acquéreurs devront prévoir les modifications à apporter à leur système pour intégrer ces nouvelles exigences dans leurs activités.
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En savoir plusLes exploitants de réseaux de cartes de paiement (« ERCP ») et les acquéreurs qui envisagent d’augmenter les frais ou d’en introduire de nouveaux en 2025 devront également tenir compte des délais de préavis qui entreront en vigueur le 30 avril 2025. En effet, les ERCP devront donner aux acquéreurs un préavis d’au moins 120 jours (avant cette date, d’au moins 90 jours) pour les modifications de frais non structurelles, c’est-à-dire la modification de la valeur des frais d’acceptation ou de traitement actuels. Les ERCP devront leur donner un préavis d’au moins 210 jours en cas de modification des frais structurels. Quant aux acquéreurs, ils devront donner aux commerçants un préavis de 30 à 60 jours avant la date d’entrée en vigueur de tous frais d’acquéreur/processeur nouveaux ou augmentés, transmis en tout ou en partie aux commerçants.
Services bancaires axés sur les consommateurs
Les services bancaires axés sur les consommateurs, expression privilégiée par le gouvernement fédéral pour désigner les services bancaires ouverts, ont gagné du terrain en 2024. Cela a commencé avec l’annonce dans le budget de 2024 que l’ACFC aurait pour mandat de superviser, d’administrer et de faire respecter le cadre canadien sur les services bancaires axés sur les consommateurs, et s’est poursuivi avec l’adoption de la Loi sur les services bancaires axés sur les consommateurs. Toutefois, il manque à cette loi – qui n’est pas encore en vigueur – des détails essentiels concernant la mise en œuvre des services bancaires axés sur les consommateurs, et elle ne traite pas de la responsabilité, des normes de sécurité des données ou des questions de gouvernance. Nous sommes conscients que des consultations à huis clos ont eu lieu et que des détails supplémentaires pourraient être fournis à court terme. Cependant, rien ne s’est concrétisé jusqu’à présent.
Le gouvernement fédéral s’est fixé pour objectif d’adopter la loi et de mettre en œuvre le cadre de gouvernance nécessaire à la prestation des services bancaires axés sur les consommateurs d’ici 2025. Compte tenu de l’absence d’évolution depuis l’adoption de la loi, les perspectives pour les services bancaires axés sur les consommateurs en 2025 restent incertaines.
Autres changements touchant le secteur des services financiers
En outre, le Canada a apporté des changements importants aux lois sur la lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, que nous abordons dans notre article traitant de ce sujet.
Par ailleurs, le Québec a apporté des modifications aux dispositions de sa loi sur la protection des consommateurs concernant les contrats de crédit et les contrats de louage à long terme, sujet que nous abordons dans notre bulletin d’actualités du 31 octobre 2024.
Faire face à un paysage en évolution
L’ensemble des changements évoqués ci-dessus imposera des exigences supplémentaires aux entreprises de services financiers. Il sera important, en 2025, de bien comprendre ces exigences et de disposer d’un plan complet pour y faire face.