Auteurs(trice)
Associée, chef du groupe de pratique du droit de la concurrence et de l’investissement étranger, Toronto
Associée, Droit de la concurrence et investissement étranger, Toronto
Associée, Droit de la concurrence et de l'investissement étranger, Calgary
Associé, Droit des sociétés, New York
Associé, Droit des sociétés, Toronto
Plusieurs modifications ont été apportées récemment à la Loi sur la concurrence (la Loi), alors que par ailleurs sont proposées des modifications aux lois sur les valeurs mobilières et que les investisseurs demandent de plus en plus que les risques liés au climat et au développement durable soient définis, déclarés et contrôlés, sujet que nous abordons dans un autre article de « Perspectives juridiques Osler ». Parmi ces modifications figure l’ajout de deux dispositions visant spécifiquement les déclarations et allégations trompeuses sur les caractéristiques environnementales d’une entreprise, de ses produits ou de ses activités, communément appelées « écoblanchiment ». Ainsi, à compter de juin 2025, les parties privées pourront demander des sanctions pécuniaires importantes et des ordonnances d’interdiction en cas d’écoblanchiment, mais ne pourront pas obtenir de compensation financière directe.
Contrairement à d’autres lois relatives à l’environnement, ces nouvelles dispositions ne sont pas destinées à faire progresser les politiques environnementales par la voie du droit de la concurrence. Elles visent plutôt à garantir que les déclarations environnementales ne sont pas trompeuses et qu’elles sont fondées.
Les entreprises doivent donc être conscientes que les déclarations environnementales concernant leurs produits, services et activités commerciales pourraient faire l’objet d’un examen approfondi de la part du Bureau de la concurrence (le Bureau), ainsi que d’actions en justice intentées par des parties privées en vertu de la Loi.
L’approche de la Loi et les changements en cours
La Loi a toujours exigé que les déclarations relatives aux produits et aux activités commerciales ne soient pas trompeuses et que les allégations de rendement se fondent sur une épreuve suffisante et appropriée. Même avant ces modifications, le Bureau enquêtait sur les allégations environnementales des entreprises et obtenait des mesures de redressement à leur endroit. De fait, le Bureau mène actuellement plusieurs enquêtes sur l’écoblanchiment.
En vertu des nouvelles dispositions, il incombe aux entreprises de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que toute allégation de rendement qu’elles font concernant « les avantages d’un produit pour la protection ou la restauration de l’environnement ou l’atténuation des causes ou des effets environnementaux, sociaux et écologiques des changements climatiques » se fonde sur une « épreuve suffisante et appropriée ». Elles doivent également prouver que toute déclaration concernant les « avantages d’une entreprise ou de l’activité d’une entreprise pour la protection ou la restauration de l’environnement ou l’atténuation des causes ou des effets environnementaux et écologiques des changements climatiques » « se fonde sur des éléments corroboratifs suffisants et appropriés au moyen d’une méthode reconnue à l’échelle internationale ».
L’exigence selon laquelle les allégations doivent être fondées sur une « épreuve suffisante et appropriée » existe depuis plusieurs décennies, mais, ce qui est nouveau, c’est l’exigence d’une justification « au moyen d’une méthode reconnue à l’échelle internationale ». La Loi ne donne aucune définition de cette « méthode reconnue à l’échelle internationale ». Pour l’heure, il n’est pas certain que, dans la pratique, l’exigence de corroboration « au moyen d’une méthode reconnue à l’échelle internationale » modifiera sensiblement les éléments de preuve requis pour étayer la corroboration. Par exemple, nous nous attendons à ce que les déclarations faites conformément aux méthodes spécifiques prescrites par les lois sur les valeurs mobilières soient considérées comme des éléments corroboratifs appropriés.
Il importe que les entreprises reconnaissent que les nouvelles dispositions n’ont pas pour effet de modifier de façon importante le droit substantiel pour ce qui est de déterminer ce qui constitue une déclaration trompeuse ou une allégation de rendement. En outre, les dispositions de la Loi relatives aux indications trompeuses continuent de prévoir un moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable, selon lequel, si une entreprise établit qu’elle a fait preuve de diligence raisonnable pour empêcher l’indication trompeuse, le seul recours dont elle dispose est une ordonnance d’interdiction. Toutefois, l’association des nouvelles dispositions avec le nouveau régime d’application privée de cette loi peut exposer les entreprises à un risque et à une responsabilité accrus, étant donné que les modifications renforcent la loi existante et signalent une attention plus marquée aux allégations environnementales.
En septembre, le Bureau a consulté les parties prenantes sur les dispositions relatives à l’écoblanchiment, après avoir reçu un nombre record de commentaires. Le Bureau s’est engagé à publier rapidement des directives afin de fournir un cadre prévisible pour l’évaluation de la corroboration des déclarations environnementales. Dans l’intervalle, le Bureau a mis à jour son « recueil des pratiques commerciales trompeuses » en y ajoutant des conseils et des rappels utiles concernant les déclarations ou les allégations relatives à l’environnement.
Reste à voir si l’on assistera à une avalanche de litiges. Comme nous l’avons indiqué, à compter du 20 juin 2025, les parties privées pourront demander au Tribunal de la concurrence (le Tribunal) la permission de présenter une demande de mesures de redressement en vertu des dispositions de la Loi relativement aux indications trompeuses, notamment les dispositions relatives à l’écoblanchiment. La permission – c’est-à-dire l’autorisation du Tribunal d’intenter une action – ne sera accordée que si le Tribunal détermine que l’affaire est dans « l’intérêt public ». On ne sait pas encore ce que cela signifie pour les allégations. De nombreuses parties prenantes ont demandé au Tribunal de fournir des lignes directrices à ce sujet. Ce qui est clair au minimum, c’est qu’en vertu de la Loi, la permission ne sera pas accordée si une enquête est en cours ou si un règlement a déjà été conclu avec le Bureau concernant la même question.
Apprenez-en davantage sur la nouvelle Loi sur la concurrence du Canada : ce que les entreprises doivent savoir.
En savoir plusIl est moins évident de savoir quelle sera l’interaction entre ce critère d’intérêt public et les allégations ou les mesures d’exécution dans d’autres circonstances, par exemple dans le cadre des lois sur les valeurs mobilières. Contrairement à la plupart des autres dispositions de la Loi, les parties privées ont toujours été en mesure de contester l’écoblanchiment devant les tribunaux de commerce généraux en vertu des dispositions pénales de la Loi relativement aux indications trompeuses et des lois provinciales sur la protection des consommateurs. En fait, les parties privées le font régulièrement depuis plus d’une décennie. Étant donné que les nouvelles dispositions relatives à l’écoblanchiment ne donneront pas lieu à un droit d’action civile pour des dommages-intérêts pécuniaires, si les parties privées veulent obtenir une réparation pécuniaire ou des dommages-intérêts, elles doivent suivre les procédures existantes et éprouvées.
Certains groupes environnementalistes activistes vont très certainement être dans les premières parties à se prévaloir du nouveau droit d’action privé. Bon nombre de ces groupes ont plaidé en faveur des nouvelles dispositions et poursuivent depuis longtemps les entreprises en déposant des plaintes officielles auprès du Bureau, sans chercher particulièrement à obtenir une réparation pécuniaire pour eux-mêmes. Lorsque le nouveau régime d’accès privé entrera en vigueur, ces groupes, à condition que le Tribunal leur accorde la permission, seront en mesure de déposer des demandes de mesures de redressement et de les plaider directement à leurs propres conditions.
Préparation des entreprises pour 2025 et après
Dans l’attente de nouvelles directives du Bureau, les entreprises peuvent, dès maintenant, prendre de nombreuses mesures.
Comme c’était le cas avant les modifications, il est essentiel que les entreprises fassent des allégations ou des déclarations environnementales de manière responsable. Elles doivent le faire en s’appuyant sur des preuves tangibles et en tenant compte des données les plus récentes. Ces allégations doivent également pouvoir être corroborées par des méthodes utilisées par des parties indépendantes dont l’expertise est reconnue dans le domaine concerné.
Comme le fardeau de la preuve incombe à l’entreprise qui fait des déclarations ou des allégations, il est conseillé de divulguer de façon claire les sources de corroboration et les preuves qui étayent les allégations.
Il pourrait s’agir de citer, dans la mesure du possible, des données quantitatives provenant de tiers précis et relatives à des déclarations concernant des questions environnementales.
Les entreprises doivent tenir un dossier interne pour corroborer les déclarations concernant leurs actions relatives à la protection ou à la restauration de l’environnement ou à l’atténuation des causes ou des effets environnementaux ou écologiques des changements climatiques.
Enfin, toutes les entreprises doivent faire preuve de discernement lorsqu’elles utilisent les termes « vert » ou « propre ». Ces termes doivent être utilisés avec prudence et uniquement dans des circonstances où les références sont moins susceptibles d’être ambiguës et contestées.
Les modifications apportées à la Loi offrent aux entreprises une bonne occasion de faire le point sur la nature et l’étendue de leurs déclarations sur les questions liées au climat et à d’autres questions environnementales. Les entreprises doivent également réfléchir à la manière dont sont calculés les paramètres sur lesquels elles s’appuient pour étayer leurs déclarations environnementales, et valider les données d’entrée et les systèmes sur lesquels reposent ces paramètres.