Auteurs(trice)
Associé, Droit du travail et de l’emploi, Toronto
Associée, Droit du travail et de l'emploi, Ottawa
Sociétaire, Droit du travail et de l’emploi, Toronto
En 2011, la juge Wailan Low a formulé un commentaire célèbre selon lequel il ne devrait pas y avoir de « difficulté particulière » à rédiger une clause de résiliation exécutoire qui limite les droits d’un employé congédié aux normes minimales prévues par la loi. Malheureusement, malgré ce que croyait la juge Low, l’évolution de la situation en 2024 montre que cette tâche est un éternel recommencement et qu’elle continuera vraisemblablement de l’être dans l’avenir.
La jurisprudence récente a révélé une convergence troublante des tendances en droit du travail. Plus particulièrement, les tribunaux refusent de plus en plus d’appliquer des clauses de résiliation, particulièrement en Ontario. Cette tendance, combinée à la volonté apparente des tribunaux de conclure que les employeurs ont répudié les contrats de travail, ainsi que l’augmentation des délais de préavis en common law, crée un contexte beaucoup plus difficile et coûteux pour les employeurs. Nous nous attendons à ce que les employés impliqués dans un litige continuent d’être encouragés par ces tendances à présenter des demandes pour congédiement injustifié.
Ces récents changements nous rappellent que le Canada n’est pas un pays où les emplois peuvent être résiliés sans motif. Par conséquent, pour réduire le risque de litige en droit du travail et atténuer le montant des règlements éventuels, les employeurs devraient effectuer des vérifications régulières de leurs contrats de travail ainsi que de leurs politiques et pratiques en matière de ressources humaines pour s’adapter à l’évolution des directives judiciaires.
L’hostilité judiciaire à l’égard des clauses de résiliation se poursuit
Les tribunaux de l’Ontario en particulier continuent d’adopter une approche de plus en plus hostile relativement à l’application des clauses de résiliation. La décision de la Cour supérieure de justice de l’Ontario dans l’affaire Dufault v. The Corporation of the Township of Ignace est devenue la favorite des avocats représentant les employés.
Dans Dufault, la décision se fondait en partie sur le fait que la Loi de 2000 sur les normes d’emploi de l’Ontario (la LNE) interdit aux employeurs de licencier des employés dans certaines situations particulières, notamment à la fin d’un congé protégé par la loi ou par représailles à la suite de l’exercice d’un droit prévu par la loi. Dans cette décision de première instance, la Cour a conclu qu’une clause de résiliation qui renferme une formulation visant à accorder à l’employeur un pouvoir discrétionnaire non contrôlé de mettre fin à la relation d’emploi, en particulier une formulation contractuelle relativement standard faisant référence à une résiliation « à l’entière discrétion » (sole discretion) de l’employeur et « en tout temps » (at any time), constituait une tentative excessive de se soustraire aux exigences minimales de la LNE. Par conséquent, la clause de résiliation a été déclarée non exécutoire.
Peu de temps après l’arrêt Dufault, dans l’affaire De Castro v. Arista Homes Limited, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a conclu que les mots « cause comprend » (cause shall include) utilisés dans la clause de résiliation d’un contact de travail allaient à l’encontre de la LNE. Elle a jugé que ce libellé, qui énumérait certains événements susceptibles de constituer une cause de licenciement, élargissait indûment les circonstances dans lesquelles l’employeur pouvait licencier un employé sans préavis, ou indemnité tenant lieu de préavis, au-delà de ce que prévoit le règlement applicable de la LNE.
Ces décisions nous enseignent que les employeurs doivent adopter une approche très prudente lorsqu’ils rédigent des clauses de résiliation, compte tenu du fait que cet exercice devient de plus en plus nuancé et technique.
Fait intéressant, les tribunaux de la Colombie-Britannique, contrairement à ceux de l’Ontario, semblent disposés à évaluer les clauses de résiliation de façon beaucoup plus ciblée et pratique. Cette différence d’approche est mise en évidence par la décision d’appel dans Egan v. Harbour Air. Dans cette affaire, l’employeur a obtenu gain de cause dans la défense de sa clause de résiliation. Dans ses motifs, la Cour d’appel a fait remarquer que le juge des faits « devrait chercher à déterminer les véritables intentions des parties et ne devrait pas chercher les ambiguïtés pour rendre la clause inapplicable ». Contrairement aux décisions Dufault et De Castro, la Cour, dans Egan, était disposée à conclure que, si le libellé de la clause de résiliation visait clairement à intégrer les dispositions sur les avis de la législation sur les normes d’emploi applicables, la présomption de préavis raisonnable en common law est réfutée.
Dans une rare lueur d’espoir, plus récemment, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a rendu sa décision dans l’affaire Bertsch v. Datastealth Inc. Dans cette affaire, une demande relative au renvoi injustifié d’un employé a été rejetée au motif que, à sa simple lecture, la clause de résiliation ne permettait pas de conclure à une violation de la LNE et qu’elle était claire et dénuée d’ambiguïté dans son intention d’exclure l’avis de common law au moment de la résiliation. Compte tenu de la tendance générale à invalider les clauses de résiliation, il est peut‑être trop tôt pour interpréter cette décision comme une « victoire » pour les employeurs qui pourrait annoncer des décisions plus favorables à long terme, même en supposant qu’un appel de la décision ne soit pas accueilli favorablement.
Nombre accru de décisions concluant à la répudiation des contrats par les employeurs
Une autre tendance judiciaire potentiellement préoccupante pour les employeurs est l’explosion des demandes déposées par des employés alléguant que l’employeur a répudié le contrat de travail. Les tribunaux sont de plus en plus disposés à examiner rigoureusement les formulations utilisées par les employeurs et leur conduite, non seulement à l’étape de la formation du contrat, mais aussi à celle de sa résiliation.
Les employeurs doivent adopter une approche très prudente lorsqu’ils rédigent des clauses de résiliation, compte tenu du fait que cet exercice devient de plus en plus nuancé et technique.
Dans plusieurs cas, nous avons constaté que, dans certaines circonstances, l’employeur a répudié le contrat de travail et ne peut plus s’appuyer sur ses modalités, peu importe si la clause de résiliation est exécutoire ou non. Le fondement d’une demande relative à une répudiation potentielle comprend les simples erreurs où l’employeur calcule mal une exigence prévue par la loi ou un droit contractuel ou exige par erreur qu’un employé signe une renonciation en échange d’un droit contractuel inconditionnel.
Par exemple, dans l’affaire Perretta v. Rand A Technology Corporation, l’employeur a retenu par erreur l’indemnité de départ prévue au contrat de l’employée en la rendant conditionnelle à la signature d’une quittance complète et finale. La Cour a conclu que, ce faisant, l’employeur n’avait plus l’intention d’être lié par le contrat de travail. Par conséquent, l’employée avait droit à un préavis de cessation d’emploi raisonnable en common law plutôt qu’à un avis aux termes de la clause de résiliation, qui visait à limiter les droits de l’employée au moment de son licenciement aux droits minimaux prévus par la LNE.
Récemment, dans l’affaire Klyn v. Pentax Canada Inc., la Cour supérieure de la Colombie-Britannique a adopté une approche semblable en concluant que l’employeur avait répudié le contrat de travail en ne versant pas les commissions dues à l’employé avec son indemnité de départ. Fait intéressant, la Cour a également accordé à l’employé des dommages-intérêts punitifs de 25 000 $ au motif que l’employeur avait « de façon répréhensible » retenu des montants auxquels l’employé avait légalement droit.
Prolongation des délais de préavis
Une autre tendance judiciaire est l’augmentation des délais de préavis raisonnables en common law dans des situations où il n’y avait aucune clause de résiliation ou dans celles où la clause a été déclarée non exécutoire. En common law, il n’y a aucune limite absolue quant à la durée du délai qui constituera un préavis raisonnable de cessation d’emploi. Par ailleurs, les précédents établis en appel ont indiqué que, en règle générale, seules des « circonstances exceptionnelles » justifient un préavis de plus de 24 mois.
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En savoir plusToutefois, de récentes décisions rendues par la Cour d’appel de l’Ontario ont surpassé ce plafond présumé. Dans Lynch v. Avaya Canada Corporation, un employé a eu droit à un préavis de 30 mois. La Cour a relevé certains facteurs comme l’âge de l’employé, son poste unique, ses contributions à l’employeur et son rendement remarquable, qui constituaient les circonstances exceptionnelles requises pour surpasser le plafond précédemment établi. De même, dans Currie v. Nylene Canada Inc., le tribunal a accordé à l’employée un préavis raisonnable en common law de 26 mois.
Fait intéressant, dans ces affaires, l’âge et les années de service des employés semblent avoir été le fondement des préavis extrêmement longs en common law, et non les « circonstances exceptionnelles », loin de là. Dans les deux décisions, les employés étaient près de l’âge de la retraite et avaient travaillé pour leur employeur pendant plus de 35 ans. L’absence d’un critère objectif pour les « circonstances exceptionnelles » et le précédent de 30 mois donnent plus de latitude aux tribunaux pour justifier ces préavis à l’avenir.
Perspectives pour 2025 et les années ultérieures
Malgré la décision utile rendue dans Bertsch, la tendance générale dans la jurisprudence porte à croire qu’il est peu probable que les employés hésitent à contester ou à menacer de contester les congédiements, y compris le caractère exécutoire des contrats de travail. La triste réalité est que le droit du travail devient de plus en plus technique et complexe. Nous constatons déjà que les tribunaux sont prêts à accepter des arguments novateurs dans un effort apparent pour déclarer les clauses de résiliation comme non exécutoires, malgré leur langage simple. Il existe également un risque constant de nouvelles attaques « indirectes » contre d’autres parties au contrat de travail. Par exemple, les employés avancent des arguments fondés sur la rédaction de documents subsidiaires, comme des politiques en matière d’équité ou des régimes de prime, de politiques de milieu de travail ou de documents sur les avantages sociaux.
Il demeure crucial pour les employeurs de consulter des experts en matière d’emploi pour la rédaction des contrats de travail et la préparation des documents de cessation d’emploi. Une erreur commise au début de la relation de travail ou au moment de sa cessation pourrait augmenter considérablement le risque de responsabilité de l’employeur. Il est donc recommandé aux organisations de faire preuve d’une grande vigilance. Il est recommandé aux équipes des ressources humaines, en collaboration avec les services juridiques internes et des conseillers externes, d’adopter une approche pratique lorsqu’il s’agit de documenter les modalités de la relation d’emploi, de régler les problèmes courants et de prendre et mettre en œuvre des décisions à l’égard du personnel. Les employeurs sont également encouragés à passer en revue leurs contrats actuels afin de s’assurer que le formulaire demeure approprié pour les nouveaux employés et ils sont avisés de ne pas utiliser les formulaires d’emploi générés par l’IA ou nouvellement créés sur Internet. Les employeurs devraient envisager de mettre à jour les formulaires qui ne résisteraient plus à un examen judiciaire.