Auteurs(trice)
Associé, Droit de la santé, Toronto
Associée, Droit de la santé, Toronto
Associé, Litiges et Insolvabilité et restructuration, Montréal
Sociétaire, Droit de la santé
Les préoccupations sur l’état actuel du système de soins de santé au Canada demeurent à l’avant-plan du discours public. Après la pandémie, le système de soins de santé demeure sous pression, à court de personnel et fortement engorgé. Les Canadiens sont touchés par ces problèmes systémiques de plusieurs façons. Les plus importantes préoccupations concernent les difficultés d’accès aux soins de santé, notamment aux médecins de famille, les délais d’attente en chirurgie et les coûts pour obtenir des services et des produits de santé qui ne sont pas financés par les régimes publics d’assurance maladie.
Les participants du secteur de la santé, tant du volet public que du volet privé, trouvent depuis de nombreuses années des moyens créatifs d’offrir aux Canadiens un accès facilité aux services de santé et de mieux-être. On parle notamment de l’élargissement des programmes d’assurance individuels ou collectifs, de l’offre de soins virtuels et de l’offre de services de santé et de mieux‑être non assurés à la population canadienne moyennant des frais. Les gouvernements provinciaux et fédéral sont conscients des préoccupations des Canadiens à l’égard de notre système de santé et de nouvelles dispositions législatives axées sur les moyens économiques de faciliter l’accès aux services et aux produits de soins de santé sont en cours d’élaboration.
Réforme des systèmes de soins de santé provinciaux
Les résultats de la Loi de 2023 sur les centres de services de santé communautaires intégrés du gouvernement de l’Ontario seront bientôt apparents. Nous nous attendons à ce que de nouveaux permis pour des centres de services de santé soient délivrés au cours de la prochaine année. Cette loi a remplacé la Loi sur les établissements de santé autonomes en 2023. Elle régit les cliniques privées en Ontario, appelées centres de services de santé communautaires intégrés, qui fournissent des services de diagnostic et de chirurgie financés par l’État. En date du présent article, les résultats de l’appel de demandes de 2024 pour de nouveaux permis d’exploitation de centres de diagnostic par imagerie par résonance magnétique et tomodensitométrie en Ontario n’ont pas encore été annoncés. La délivrance de nouveaux permis pour des centres de chirurgie endoscopique gastro-intestinale et de très attendus centres de chirurgie orthopédique suivra.
Les répondants aux appels de demandes de permis du gouvernement de l’Ontario sont priés d’expliquer de quelle façon la délivrance d’un permis pour le centre de services de santé en question permettra de réduire les délais d’attente des patients, contribuera à améliorer leur expérience et sera intégrée au système de soins public. On espère ainsi que ces nouvelles installations allégeront le fardeau des hôpitaux publics et amélioreront l’expérience des patients, tout en facilitant l’entrée de nouveaux participants dans le secteur de la santé de l’Ontario.
D’importantes réformes du système de santé sont en cours et se poursuivront tout au long de 2025 dans d’autres provinces, notamment en Alberta et au Québec.
La Health Statutes Amendment Act, 2024 réoriente le système de soins de l’Alberta en le faisant passer d’un système centralisé à un système intégré. Plus précisément, les changements à venir en Alberta comprendront le remplacement d’Alberta Health Services par quatre organismes qui régiront les soins primaires, les soins de courte durée, les soins de longue durée ainsi que la santé mentale et les dépendances. L’objectif déclaré de cette modification est de limiter les activités de chacun des quatre organismes à son champ d’exercice afin de favoriser un système de soins simplifié.
Les modifications apportées en Alberta contrastent avec le projet de loi no 15 du Québec, Loi visant à rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace. Le projet de loi no 15 crée Santé Québec, une entité qui gère les activités du système de soins et qui la distingue de l’administration des politiques et de la planification stratégique. Rappelant la Loi de 2019 pour des soins interconnectés de l’Ontario, l’objectif déclaré du projet de loi no 15 est de fournir un service plus efficace au public grâce à une supervision centralisée, en remplacement de l’approche régionale antérieure.
La mise en œuvre du projet de loi no 15 devrait prendre plus d’un an. Parallèlement, le système de soins du Québec mettra également en œuvre la Loi sur les renseignements de santé et de services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives. Le projet de loi no 15 est récemment entré en vigueur et exige d’importants changements dans le traitement des renseignements personnels sur la santé, comme nous le décrivons dans l’article de la revue Perspectives juridiques Osler sur la vie privée.
Changements législatifs fédéraux à venir au cours des prochaines années
Le gouvernement fédéral a activement proposé et promulgué des lois visant à améliorer l’accès aux services de santé au Canada. Parmi les principaux changements en cours, on compte la possibilité d’élargir la portée de la Loi canadienne sur la santé pour inclure les services d’infirmières praticiennes, l’élaboration d’un nouveau programme d’assurance médicaments fédéral, ainsi que l’adoption de nouvelles exigences fédérales qui s’appliqueraient aux fournisseurs de technologies de l’information dans le domaine de la santé. Des détails importants devront être clarifiés au moyen de réglements, de consultations ou de politiques d’interprétation.
Alors que des changements clés sont en cours, des détails importants devront être clarifiés au moyen de règlements, de consultations ou de politiques d’interprétation.
Le gouvernement fédéral a également la capacité d’imposer aux provinces des modalités et des conditions aux ententes de financement entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Bien que les soins de santé relèvent de la compétence exclusive des provinces, la Loi canadienne sur la santé énonce les principes relatifs aux services de soins financés au Canada. Ceux-ci comprennent l’administration publique, l’intégralité, l’universalité, la portabilité et l’accessibilité. La mesure dans laquelle les provinces et les territoires se conforment à ces principes détermine la part du financement qu’ils recevront dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé.
Élargissement possible de la Loi canadienne sur la santé aux services d’infirmières praticiennes
La Loi canadienne sur la santé prévoit que les « services assurés » fournis par des professionnels de la santé hors du cadre hospitalier ou de celui de la chirurgie dentaire doivent être des services fournis par des médecins. Cette année, le ministre fédéral de la Santé a confirmé son intention d’adopter une politique d’interprétation de la Loi canadienne sur la santé relativement aux services équivalents à ceux des médecins et aux soins virtuels. Le ministre a indiqué que cette lettre « clarifiera l’application de la Loi canadienne sur la santé dans la modernisation et l’amélioration des soins de santé, notamment les soins virtuels, la télémédecine et l’élargissement des champs d’exercice des travailleurs de la santé, comme les infirmières praticiennes ».
Il n’est pas possible d’affirmer avec certitude qu’une politique d’interprétation indiquant que les services fournis par des infirmières praticiennes qui relèvent de l’assurance maladie publique sera accompagnée d’une modification correspondante à la Loi canadienne sur la santé à l’appui de cette interprétation. Quoi qu’il en soit, si la portée de la Loi canadienne sur la santé est étendue de façon à inclure les services d’infirmières praticiennes en tant que services assurés, cela pourrait brouiller les cartes pour les entreprises et les participants privés du secteur de la santé qui facturent actuellement les services d’infirmières praticiennes. Les conséquences d’un tel changement dépendront ultimement de la portée des modifications particulières apportées à la Loi canadienne sur la santé, ainsi que des règles et règlements provinciaux qui seront mis en œuvre à la suite de ces modifications fédérales. Il se peut que l’inclusion des services d’infirmières praticiennes dans les services payés par les gouvernements provinciaux n’empêche pas nécessairement les fournisseurs privés de facturer également les services d’infirmières praticiennes.
Loi concernant l’assurance médicaments
À l’heure actuelle, le Canada n’a pas de régime universel d’assurance médicaments. Les programmes publics actuels d’assurance médicaments des provinces et des territoires ne sont pas mis en œuvre de façon uniforme. Dans ce contexte, la Loi concernant l’assurance médicaments du gouvernement fédéral a reçu la sanction royale et est immédiatement entrée en vigueur en octobre 2024. L’objectif déclaré de la Loi concernant l’assurance médicaments est d’améliorer l’abordabilité et l’accessibilité des médicaments d’ordonnance, de soutenir l’élaboration d’une liste nationale de médicaments d’ordonnance et de concevoir une stratégie nationale d’achat en gros.
La Loi concernant l’assurance médicaments n’établit pas un régime universel d’assurance médicaments. Elle impose plutôt au ministre de la Santé fédéral l’obligation de prendre des mesures en vue de mettre en place un régime universel d’assurance médicaments. Bien que la Loi concernant l’assurance médicaments soit actuellement en vigueur, bon nombre des principaux termes utilisés dans cette loi n’ont pas été définis. Il est donc difficile de prédire l’incidence qu’aura cette loi en 2025 et au-delà.
Par exemple, la Loi concernant l’assurance médicaments engage le gouvernement fédéral à fournir un financement à long terme pour les produits pharmaceutiques, en commençant par ceux utilisés pour traiter les « maladies rares ». Malheureusement, le terme « maladies rares » n’est pas défini. De plus, la Loi concernant l’assurance médicaments garantit « une couverture universelle au premier dollar à payeur unique » pour étendre toute assurance médicaments publique existante à des médicaments d’ordonnance précis et à des produits connexes destinés à la contraception et au traitement du diabète. La mise en œuvre de cette couverture est toutefois assujettie à des ententes de financement entre le ministre de la Santé fédéral et les gouvernements des provinces et des territoires.
De plus, le régime national d’assurance médicaments est assujetti à l’élaboration de listes de médicaments et de stratégies détaillées sur les plans opérationnel et financier. Celles-ci seront élaborées dans le cadre de discussions à venir, ainsi que de travaux qui seront menés par l’Agence des médicaments du Canada et un nouveau comité d’experts. On ne sait pas trop quelle sera l’interaction entre cette couverture et les régimes publics d’assurance médicaments existants et les régimes privés auxquels de nombreux Canadiens ont déjà accès.
Technologies de la santé et intelligence artificielle
On s’attend à ce que la prolifération de l’intelligence artificielle (IA) ait des effets transformateurs sur la prestation des soins de santé au Canada. Ses répercussions devraient être plus importantes que toute modification législative. Le paysage réglementaire en ce qui concerne l’utilisation de l’IA dans les soins de santé est actuellement quelque peu limité. Il est largement fondé sur les directives et les principes généraux émis par les organismes de réglementation de la santé et de protection de la vie privée du Canada, ainsi que sur les règles existantes régissant les logiciels en tant qu’appareils médicaux.
Pour réaliser correctement les possibilités que l’IA et les applications d’apprentissage automatique pourraient avoir dans le secteur des soins de santé, l’accès à des quantités importantes de données interopérables et agrégées est crucial. De plus, il est essentiel de veiller à ce que les patients et leurs fournisseurs de soins aient accès aux renseignements sur la santé des patients pour fournir efficacement des soins de santé, améliorer les résultats pour les patients et réduire le nombre de tests inutiles. Par conséquent, en juin 2024, le gouvernement fédéral a déposé le projet de loi C‑72, Loi concernant l’interopérabilité des technologies de l’information sur la santé et visant à interdire le blocage de données par les fournisseurs de technologies de l’information sur la santé. S’il est adopté, le projet de loi C-72 édicterait la Loi visant un système de soins de santé connecté au Canada.
Comme bon nombre des termes clés nécessaires pour comprendre les répercussions potentielles du projet de loi C-72 devront être clarifiés au moyen de règlements qui n’ont pas encore été rédigés, l’incidence que ces nouvelles règles proposées pourraient avoir sur les fournisseurs de technologie de la santé actuels et nouveaux n’est actuellement pas connue. Compte tenu de l’importance de l’IA et des nombreux autres avantages qu’un accès amélioré aux renseignements sur la santé pourraient offrir, les possibilités sont importantes.
En savoir plus sur les enjeux importants liés à la portée de la Loi visant un système de soins de santé connecté au Canada proposée.
S’y retrouver dans les changements en cours
Les modifications législatives proposées ou adoptées en 2024 jettent les bases d’importants progrès dans la réforme de la santé. Malheureusement, tant que les principaux détails ne seront pas clarifiés, il est trop tôt pour évaluer les répercussions de ces changements. Il ne fait toutefois aucun doute que d’autres changements seront nécessaires pour relever les défis actuels auxquels bon nombre de Canadiens font face lorsqu’ils accèdent aux soins de santé.