La nouvelle Loi sur la concurrence du Canada
Le présent bulletin d’actualités fait partie du guide d’Osler sur la nouvelle Loi sur la concurrence, qui trace le portrait de l’importante modernisation du droit de la concurrence du Canada faisant suite à la série de modifications très médiatisées, qui ont abouti à la sanction royale du projet de loi C-59. Nous vous invitons à consulter notre guide, qui comporte plusieurs analyses approfondies et relève les principaux points que les entreprises faisant affaire au Canada doivent retenir.
Explorez notre guideDans le passé, les parties privées ont saisi le Tribunal de la concurrence (le Tribunal) en vertu de la disposition relative au refus de vendre prévue à l’article 75 de la Loi sur la concurrence (la Loi) plus fréquemment que le commissaire de la concurrence (le commissaire), mais avec un succès limité. La seule chose que le Tribunal pouvait ordonner en vertu de cette disposition était que le ou les fournisseurs acceptent la personne visée comme client aux conditions de commerce normales. En outre, pour obtenir la permission de présenter une demande, un demandeur devait démontrer que — entre autres — une personne était « sensiblement gênée dans son entreprise » du fait qu’elle était incapable de se procurer un produit de façon suffisante aux conditions de commerce normales. Une telle exigence a le plus souvent constitué une pierre d’achoppement dans le contexte de l’article 75 et des demandes de permission connexes, car le Tribunal a toujours interprété cette exigence comme se rapportant à l’ensemble de l’entreprise de la personne, plutôt qu’à une unité commerciale ou à une gamme de produits seulement. Au cours des 20 dernières années, six demandes de permission relatives à des allégations de refus de vendre ont été expressément rejetées parce que le demandeur était gêné dans seulement une partie de son entreprise (que ce soit en termes de pourcentage de revenus ou de branche d’activité).[1]
Les modifications élargissent la disposition relative au refus de vendre en prévoyant désormais qu’un demandeur n’est tenu que de démontrer qu’il est « sensiblement gêné dans tout ou partie de sonentreprise ». Ce nouveau critère est examiné plus en détail à la section l du présent guide Actions privées. La mesure de redressement prévue a également été quelque peu élargie : auparavant, le Tribunal pouvait ordonner à un fournisseur d’accepter une personne comme client « aux conditions de commerce normales », alors que maintenant le Tribunal peut ordonner qu’un fournisseur accepte une personne comme client « aux conditions qu’il estime indiquées ». Nous nous attendons à ce que les conditions établies par le Tribunal s’inspirent dans une certaine mesure des conditions de commerce normales, bien que le Tribunal puisse exiger d’autres conditions tenant compte de ses préoccupations en l’espèce. En outre (et comme il est indiqué en détail dans la section l du présent guide Actions privées), à l’instar des nouvelles mesures de redressement prévues par d’autres dispositions civiles de la Loi non liées aux fusionnements, les parties privées peuvent désormais demander des paiements pécuniaires en guise de réparation en vertu des dispositions relatives au refus de vendre.
Les modifications introduisent également dans l’article 75 un « droit de réparation », qui fait référence au concept selon lequel les utilisateurs finaux de produits et d’appareils devraient avoir la liberté de les faire réparer, notamment en veillant à ce que les fabricants assurent la disponibilité en temps opportun des pièces de rechange, des logiciels et de l’assistance technique nécessaires à l’exécution des réparations requises. Pour imposer des restrictions à la réparation, un fabricant peut invoquer, notamment, la propriété intellectuelle, la sécurité, la responsabilité/la réputation et la qualité du service. À l’instar de ce qui s’est passé récemment dans d’autres pays (par exemple, le rapport de la FTC des États-Unis intitulé Nixing the Fix : An FTC Report to Congress on Repair Restrictions [PDF]), le Canada a vu depuis plusieurs années des appels lancés sur plusieurs fronts en faveur d’une loi prévoyant le droit des consommateurs à la réparation, en invoquant la durabilité, les avantages économiques et les droits des consommateurs.
L’article 75 inclut désormais un droit de réparation, en prévoyant les circonstances dans lesquelles le fournisseur d’un produit refuse d’offrir des services de réparation ou de diagnostic ou de fournir un moyen de diagnostic ou de réparation dans un délai déterminé. En vertu de la disposition relative au refus de vendre, le Tribunal peut ordonner qu’un fournisseur d’un produit fournisse à une personne un moyen de réparation ou de diagnostic, s’il conclut, à la fois :
- que la personne est sensiblement gênée dans tout ou partie de son entreprise ou ne peut exploiter une entreprise du fait qu’elle est incapable de se procurer le produit en quantité suffisante où que ce soit sur le marché, aux conditions de commerce normales;
- que la personne est incapable de se procurer le produit en quantité suffisante en raison de l’insuffisance de la concurrence entre les fournisseurs de ce produit sur le marché;
- que la personne accepte et est en mesure de respecter les conditions de commerce normales imposées par le ou les fournisseurs de ce produit;que le produit est disponible en quantité amplement suffisante ou, dans le cas d’un moyen de diagnostic ou de réparation, peut être facilement fourni;
- que le refus de vendre a ou aura vraisemblablement pour effet de nuire à la concurrence dans un marché.
La disposition, en sa version modifiée, comprend une exemption importante confirmant que la disposition relative au refus de vendre n’a aucunement pour effet d’exiger la communication de secrets industriels. Il se pourrait que, dans ses décisions, le Tribunal doive se pencher sur la portée de cette exemption.
[1] Broadview Pharmacy v. Pfizer Canada, 2004 Comp Trib 23, relativement à la vente de produits pharmaceutiques à une pharmacie; 1177057 Ontario Inc [Broadview Pharmacy] v. Wyeth Canada Inc, 2004 Comp Trib 22, aussi relativement à la vente de produits pharmaceutiques à une pharmacie; Sears Canada Inc v. Parfums Christian Dior Canada Inc, 2007 Comp Trib 6, relativement à la vente de parfums et de produits cosmétiques; Construx Engineering Corporation v. General Motors of Canada, 2005 Comp Trib 21, relativement à la vente de véhicules automobiles (a également présenté une demande de permission en vertu de l’article 77); Audatex Canada, ULC v. CarProof Corporation, 2015 Comp Trib 28, relativement à la vente de services d’évaluation de pertes totales; et CarGurus, Inc v. Trader Corporation, 2016 Comp Trib 15, relativement à la vente de services d’inscription de véhicules sur une place de marché électronique.
Auteurs(trice) : Shuli Rodal, Michelle Lally, Kaeleigh Kuzma, Christopher Naudie, Adam Hirsh, Alysha Pannu, Danielle Chu, Chelsea Rubin, Reba Nauth, Zach Rudge, Graeme Rotrand