Auteurs(trice)
Associé, Droit des sociétés, Montréal
Associé, Droit commercial, Toronto
Associé, Technologie, Toronto
Sociétaire, Litiges, Montréal
Le 16 décembre 2024, le Québec a adopté le Règlement prévoyant certaines prohibitions à l’égard de véhicules automobiles et de moteurs à combustion (le Règlement québécois) [PDF], lequel interdit, au Québec, la vente de tout véhicule léger à moteur à combustion neuf (un véhicule automobile) d’ici 2035. Le Règlement québécois s’inscrit dans le cadre des mesures que le gouvernement du Québec a prises pour atteindre son objectif en matière de ventes de véhicules à zéro émission (VZE), soit 100 % d’ici 2035.
Interdiction progressive des véhicules à moteur à combustion au Québec
Véhicules visés par l’interdiction
Le Règlement québécois prévoit une interdiction progressive de vendre des véhicules automobiles à moteur à combustion (c’est-à-dire des véhicules à moteur alimenté par un carburant (essence, diesel ou gaz naturel)) neufs au Québec, et une interdiction totale d’en vendre d’ici 2035. L’interdiction s’appliquera aux véhicules légers à moteur à combustion, tels que les véhicules de promenade et les véhicules de commerce, y compris les voitures et les véhicules utilitaires légers, ainsi que la plupart des véhicules utilitaires sport et des camionnettes. Les cyclomoteurs, les motocyclettes et les véhicules hors route tels que les motoneiges et les véhicules tout-terrain sont exclus du champ d’application du Règlement québécois.
À partir du 1er janvier 2034, aucun véhicule automobile qui n’est pas un VZE dont l’année modèle est égale ou postérieure à 2035 ne pourra être mis sur le marché. Plus précisément, en vertu du Règlement québécois, seront interdits les véhicules qui ne sont pas « mus uniquement au moyen d’un moteur électrique, incluant un véhicule automobile dont le moteur est alimenté par une pile à combustible à l’hydrogène, ou au moyen d’un autre mode de propulsion qui n’émet aucun polluant, et dont le seul élément qui émet un polluant est le climatiseur automobile ».
Deux ans plus tard, soit à compter du 31 décembre 2035, la vente et la location de tous les véhicules automobiles neufs qui ne sont pas des VZE, y compris les véhicules hybrides et hybrides rechargeables, seront interdites. La vente de moteurs à combustion sera également interdite, sauf pour le remplacement d’un moteur défectueux dans un véhicule déjà en circulation au Québec.
Exceptions
Le Règlement québécois énumère les catégories de véhicules automobiles pour lesquels l’interdiction ne s’applique pas :
- Véhicules automobiles déjà immatriculés : Les véhicules dont l’année modèle est égale ou antérieure à 2034 et qui sont déjà immatriculés au Québec, au 31 décembre 2035, pourront continuer à être utilisés ou échangés jusqu’à la fin de leur vie utile.
- Véhicules d’urgence : Les véhicules légers utilisés pour les services d’urgence, tels que les véhicules de police, les ambulances, les véhicules de service de sécurité incendie et les véhicules routiers utilitaires reconnus comme véhicules d’urgence par la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ), seront exemptés.
- Véhicules de location à court terme : Les entreprises de location à court terme pourront continuer à louer leurs véhicules automobiles à moteur à combustion jusqu’à la fin de leur vie utile, à condition que les locations soient d’une durée maximale de 120 jours (incluant tout renouvellement). On aurait pu s’attendre à une plus grande souplesse quant à l’exception applicable à ce secteur, étant donné que la plupart des exploitants renouvellent leur parc tous les 18 à 24 mois environ et que la durée de vie utile d’un véhicule est de 10 à 15 ans
Évaluation de la maturité du marché en 2026 et en 2030
Parallèlement à l’adoption du Règlement québécois, le gouvernement du Québec a annoncé son intention de procéder à une évaluation de la maturité du marché et de l’infrastructure nécessaire à l’atteinte de son objectif en matière de VZE, soit 100 % d’ici 2035. Selon certaines sources gouvernementales, l’objectif est que les ventes de véhicules électriques (VE) dans la province atteignent 32,5 % en 2026, 60 % en 2028, 85 % en 2030 et 100 % en 2035. Cette évaluation pourrait déboucher sur des recommandations concernant la fréquence des analyses permettant de mesurer les progrès accomplis par rapport à l’objectif poursuivi, ainsi que sur d’éventuels ajustements ou modifications du Règlement québécois.
Sanctions administratives pécuniaires et amendes en cas de manquement
Le Règlement québécois prévoit que des sanctions administratives pécuniaires peuvent être imposées à quiconque contrevient au Règlement québécois, sanctions qui vont de 1 000 $ à 2 000 $ dans le cas d’une personne physique et de 5 000 $ à 10 000 $ dans les autres cas.
De plus, quiconque contrevient au Règlement québécois est passible d’amendes allant de 5 000 $ à 1 000 000 $ dans le cas d’une personne physique et de 15 000 $ à 6 000 000 $ dans les autres cas.
Le Cadre général d’application des sanctions administratives pécuniaires [PDF] du ministère de l’Environnement énonce les critères généraux guidant l’imposition de sanctions administratives et d’amendes en cas d’infraction à la Loi sur la qualité de l’environnement et à ses règlements, comme le Règlement québécois. Toutefois, la décision d’imposer des sanctions administratives pécuniaires ou des amendes relève des personnes désignées par le ministre, et il revient à ces dernières d’exercer la discrétion qui découle d’une telle désignation et de décider de l’opportunité d’imposer ou non une sanction lors de la constatation d’un manquement, en tenant compte des objectifs poursuivis et des différents critères prévus au cadre en question.
Règlement fédéral et loi de la Colombie-Britannique interdisant les véhicules automobiles et les moteurs à combustion
Le Québec n’a pas été la première administration à adopter des mandats concernant les VZE. Il a été précédé par la province de la Colombie-Britannique et le gouvernement fédéral.
Règlement fédéral
Le 15 décembre 2023, le gouvernement fédéral a adopté le Règlement modifiant le Règlement sur les émissions de gaz à effet de serre des automobiles à passagers et des camions légers (le Règlement fédéral), lequel exige que les parcs de véhicules légers neufs offerts en vente au Canada par les constructeurs et les importateurs comprennent un nombre minimum de VZE. Plus précisément, 100 % des ventes d’automobiles à passagers et de camions légers vendus devront être des VZE d’ici 2035, avec des objectifs provisoires minimaux de 20 %, d’ici 2026, et de 60 %, d’ici 2030. Le Règlement fédéral fixe des objectifs de vente précis par année modèle à partir de 2026 et prévoit un système de crédit pour les constructeurs et les importateurs, afin de faciliter la transition vers l’atteinte des objectifs en matière de VZE.
Contrairement au Règlement québécois, le Règlement fédéral inclut les véhicules hybrides et hybrides rechargeables dans la définition des VZE. Ce manque d’harmonisation entre le Règlement fédéral et le Règlement québécois pourrait donner lieu à des stratégies et à des résultats incohérents dans la pratique. Par exemple, une entreprise de location à court terme possédant un parc de véhicules entièrement ou partiellement hybrides et hybrides rechargeables immatriculés dans une province adjacente au Québec ne serait pas autorisée à les louer ou à les offrir en location au Québec après 2035.
De plus, le Règlement fédéral ne vise que les parcs de véhicules automobiles des constructeurs et des importateurs, alors que le Règlement québécois s’appliquera à quiconque vendant ou louant des véhicules, y compris les personnes physiques et les autres entreprises.
Colombie-Britannique
En 2019, la Colombie-Britannique est devenue la première administration au monde à légiférer sur l’obligation de ne vendre que des VZE par le biais de sa loi intitulée Zero-Emission Vehicles Act (la Loi de la C.-B.), laquelle exige 100 % de ventes de VZE dans la province d’ici 2035, avec des objectifs provisoires minimaux de 26 %, d’ici 2026, et de 90 %, d’ici 2030.
À l’instar du Règlement fédéral, la Loi de la C.-B. ne vise que les constructeurs automobiles et leurs concessionnaires, contrairement au Règlement québécois qui a une portée plus large.
Perspectives d’avenir
Le Québec rejoint la Colombie-Britannique et le gouvernement du Canada en adoptant son propre règlement interdisant, sur son territoire, la vente de véhicules légers à moteur à combustion neufs d’ici 2035.
Quoi qu’il en soit, l’application future de ces règlements reste incertaine à l’heure actuelle. Notamment, le 18 janvier 2024, Valero Energy Inc., l’un des principaux distributeurs canadiens de carburants liquides classiques, y compris l’essence automobile, a déposé une requête en révision judiciaire du Règlement fédéral à l’encontre du procureur général du Canada. Dans sa requête déposée auprès de la Cour supérieure du Québec, Valero demande l’annulation de certains articles du Règlement fédéral relatifs aux exigences de vente de VZE dont l’année modèle est égale ou postérieure à 2026. À l’appui de sa demande, Valero allègue que ces articles dépassent la compétence législative du Parlement, qu’ils ont été adoptés en l’absence d’habilitation législative, qu’ils sont déraisonnables et, par conséquent, inconstitutionnels. Les procureurs généraux de l’Alberta et du Québec sont intervenus dans cette procédure, qui est toujours en cours à ce jour.
En outre, comme nous l’indiquions dans notre revue Perspectives juridiques Osler, il sera difficile de mettre en place une infrastructure de recharge suffisante pour accélérer et soutenir l’adoption des véhicules électriques par la population canadienne, et des investissements importants ainsi qu’une certitude réglementaire seront nécessaires.
Enfin, à la suite de l’investiture du président Trump le 20 janvier 2025, de son retrait de l’Accord de Paris sur les changements climatiques et de son décret mettant fin au mandat concernant les VE, l’élan mondial en faveur de la transition vers les VZE est désormais confronté à d’importants obstacles. Dans son décret, le président Trump a révoqué le mandat non contraignant selon lequel jusqu’à 50 % des véhicules neufs vendus aux États-Unis devaient être des VZE d’ici 2030, a révoqué les fonds fédéraux non dépensés pour les stations de recharge, a abrogé une dérogation permettant aux États de limiter les ventes de véhicules à moteur à combustion, et a signalé son intention d’envisager la suppression du crédit d’impôt fédéral de 7 500 $ US pour l’achat de VZE.
Pour l’adoption des VZE, il s’agit d’un net recul, qui a déjà eu des répercussions au Canada. En effet, l’industrie automobile a demandé au gouvernement fédéral de mettre fin au mandat défini dans le Règlement fédéral après l’épuisement des fonds fédéraux pour son programme d’incitation de 5 000 $. Il semble que 2025 sera une année difficile pour l’électrification du secteur des transports.