Auteurs(trice)
Associée, Droit du franchisage et distribution, Toronto
Associée, Droit de la concurrence et investissement étranger, Toronto
Associé, Franchisage et distribution, Toronto
Sociétaire, Franchisage et distribution, Toronto
Aux termes de modifications apportées à la Loi sur la concurrence qui entreront en vigueur le 23 juin 2023 (la nouvelle disposition criminelle), il est interdit aux employeurs non affiliés de conclure (sous réserve de certaines défenses) :
- Tout accord ou arrangement entre employeurs (qu’ils soient ou non concurrents) par lequel chaque partie s’engage à ne pas embaucher les employés de l’autre (accord bilatéral, réciproque de non-débauchage)
- Tout accord ou arrangement entre employeurs (qu’ils soient ou non concurrents) servant à fixer, maintenir, réduire ou contrôler les conditions d’emploi (accord sur les « conditions d’emploi »)
Les complots, accords et arrangements visés par la nouvelle disposition criminelle sont en eux-mêmes illicites, et la violation de cette disposition constitue une infraction criminelle passible d’un emprisonnement maximal de 14 ans, d’une amende dont le montant est fixé par le tribunal, ou de ces deux peines. Tant les personnes physiques que les sociétés peuvent être déclarées coupables de cette nouvelle infraction. De plus, il est permis aux parties privées d’intenter une action en dommages-intérêts fondée sur une violation alléguée de la nouvelle disposition criminelle.
Pour ne pas risquer de contrevenir à cette nouvelle disposition criminelle, les franchiseurs devront examiner de près les clauses qu’ils incluent fréquemment dans leurs contrats de franchise afin d’exiger de leurs franchisés i) qu’ils imposent certaines conditions à leurs employés ou concluent avec ceux-ci certains contrats sous une forme prescrite, ou ii) qu’ils s’engagent à ne pas solliciter ni embaucher d’employés du franchiseur ou des autres franchisés de ce dernier pendant la durée du contrat de franchise et par la suite.
Le 30 mai 2023, le Bureau de la concurrence (le Bureau) a publié des Lignes directrices sur la manière dont il entend appliquer la nouvelle disposition criminelle (les Lignes directrices). Il a confirmé que celle-ci s’appliquerait :
- aux accords conclus entre employeurs (qu’ils soient ou non considérés comme des concurrents) à compter du 23 juin 2023 inclusivement
- aux comportements qui réaffirment ou mettent en œuvre des accords conclus avant la date d’entrée en vigueur (y compris les renouvellements ou prolongations)
Accords de non-débauchage
L’interdiction des accords de non-débauchage vise les accords bilatéraux de non-sollicitation et de non-embauche conclus entre employeurs, par lesquels chaque partie s’engage à ne pas solliciter ou embaucher les employés de l’autre. Le franchisage est un cadre contractuel relativement unique dans la mesure où les clauses pertinentes des contrats de franchise interdisent généralement au franchisé d’embaucher des employés du franchiseur ou d’autres franchisés.
Sur la base des Lignes directrices, de nombreuses clauses courantes des contrats de franchise ne seront pas considérées comme des accords de non-débauchage visés par la nouvelle disposition criminelle. Premièrement, l’interdiction faite par les contrats de franchise est habituellement unilatérale : le franchiseur ne s’engage pas à ne pas débaucher les employés du franchisé. Deuxièmement, les Lignes directrices précisent que le fait qu’un franchiseur de conclure avec chacun de ses franchisés un accord interdisant au franchisé de débaucher les employés des autres franchisés et que chaque franchisé s’attende à ce que le franchiseur conclue un accord semblable avec tous les autres franchisés ne sera pas considéré comme un accord entre les franchisés, à moins qu’il n’y ait une preuve de l’intention des franchisés de conclure un accord de non-débauchage entre eux.
Si un contrat de franchise comporte un accord de non-débauchage susceptible de tomber sous le coup de la nouvelle disposition pénale (c’est-à-dire un accord réciproque) que le franchiseur a l’intention de faire respecter, le franchiseur doit s’assurer de pouvoir se prévaloir de la défense fondée sur les restrictions accessoires.
Accords sur les « conditions d’emploi »
Il faut savoir que, bien que l’interdiction des accords de fixation des salaires ait été au centre des discussions et commentaires sur les accords sur les « conditions d’emploi », la nouvelle disposition criminelle a une portée bien plus large; elle ne se limite pas aux accords sur les salaires. Les Lignes directrices décrivent les « conditions d’emploi » comme incluant les responsabilités, avantages et politiques associés à un emploi : « Cela peut comprendre les descriptions de poste, les allocations telles que les indemnités quotidiennes et le remboursement des déplacements, la rémunération non monétaire, les heures de travail, le lieu de travail, et les dispositions de non-concurrence ou autres directives susceptibles de restreindre les perspectives d’emploi d’une personne. » Selon les Lignes directrices, la question est de savoir si les conditions imposées à un employé sont susceptibles d’influencer sa décision de conserver un emploi ou d’en démissionner.
Là encore, si un contrat de franchise comprend un accord sur les « conditions d’emploi », la défense fondée sur les restrictions accessoires pourrait s’appliquer. Pour déterminer si tel est le cas, il faut procéder à une analyse contextuelle de la restriction, ainsi que de son historique, de son objet et de son rôle dans le contexte plus large de la relation.
Défense fondée sur les restrictions accessoires
La Loi sur la concurrence prévoit une défense (dite « défense fondée sur les restrictions accessoires ») dont peut se prévaloir une personne en établissant, selon la prépondérance des probabilités :
- que l’accord visé par la nouvelle disposition criminelle est
- accessoire à un accord ou à un arrangement plus large ou distinct qui inclut les mêmes parties
- directement lié à l’objectif de l’accord ou de l’arrangement plus large ou distinct et est raisonnablement nécessaire à la réalisation de cet objectif
- que l’accord ou l’arrangement plus large ou distinct, considéré individuellement, ne contrevient pas à la nouvelle disposition criminelle
Les Lignes directrices constatent que les accords de non-débauchage et les accords sur les conditions d’emploi peuvent jouer un rôle important de stabilisation et de protection des intérêts commerciaux des parties qui poursuivent des objectifs proconcurrentiels légitimes et font expressément référence au rôle que ces accords peuvent jouer dans le cadre d’un système de franchise. Toutefois, le Bureau prend soin de souligner qu’il pourrait appliquer la nouvelle disposition criminelle lorsque ces clauses sont clairement plus larges qu’il est nécessaire.
Nous aurions plaisir à vous aider à étudier vos contrats de franchise afin de vérifier s’ils contiennent des accords de non-débauchage ou des accords sur les « conditions d’emploi », à discuter de la raison d’être de ses clauses avec vous et à vous donner notre opinion quant à la possibilité de vous prévaloir d’une défense fondée sur les restrictions accessoires.