L’Alberta codifie, au moyen d’un nouveau règlement, les objectifs de sa politique d’énergie renouvelable L’Alberta codifie, au moyen d’un nouveau règlement, les objectifs de sa politique d’énergie renouvelable

13 Déc 2024 9 MIN DE LECTURE

Le 6 décembre 2024, le gouvernement de l’Alberta a adopté un règlement limitant l’aménagement de centrales électriques dans la province et créant de nouvelles exigences réglementaires à son égard. Ces changements surviennent environ 10 mois après que la Commission des services publics de l’Alberta (AUC) eut terminé le module A de son étude sur le développement économique, ordonné et efficace de la production d’électricité en Alberta, et publié son rapport connexe (Module A Report) [PDF] traitant de l’impact des nouvelles centrales électriques sur l’aménagement du territoire.

Nous avons déjà fait état du règlement du gouvernement de l’Alberta sur le moratoire des approbations de production et de l’étude de l’AUC dans des Bulletins d’actualités antérieurs, soit ceux des 3 août, 8 septembre et 13 septembre 2023, ainsi que des 30 janvier et 29 février 2024.

Nous résumons ci-dessous les changements mis en œuvre en vertu du nouveau règlement.

Règlement sur l’évaluation visuelle et l’aménagement du territoire à des fins d’énergie électrique

Le Electric Energy Land Use and Visual Assessment Regulation[1], adopté en vertu de l’Alberta Utilities Commission Act, établit de nouvelles exigences en matière de demande et d’information et de nouvelles restrictions liées à l’approbation, par l’AUC, de centrales électriques en vertu de la Hydro and Electric Energy Act.

Le règlement s’applique à toutes les centrales électriques (et non seulement aux centrales d’énergie renouvelable), même si bon nombre des restrictions et des exigences réglementaires supplémentaires ne s’appliquent qu’aux centrales solaires et éoliennes. Il ne s’applique pas :

  1. aux centrales électriques de moins de 1 MW, aux centrales isolées ni aux microcentrales
  2. aux centrales sur les réserves des Premières Nations
  3. aux modifications apportées aux centrales existantes

Le règlement impose les restrictions et exigences principales suivantes :

  • Les demandes relatives aux centrales solaires et éoliennes sur des terres privées de catégorie 1 ou 2, ou sur certaines terres de catégorie 3 dans une municipalité désignée (définies comme des « terres agricoles de grande qualité »), doivent comprendre une analyse d’impact agricole détaillant les effets attendus sur la productivité agricole et démontrant les mesures de conception pour la coexistence avec l’utilisation des terres agricoles.
  • Les propriétaires ou les exploitants de centrales solaires ou éoliennes sur des terres agricoles de grande qualité doivent présenter un rapport sur la productivité agricole des terres à l’AUC dans les 36 mois suivant le début de l’exploitation. Les rapports doivent respecter les règles établies par l’AUC sur l’évaluation de la productivité agricole après la construction.
  • L’AUC peut exiger une évaluation de l’irrigabilité pour les demandes de centrales électriques dans la zone blanche[2]. Les évaluations peuvent estimer la qualité ou la disponibilité de l’eau, la proximité des infrastructures d’irrigation, la viabilité économique de l’irrigation et les opinions des districts d’irrigation compétents.
  • Il est interdit à l’AUC d’accepter les demandes de centrales éoliennes situées dans une « zone tampon » prescrite. La zone tampon prescrite semble couvrir les montagnes Rocheuses et les contreforts dans le sud-ouest de la province, s’étendant du parc national des Lacs-Waterton, au sud, jusqu’à un point situé entre le parc national Jasper et Grande Prairie, au nord, comme il est décrit à l’annexe 2 du règlement.
  • Les demandes visant toutes les centrales électriques (y compris les centrales thermiques) situées dans une « zone tampon » ou une « zone d’évaluation de l’impact visuel » doivent comprendre une évaluation de l’impact visuel. L’évaluation doit mesurer les impacts visuels prévus, inclure des simulations visuelles à partir des principaux points de vue et proposer des mesures d’atténuation des effets négatifs.

Les restrictions et les exigences en matière d’information supplémentaires ne sont pas imprévues; et ressemblent aux priorités énoncées dans les orientations stratégiques du gouvernement de l’Alberta[3] et dans les zones tampons et zones d’impact visuel proposées dans un projet de carte non officielle publié par le gouvernement de l’Alberta en mars 2024[4]. L’Alberta a publié une carte à jour [PDF] jointe au nouveau règlement.

Malgré les conclusions du rapport sur le module A de l’AUC [PDF] selon lesquelles l’aménagement de centrales d’énergie renouvelable a un effet plutôt minime sur les terres agricoles de la province[5], le gouvernement de l’Alberta a fait savoir le 28 février 2024 qu’il mettra de l’avant les outils stratégiques et législatifs nécessaires pour ordonner à l’AUC d’adopter une approche qui privilégie l’agriculture et, lorsqu’elle prend des décisions, d’évaluer la meilleure utilisation des terres agricoles proposées pour le développement renouvelable[6]. Depuis, l’AUC a examiné de plus près l’utilisation des terres agricoles, et a même refusé dernièrement une demande d’approbation d’une centrale solaire sur des terres agricoles de catégorie 2[7].

Depuis le 2 mai 2024, l’AUC applique des exigences provisoires en matière d’information [PDF] sur l’utilisation des terres agricoles et les impacts visuels. Le règlement fournit plus de précisions dans la foulée de l’incertitude créée par le moratoire des approbations de production d’électricité par le gouvernement de l’Alberta en 2023. Toutefois, il subsiste une certaine incertitude, en particulier en ce qui concerne les paramètres que l’AUC appliquera à l’évaluation de la surveillance de la productivité agricole postconstruction.

Il reste aussi à voir de quelle façon l’AUC évaluera les impacts agricoles, d’irrigabilité et visuels. On sait toutefois que les projets éoliens sont maintenant interdits sur une vaste étendue de terres dans le sud-ouest de la province. Nous savons également que les « terres agricoles de grande qualité » et les « zones d’évaluation de l’impact visuel » représentent une part importante de la province et que les promoteurs d’installations solaires et éoliennes peuvent s’attendre à ce que l’AUC continue de passer au crible l’emplacement de leurs projets.

Règlement modifiant le Règlement sur la conservation et la remise en état

À l’heure actuelle, la Environmental Protection and Enhancement Act (EPEA) n’exige pas de garantie financière pour les installations d’énergie renouvelable[8]. Or des modifications apportées au Règlement sur la conservation et la remise en état prévoient l’adoption d’un nouveau code de pratique, le Code of Practice for Solar and Wind Renewable Energy Operations (le Code). Le Code aura force de loi une fois publié, tout comme toute exigence liée au dépôt d’une garantie financière[9].

Le Règlement modifiant le Règlement sur la conservation et la remise en état[10] adopte le Code et prévoit une exemption des exigences en matière de garantie financière si l’exploitant d’un projet solaire ou éolien demande l’enregistrement en vertu de l’EPEA et fournit une garantie financière directement au propriétaire inscrit aux termes d’un bail de surface. Il ne prévoit pas de normes précises sur la forme à donner à une garantie pour qu’elle soit admissible à l’exemption.

Les détails sur les exigences concernant la forme, le moment et le montant de la garantie en vertu du Code n’ont pas encore été communiqués, mais cette garantie doit prendre la forme prescrite par le Règlement sur la conservation et la remise en état (argent comptant, chèque, obligation gouvernementale, lettre de crédit irrévocable, cautionnement d’exécution ou toute autre forme que le directeur juge acceptable). D’après les déclarations de principe du ministre, les exigences s’appliqueraient à toutes les centrales électriques approuvées à compter du 1er mars 2024.

Les modifications entrent en vigueur le 1er janvier 2025, mais aucune date n’est prévue pour la publication du Code. À l’heure actuelle, les exigences provisoires en matière d’information [PDF] de l’AUC obligent toujours le promoteur d’une nouvelle centrale à fournir des renseignements précis sur le programme de garantie de remise en état du projet, et l’AUC exige que le promoteur explique de quelle façon il veillera à ce que des fonds suffisants soient disponibles à la fin de la durée de vie du projet pour couvrir les coûts de déclassement et de remise en état[11].

Conclusion

Grâce à ce nouveau règlement, le gouvernement de l’Alberta a, dans l’ensemble, atteint les objectifs de politique stratégique qu’il s’est fixés pour 2024 en ce qui concerne l’aménagement de projets d’énergie renouvelable dans la province. Comme on pouvait s’y attendre, ces modifications ont surtout un impact sur les projets éoliens à cause de l’exclusion rigoureuse de zones tampons inconstructibles; cependant, tous les promoteurs de centrale électrique devront tenir compte des nouvelles restrictions et exigences dès le début de l’aménagement de leur projet, lorsqu’ils sélectionnent un site potentiel et qu’ils négocient un bail de surface.

Des garanties financières deviendront sans doute obligatoires pour les installations solaires et éoliennes dans un proche avenir, et il faudra les fournir au gouvernement de l’Alberta, dans le cadre de son Fonds de garantie pour la protection de l’environnement (Environmental Protection Security Fund), ou directement aux propriétaires fonciers. Cette disposition s’appliquera peut-être rétroactivement aux projets d’énergie solaire et éolienne approuvés à compter du 1er mars 2024.


[1] Voir le décret 368/2024 (6 décembre 2024).

[2] La zone blanche (partie habitée) comprend les régions peuplées du centre, du sud et de la rivière de la Paix de la province. La zone verte (partie boisée) comprend la plus grande partie du nord de l’Alberta ainsi que les montagnes et les contreforts le long de la frontière ouest de la province. Source : Gouvernement de l’Alberta, « Sustainable Forest Management: 2015 Facts & Statistics » [PDF], 2017.

[3] Voir le décret 171/2023 [PDF] (2 août 2023) et la lettre de la ministre de l’Abordabilité et des Services publics à l’Alberta Utilities Commission [PDF] (28 février 2024).

[4] Voir Bob Weber, « Alberta government releases no-go zone map for renewable power projects » (15 mars 2024), CBC.

[5] Voir AUC, Module A Report [PDF] (31 janvier 2024).

[6] Lettre du ministre de l’Abordabilité et des Services publics à l’Alberta Utilities Commission [PDF] (28 février 2024).

[7] Décision de l’AUC 28587-D01-2024 [PDF] (11 octobre 2024), projet solaire Westlock. 

[8] Environmental Protection and Enhancement Act, RSA 2000, ch. E-12 (EPEA).

[9] Voir l’EPEA, art. 38 et 137(2), et Conservation and Reclamation Regulation, art. 3.1.

[10] Voir le décret 369/2024 (6 décembre 2024).

[11] Décision de l’AUC 28961-D01-2024 [PDF] (22 août 2024), Centrale solaire photovoltaïque CastorWest de 47 MW, par. 26.

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