Auteurs(trice)
Associé, Technologie, Toronto
Sociétaire, Litiges, Toronto
Associée, Litiges, Vancouver
Associé, Litiges, Toronto
Associé, Respect de la vie privée et gestion de l'information, Toronto
Le 29 janvier 2024, la loi intitulée Intimate Images Protection Act (la Loi) et son règlement d’application, intitulé Intimate Images Protection Regulation (le Règlement), sont entrés en vigueur en Colombie-Britannique.
En vertu du Code criminel du Canada, quiconque publie des images intimes d’une autre personne sans son consentement commet une infraction criminelle. Toutefois, l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique a adopté la Loi et le Règlement afin d’offrir de nouveaux recours civils aux plaignants dont les images intimes ont été publiées ou partagées sans leur consentement. En particulier, la Loi et le Règlement offrent aux plaignants la possibilité de demander des dommages-intérêts au civil, et un recours civil, pour que leurs images soient supprimées, retirées ou déréférencées en ligne.
Les principales dispositions de la Loi et du Règlement prévoient des recours pour les plaignants auprès du Civil Resolution Tribunal ou autre tribunal en Colombie-Britannique à l’encontre des personnes ou des entités qui publient des images intimes de plaignants sans leur consentement.
La Loi et le Règlement prévoient également de nouveaux recours pour les plaignants à l’encontre des entités qui hébergent, ou référencent d’une autre manière, un contenu tiers à l’aide de leur plateforme en ligne. Ces entités sont considérées comme des « intermédiaires Internet » au sens de la Loi. Par exemple, les plateformes infonuagiques, les sites de médias sociaux et les plateformes de vidéos pourraient tous être considérés comme des intermédiaires Internet.
Tous les intermédiaires Internet (c’est-à-dire toutes les entités disposant de plateformes où des vidéos ou des images peuvent être hébergées ou référencées d’une autre manière) doivent être conscients des conséquences de la Loi et du Règlement. Dans les paragraphes qui suivent, nous présentons en bref ce que les intermédiaires Internet doivent savoir sur la Loi et le Règlement.
En quoi consiste une image intime?
Par image intime, on entend toute photo et tout enregistrement d’une personne, que cette dernière soit identifiable ou non et que l’image ait été modifiée ou non, dans lequel elle se livre à un acte sexuel et est nue ou presque (article 1 de la Loi).
Quand un intermédiaire Internet sera-t-il avisé qu’il est visé par la Loi ou le Règlement?
La personne dont l’image intime a été partagée n’a pas besoin d’aviser les intermédiaires Internet avant de présenter sa requête en redressement. Elle peut, si elle le souhaite, aviser l’intermédiaire Internet qu’elle saisit la justice, chose qu’elle peut faire sans préavis (paragraphe 5(6) de la Loi).
En pratique, cela veut dire qu’un intermédiaire Internet peut n’être avisé par la justice qu’après que le prononcé de l’ordonnance le concernant.
Ordonnances judiciaires susceptibles d’être prononcées
Le tribunal qui estime qu’une image intime a été partagée en ligne sans consentement peut ordonner à un intermédiaire Internet de prendre l’une ou l’autre des mesures suivantes :
- retirer l’image de toute plateforme qu’il exploite et de toute autre forme électronique d’application, de logiciel, de base de données ou de moyen de communication;
- supprimer ou détruire toutes les copies de l’image;
- faire déréférencer l’image de tout moteur de recherche (alinéa 5(2)c) de la Loi).
Il ne semble pas qu’un intermédiaire Internet puisse être sanctionné pour la simple raison qu’une image intime existe sur sa plateforme. L’intermédiaire Internet qui ne se conforme pas à une ordonnance est toutefois passible de sanctions administratives (voir ci-dessous).
Combien de temps un intermédiaire Internet a-t-il pour se conformer à une ordonnance judiciaire?
Le délai dont dispose un intermédiaire Internet pour se conformer à une ordonnance n’est pas clair. Ni la Loi ni le Règlement ne précisent, par exemple, le délai dans lequel un intermédiaire Internet doit déréférencer une image.
D’après notre expérience, la plupart des moteurs de recherche et des sites de médias sociaux disposent déjà de protocoles pour la suppression des contenus intimes de leurs plateformes. Toutefois, la Loi et le Règlement peuvent avoir une incidence sur la question de savoir si ces protocoles sont conformes à une ordonnance judiciaire rendue au Canada. La Loi et le Règlement peuvent également permettre à un plaignant de demander un redressement qui va au-delà de ce qui est prévu dans les protocoles existants d’un intermédiaire Internet. En outre, la question de savoir si et dans quelle mesure un tribunal a la compétence d’ordonner à une entité étrangère de retirer du contenu de son site Web ou de sa plateforme demeure. Le déréférencement d’une image publiée par un tiers sur un moteur de recherche ou une plateforme peut également poser des problèmes d’ordre pratique et logistique.
Le défaut de se conformer à une ordonnance peut entraîner des sanctions administratives
La Loi et le Règlement prévoient également des recours qu’un plaignant peut exercer à l’encontre d’un intermédiaire Internet.
L’intermédiaire Internet qui ne se conforme pas à une ordonnance (par exemple, qui ne veille pas à ce qu’une image soit déréférencée) peut faire l’objet d’une sanction administrative.
Les conséquences financières sont plafonnées à 5 000 $ par jour et à 100 000 $ au total (alinéa 9(1)b) du Règlement).
Prise de mesures raisonnables pour s’attaquer à la communication illégale d’une image
Un intermédiaire Internet n’engagera pas sa responsabilité s’il est prouvé qu’il a pris des mesures raisonnables pour s’attaquer à la communication illégale d’images intimes (article 12 de la Loi). Toutefois, la Loi et le Règlement ne précisent pas clairement ce que l’on entend par « mesures raisonnables » (reasonable steps).
Cette nouvelle législation crée de nouveaux risques pour les moteurs de recherche et les sites de médias sociaux auxquels les Canadiens et Canadiennes ont accès. Le résumé présenté ci-dessus n’est toutefois pas exhaustif. Il ne remplace pas non plus un avis juridique. Nous recommandons vivement aux intermédiaires Internet de consulter un avocat s’ils pensent que des images intimes peuvent être hébergées/référencées sur leurs plateformes, s’ils sont confrontés à une demande d’un tribunal à ce sujet, ou si une ordonnance leur a été signifiée.