Mises à jour des lignes directrices et enseignements tirés de la deuxième année d’application de la Loi sur les chaînes d’approvisionnement du Canada

22 Jan 2025 12 MIN DE LECTURE

L’année 2025 marque la deuxième année de déclaration au titre de la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement du Canada(la Loi sur les chaînes d’approvisionnement), aussi appelée Loi sur l’esclavage moderne (la Loi). Dans le présent bulletin, nous faisons le point sur les enseignements tirés de l’année précédente et décrivons ce à quoi les entreprises peuvent s’attendre au cours du prochain cycle de déclaration.

Le 15 janvier 2025, Sécurité publique Canada (SPC) a tenu une séance d’information pour discuter des mises à jour de ses lignes directrices pour les entités et les institutions fédérales concernant les obligations de faire rapport prévues par la Loi. Les mises à jour des lignes directrices ont été introduites en novembre 2024 et semblent refléter les commentaires fournis par les entités et autres personnes participant à la rédaction des rapports en application de la Loi sur les chaînes d’approvisionnement. Si les mises à jour des lignes directrices répondent à certaines questions courantes qui se sont posées au cours du premier cycle de déclaration, d’autres restent sans réponse, laissant aux entreprises le soin de déterminer par elles-mêmes si elles ont l’obligation de faire rapport et de quelle manière elles doivent s’acquitter de cette obligation.

De manière générale, les lignes directrices apportent des éclaircissements dans trois domaines essentiels pour les entreprises qui ont l’obligation de faire rapport (appelées « entités déclarantes ») : (1) quelles sont les personnes ayant l’obligation de faire rapport, (2) quels sont les renseignements à fournir dans le rapport, (3) comment le rapport doit-il être produit. Les entités doivent s’attendre à pouvoir s’appuyer sur ces lignes directrices pour produire leur rapport pour la prochaine période de déclaration, pour laquelle la date limite de production est le 31 mai 2025, voire avant cette date pour les entités inscrites à la cote d’une bourse de valeurs. Le présent bulletin se limite aux modifications apportées aux lignes directrices, la Loi elle-même n’ayant pas changé. Pour plus de renseignements sur la Loi sur les chaînes d’approvisionnement ou sur les versions antérieures des lignes directrices de SPC, consultez notre bulletin publié le 15 janvier 2024, ainsi que notre billet de blogue publié le 5 mai 2023 [en anglais seulement] et notre guide pratique pour les entreprises.

Mise à jour 1 : quelles sont les personnes ayant l’obligation de faire rapport?

Comme il est indiqué dans notre guide pratique pour les entreprises, pour déterminer si votre entreprise a l’obligation de faire rapport en vertu de la Loi, deux questions se posent : (1) votre entreprise ou une société membre de son groupe est-elle une « entité » et (2) si tel est le cas, l’entité exerce-t-elle des activités déterminées (appelées « activités à déclarer »)? Si la réponse à ces deux questions est « oui », votre entreprise est une entité déclarante et a l’obligation de faire rapport. Les lignes directrices fournissent des éclaircissements utiles sur chacun de ces éléments.

1. Votre entreprise est-elle une « entité »?

Les lignes directrices clarifient certains éléments des critères que les entreprises doivent examiner pour déterminer si elles sont une « entité » en vertu de la Loi. Dans de nombreux cas, les lignes directrices formalisent les approches adoptées par les entreprises au cours de la dernière année de déclaration (lorsque les lignes directrices étaient très limitées). Plus précisément :

  • une entreprise peut être une « entité » si elle possède, entre autres, des « actifs au Canada » et qu’elle « exerce des activités au Canada ». Les lignes directrices limitent les « actifs au Canada » aux actifs corporels (c’est-à-dire qu’elles excluent la propriété intellectuelle, les valeurs mobilières et le fonds commercial). Il s’agit d’un revirement par rapport aux lignes directrices antérieures qui incluaient les actifs incorporels. Les lignes directrices précisent également qu’une entité peut déterminer si elle « exerce des activités au Canada » pour l’application de la Loi sur les chaînes d’approvisionnement en évaluant les facteurs pris en compte par l’Agence du revenu du Canada pour déterminer si une entreprise « exploite une entreprise au Canada » aux fins de la TPS/TVH;
  • à moins d’être inscrite à la cote d’une bourse de valeurs canadienne, une entreprise doit également satisfaire certains seuils en matière d’actifs, de revenus ou d’employés pour être considérée comme une « entité ». Les lignes directrices précisent que les actifs incorporels inclus dans les états financiers d’une entité peuvent être exclus du calcul des seuils. En outre, aux fins du calcul de ces seuils, le terme « employés » n’est plus défini par référence à la common law canadienne; les employés à temps plein, à temps partiel et temporaire de n’importe quel pays (y compris le Canada) sont inclus, et les entrepreneurs indépendants sont exclus.

2. L’entité a-t-elle l’obligation de faire rapport?

Une entité n’a l’obligation de faire rapport que si elle exerce des activités à déclarer déterminées. Les lignes directrices clarifient la nature et la portée de ces activités à déclarer. Il est important de noter que, bien que la Loi inclue la vente et la distribution de marchandises dans les activités à déclarer, les lignes directrices indiquent que SPC n’a pas l’intention d’obliger une entité à faire rapport et qu’il ne prendra pas des mesures d’application de la loi à l’encontre d’une telle entité si celle-ci ne fait que vendre ou distribuer des marchandises, mais ne les produit pas ou ne les importe pas. En d’autres termes, bien que la Loi n’ait pas été modifiée (ce qui signifie qu’une entité qui s’occupe uniquement de vente et de distribution a l’obligation de faire rapport), les lignes directrices fournissent une base raisonnable pour qu’une entité qui ne fait que vendre ou distribuer des marchandises (et qui ne les fabrique pas ou ne les importe pas) n’ait pas l’obligation de faire rapport.

Les lignes directrices expliquent également le sens de l’expression « importer des marchandises au Canada » en précisant que les « marchandises », aux fins de cette définition, comprennent uniquement les « marchandises physiques corporelles » et que l’entité qui « importe » les marchandises est l’entité qui a en réalité causé l’importation des marchandises au Canada (c’est-à-dire, en général, l’entité qui comptabilise ou paie les droits sur les marchandises, et non pas simplement un coursier ou un courtier en douane).

Bien que la Loi ne prévoie pas d’exemption de minimis, les lignes directrices maintiennent la position antérieure de SPC selon laquelle une entité n’a pas l’obligation de faire rapport lorsque la valeur des marchandises qu’elle produit ou importe est très faible. Les lignes directrices précisent que les termes « production » et « importation », tels qu’ils sont utilisés dans la Loi, doivent être « compris comme excluant les transactions très mineures qui peuvent être interprétées conformément aux principes de minimis généralement acceptés et évaluées dans le contexte des activités de chaque entité ». Cette disposition reste ambiguë et laisse à l’entité toute latitude pour déterminer si cette exemption s’applique à ses activités.  

Une entité peut également avoir l’obligation de faire rapport si elle contrôle une autre entité déclarante. Les lignes directrices renvoient les entités aux lignes directrices du Bureau du surintendant des institutions financières sur le « contrôle » pour déterminer si une entité « contrôle » une entité filiale directe ou indirecte.

Mise à jour 2 : quels sont les renseignements à fournir dans le rapport?

Alors que de nombreuses entités utilisaient déjà les rapports qu’elles avaient produits pour se conformer à leur obligation de faire rapport dans d’autres pays, les lignes directrices précisent que les entités peuvent le faire à condition que tous les renseignements à fournir en vertu de la Loi soient inclus et que le rapport couvre la période de déclaration prévue par la Loi. L’entité qui adopte une telle approche doit tenir compte des exigences particulières de la Loi (y compris les déclarations relatives aux mesures de remédiation, qui ne sont pas courantes dans d’autres pays), ainsi que des exigences en matière de délais (par exemple, si le rapport conforme à la législation canadienne doit être produit ou envoyé aux actionnaires de la société plus tôt que les rapports conformes à législation d’autres pays).

Les lignes directrices précisent également que, de manière générale, il n’y a pas de niveau de détail prescrit et que l’objectif de la Loi est d’encourager la transparence et non de pénaliser les entités déclarantes. Par exemple, une entité n’est pas tenue de déclarer un cas particulier ou une allégation de travail forcé ou de travail des enfants, et lorsque des réponses précises sont fournies, elles peuvent être rendues anonymes. En outre, une description générale de la manière dont une entité évalue et gère les risques est suffisante; une entité n’est pas tenue de certifier qu’elle est « sans risque ». De même, une entité peut indiquer qu’elle est en train d’élaborer une politique ou une procédure concernant le travail forcé ou le travail des enfants, même si elle n’est pas achevée ou mise en œuvre.

Les lignes directrices comprennent toujours un formulaire d’attestation que l’on peut utiliser pour l’approbation du rapport. Alors que les représentants de SPC avaient indiqué de manière anecdotique que le formulaire d’attestation n’était pas nécessaire pour le dernier cycle de déclaration, les lignes directrices le confirment à présent et présentent le formulaire comme un « exemple ». Les entités déclarantes devraient envisager de revoir le libellé et la portée de cette attestation pour s’assurer que celle-ci est appropriée, si elles ne l’ont pas déjà fait. Les lignes directrices précisent également que l’attestation peut comporter une signature manuscrite ou une signature électronique.

Mise à jour 3 : comment le rapport doit-il être produit et distribué aux actionnaires?

Les lignes directrices précisent notamment que les entités constituées sous le régime de la Loi canadienne sur les sociétés par actions ou de toute autre loi du Canada (comportant l’obligation de « fournir » leur rapport à leurs actionnaires) peuvent le leur fournir en utilisant leurs « moyens de livraison standard ». Cela suggère que, sous réserve du respect des lois sur les valeurs mobilières, les sociétés ouvertes peuvent recourir au mécanisme de notification et d’accès.

Les lignes directrices comprennent également des éclaircissements utiles concernant le questionnaire de SPC. Comme lors du dernier cycle de déclaration, les entités et les institutions fédérales doivent remplir ce questionnaire pour produire leur rapport, même si, en soi, elles n’y sont pas tenues en vertu de la Loi. Les lignes directrices confirment que l’organe directeur qui approuve le rapport n’a pas besoin d’approuver le questionnaire et qu’il appartient à l’entité déclarante de déterminer qui remplira le questionnaire. Les personnes ayant l’obligation de faire rapport doivent garder à l’esprit que, s’il a des questions, SPC pourrait communiquer avec la personne physique qui a rempli le questionnaire.

Les entités sont encouragées à conserver une copie de leurs rapports annuels. Il n’est pas clair si les anciens rapports continueront à paraître dans le registre du gouvernement à la fin du cycle de déclaration qui suit. Seul le rapport le plus récent doit être publié sur son site Web.

Institutions fédérales

Les mises à jour des lignes directrices pour les institutions fédérales ayant l’obligation de faire rapport ont été très limitées. Toutefois, il y a eu quelques mises à jour importantes dont les institutions fédérales doivent tenir compte lorsqu’elles déterminent si elles ont l’obligation de faire rapport.

Les lignes directrices précisent notamment que, puisqu’ils ne sont pas des institutions fédérales, certains organismes publics, comme les administrations provinciales et municipales et d’autres organismes (tels que les universités ou les hôpitaux financés par l’État), ne sont pas assujettis à l’obligation de faire rapport à ce titre. Néanmoins, s’ils satisfont à la définition d’« entité », ces organismes peuvent avoir l’obligation de faire rapport.

Comme les lignes directrices pour les entités, les lignes directrices pour les institutions fédérales clarifient le seuil de minimis applicable à la production, à l’achat ou à la distribution de marchandises – en particulier, en essayant de clarifier le sens de l’expression « transactions très mineures ». À cette fin, les lignes directrices pour les institutions fédérales excluent expressément de la portée de l’obligation de faire rapport les marchandises achetées au moyen d’une carte d’achat.

Priorité à l’éducation

En 2024, le gouvernement n’a pris aucune mesure d’application de la loi en vertu de la Loi, ce qui est cohérent avec les déclarations de SPC, selon lesquelles, au cours de la première année de déclaration, le gouvernement se concentrerait sur « l’éducation » (c’est-à-dire la sensibilisation à la Loi et à ses exigences), par opposition à l’application de la loi. SPC a fait savoir qu’au cours de la deuxième année du cycle de déclaration, il avait de nouveau l’intention de donner la priorité à l’éducation plutôt qu’à l’application de la loi. Il convient toutefois de garder à l’esprit que cette position pourrait changer sous un nouveau gouvernement.

Nouveau projet de loi?

En décembre 2024, le ministre Ng, ministre de la Promotion des exportations, du Commerce international et du Développement économique, a annoncé que le gouvernement libéral avait l’intention de présenter un projet de loi visant à créer un nouveau régime de diligence raisonnable en matière de chaînes d’approvisionnement ainsi qu’une nouvelle agence de surveillance chargée de garantir la constance du respect de ces mesures législatives. Le Parlement étant actuellement prorogé et des élections étant attendues dès ce printemps, il semble peu probable qu’un tel projet de loi soit présenté prochainement. Il reste à voir si le prochain gouvernement fédéral reprendra le flambeau d’une telle initiative législative.

En conséquence, pour 2025, les entreprises devraient s’attendre au statu quo. À bien des égards, les lignes directrices confirment et officialisent les positions prises par les entités déclarantes l’année précédente. La décision de publier des mises à jour des lignes directrices si tard en 2024 et d’organiser une séance d’information en janvier indique clairement aux entreprises ayant un lien avec le Canada qu’elles doivent se préparer à produire un rapport pour le cycle de déclaration 2025, comme elles l’ont fait pour 2024.