La plupart des paiements d’intérêts effectués par les emprunteurs canadiens à des prêteurs étrangers sans lien de dépendance n’entraînent pas de retenue d’impôt fédéral canadien. Toutefois, ceux effectués avec lien de dépendance entraînent une telle retenue, au taux de 25 % du montant brut des intérêts versés, sous réserve de toute réduction du taux aux termes d’une convention fiscale conclue entre le Canada et le territoire de résidence du destinataire du paiement des intérêts. L’exclusion des intérêts versés à un prêteur sans lien de dépendance découle de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (la Loi de l’impôt). Ainsi, son application ne dépend pas d’une convention fiscale. De plus, elle s’applique indépendamment du territoire de résidence du prêteur ou de la catégorie de prêteurs (p. ex., société par actions, société à responsabilité limitée, fiducie ou société de personnes).
Lien de dépendance
Un prêteur commercial tiers et un emprunteur devraient normalement traiter sans lien de dépendance. Aux fins de la Loi de l’impôt, une société qui est « liée » à une personne est réputée avoir un lien de dépendance avec cette personne. En général, un emprunteur commercial et un prêteur commercial seraient liés seulement s’ils étaient juridiquement sous contrôle commun, soit parce que a) une personne exerce un contrôle sur l’autre ou b) chaque personne est une société sous contrôle commun direct ou indirect d’une même personne ou d’un même groupe de personnes. Le contrôle d’une société, du point de vue juridique, est établi au moyen de la participation majoritaire des actions avec droit de vote de la société qui permettent de nommer la majorité des membres du conseil d’administration de la société. Certains droits rattachés aux actions, comme les options, doivent être pris en compte au moment de cette la détermination. Une règle particulière de la Loi de l’impôt assure que, si un prêteur acquiert le contrôle des actions avec droit de vote d’une société débitrice en exécution d’une garantie consentie à l’égard d’un prêt accordé à celle-ci, sans plus, le prêteur est réputé ne pas exercer un contrôle sur la société débitrice.
Dans le cas de personnes non liées, l’existence ou non d’un lien de dépendance est une question de fait. Bien que le concept « sans lien de dépendance » ne soit pas défini dans la Loi de l’impôt, les tribunaux canadiens en ont précisé le sens. Il est peut-être considéré que des personnes sont liées lorsque les circonstances ne sont pas celles d’une opération commerciale ordinaire où chaque partie agit dans son propre intérêt. En règle générale, dans le contexte d’une opération en particulier, deux parties qui ne sont pas liées sont considérées avoir traité avec un lien de dépendance dans les cas suivants :
- une intention commune influence la négociation entre les parties,
- les parties agissent de concert dans un intérêt commun, notamment lorsqu’une partie accommode l’autre afin d’obtenir un avantage fiscal,
- il existe un contrôle effectif entre les parties, notamment lorsqu’une d’elles tire un avantage excessif par rapport à l’autre ou exerce une influence excessive sur l’autre.
Aucune de ces circonstances ne devrait exister dans le cours normal d’une opération de prêt commercial. Même si un prêteur exécute sa garantie à la suite d’un cas de défaut, on ne s’attend pas (sauf circonstances exceptionnelles) à ce qu’il exerce de ce fait un contrôle excessif sur l’emprunteur et à ce que la relation devienne ainsi celle de parties liées.
La loi de l’impôt contient une règle particulière applicable au capital et aux intérêts lorsqu’ils sont détenus par des parties distinctes – ce qui est fait lorsqu’on souhaite négocier séparément le coupon d’intérêts. La règle s’applique afin que la relation entre l’emprunteur et le destinataire des intérêts qui est un non-résident sans lien de dépendance soit réputée être une relation avec lien de dépendance si le capital du prêt est détenu par une personne ayant un lien de dépendance avec l’emprunteur. Lorsque cette règle s’applique, les intérêts versés à un non-résident sans lien de dépendance feront l’objet d’une retenue d’impôt fédéral canadien.
Intérêts sur des créances participatives
La retenue d’impôt sur les intérêts en vertu de la Loi de l’impôt s’applique également aux « intérêts sur des créances participatives », même s’ils sont versés à un prêteur sans lien de dépendance. Les intérêts sur des créances participatives sont définis comme désignant les intérêts, en totalité ou en partie, sont conditionnels à l’utilisation de biens au Canada ou dépendent de la production en provenance du Canada ou qui sont calculés en fonction soit des recettes, des bénéfices, de la marge d’autofinancement, du prix des marchandises ou d’un critère semblable, soit des dividendes versés ou payables aux actionnaires d’une catégorie d’actions du capital-actions d’une société. Ces intérêts ne comprennent pas les intérêts à taux variable exigés dans le cours normal des activités, lesquels sont calculés en fonction d’un taux de référence, tel CDOR, ou qui varie directement en fonction du ratio d’endettement de l’emprunteur. La règle applicable aux intérêts sur des créances participatives peut poser problème dans le cas d’un prêt convertible en actions de l’émetteur.
En règle générale, une prime de conversion peut être traitée comme intérêts réputés en vertu de la Loi de l’impôt, lesquels intérêts réputés peuvent être considérés comme intérêts sur des créances participatives sur le fondement qu’il s’agit d’un montant qui dépend de la valeur d’une entreprise canadienne ou qui est calculé en fonction d’un « critère semblable » aux fins de la règle applicable aux intérêts sur des créances participatives. L’Agence du revenu du Canada a indiqué que dans certains cas précis, une prime de conversion réalisée sur une dette convertible cotée en bourse ne sera pas traitée comme intérêts sur des créances participatives. De plus, le problème est évité dans le cas d’une dette convertible dont la durée est d’au moins cinq ans et dont les modalités respectent, par ailleurs, certaines exigences de la Loi de l’impôt.
Allègement en vertu d’une convention fiscale
Un certain allègement de la retenue d’impôt canadien sur les intérêts est offert à un non-résident du Canada qui est résident d’un pays avec lequel le Canada a conclu une convention fiscale, pourvu que le non-résident soit admissible à s’en prévaloir. Le taux de retenue d’impôt de 25 %, prévu par la Loi de l’impôt, est normalement réduit à 10 %. Ce taux réduit s’appliquerait aux paiements effectués à des personnes liées ou ayant un lien de dépendance aux fins de la Loi de l’impôt. Cependant, en vertu de la Convention fiscale entre le Canada et les États-Unis (1980), en sa version modifiée (la convention fiscale Canada–É.-U.), la retenue d’impôt sur les intérêts est entièrement éliminée en ce qui concerne les intérêts provenant du Canada et versés à un propriétaire véritable qui est un résident des États-Unis admissible à se prévaloir de la convention fiscale Canada–É.-U.
L’exemption s’applique dans tous les cas, y compris lorsque le payeur et le propriétaire véritable sont liés ou, par ailleurs, ont un lien de dépendance aux fins de la Loi de l’impôt. L’exemption offerte par la convention fiscale Canada–É.-U. ne s’applique pas à certains intérêts sur des créances participatives. Dans ce cas, le taux de retenue d’impôt serait réduit à 15 %.
Endettement et capitalisation restreinte
Une retenue d’impôt fédéral canadien distincte peut s’appliquer à un paiement d’intérêts sur lequel les règles de capitalisation restreinte de la Loi de l’impôt ont une incidence. De façon générale, les règles de capitalisation restreinte s’appliquent à l’endettement d’une société canadienne envers un « non-résident déterminé » lorsque l’endettement excède par plus d’une fois et demie ses capitaux propres (p. ex., les bénéfices non distribués, le capital versé et le surplus d’apport), soit un ratio d’endettement par rapport aux capitaux propres supérieur à 1.5:1. Les intérêts payés sur cet excédent d’endettement ne sont pas déductibles du revenu de la société canadienne débitrice. S’ils sont versés à un non-résident, ces intérêts exclus sont réputés être versés en tant que dividendes aux fins de la Loi de l’impôt, de sorte que la retenue d’impôt sur les dividendes canadiens s’applique au paiement (les dividendes ne jouissant pas de la même exemption de la retenue d’impôt que les intérêts). Le taux de la retenue d’impôt sur les dividendes est de 25 %, sous réserve de l’allègement offert par une convention fiscale (p. ex., normalement 15 % en vertu de la convention fiscale Canada–É.-U.).
La question du seuil déclencheur de l’application des règles de capitalisation restreinte à une société canadienne débitrice est celle de savoir si son créancier non-résident détient, ou est membre du groupe d’un autre non-résident qui détient, une participation importante dans la société débitrice selon les critères établis dans les règles de capitalisation restreinte (un tel détenteur étant un actionnaire déterminé). En règle générale, un actionnaire déterminé est une personne qui, seule ou avec d’autres personnes avec lesquelles elle a un lien de dépendance, est propriétaire de 25 % ou plus des actions avec plein droit de vote ou de 25 % ou plus de la juste valeur marchande de toutes les actions en circulation de la société débitrice. Aux fins de cette détermination, si une personne a le droit d’acquérir les actions d’un débiteur ou d’exercer un contrôle sur celles-ci, par exemple au moyen d’options d’achat d’actions, ce droit doit alors être traité comme s’il avait été pleinement exercé.
La règle de capitalisation restreinte de la Loi de l’impôt prévoit un traitement correspondant lorsque le débiteur canadien n’est pas une société, mais plutôt une fiducie ou une société de personnes ou est une société ou une fiducie non-résidente exploitant une entreprise au Canada.
Intérêts payés à une personne ou portés à son crédit
La retenue d’impôt canadien s’applique uniquement au montant « payé » à un non-résident ou « porté au crédit » de celui-ci (ou réputé payé à celui-ci ou réputé porté au crédit de celui-ci). Dans le cas d’un paiement à une personne ayant un lien de dépendance, l’impôt ne s’applique qu’au paiement effectif ou réputé (soit en espèces ou en nature), et non aux montants simplement acquis. Dans le cas d’intérêts payables en nature dans le cadre d’une convention de crédit, c’est une question de fait et de droit que celle de savoir si le paiement en nature constitue un paiement assujetti à la retenue d’impôt ou s’il atteste simplement un montant acquis et non payé qui, lui, n’est pas assujetti à cette retenue. Des règles particulières de la Loi de l’impôt peuvent exiger qu’une partie des intérêts payables acquis par un non-résident ayant un lien de dépendance au cours de deux années d’imposition terminées soit traitée comme ayant été payée aux fins de la retenue d’impôt.
Règles applicables aux prêts adossés
La loi de l’impôt contient des règles relatives aux « prêts adossés » qui doivent s’appliquer lorsqu’un membre non-résident du groupe d’un emprunteur canadien fait en sorte qu’un prêt soit consenti à l’emprunteur canadien par un prêteur tiers en vue d’éviter les incidences défavorables de la retenue d’impôt canadien qui devrait autrement être effectuée si le membre du groupe non-résident avait lui-même consenti directement le prêt à l’emprunteur canadien (c.-à-d., afin d’éviter l’impôt sur un paiement effectué à une personne liée). Les règles sont très complexes et dépassent le cadre de la présente analyse.
De manière très générale, elles s’appliquent lorsqu’un débiteur canadien a l’obligation de payer des intérêts à l’égard d’une dette ou d’une obligation due à un prêteur (le prêt intermédiaire) et que, dans le cadre d’arrangements donnant lieu à l’existence du prêt intermédiaire ou la permettant, une personne ou une société de personnes non résidente ayant un lien de dépendance avec le débiteur accorde certains types de soutien financier (soutien irrégulier) au tiers. Ce qui constitue un soutien irrégulier, ainsi que le lien causal nécessaire entre la procuration du soutien irrégulier et le prêt consenti à l’emprunteur canadien, sont largement définies dans les règles. Cependant, une simple garantie sur un bien ne devrait pas être assujettie à ces règles.
Si les règles relatives au prêt adossé s’appliquent, alors, aux fins des règles sur la retenu d’impôt de la Loi de l’impôt, un prêt sera réputé avoir été consenti à un membre non-résident du groupe de l’emprunteur canadien. Lorsque les intérêts sont payés sur le prêt obtenu auprès d’un prêteur tiers, un paiement d’intérêts sera réputé avoir été fait simultanément sur le prêt réputé avoir été consenti par le membre du groupe non-résident. Le paiement d’intérêts réputé peut être assujetti à la retenue d’impôt canadien. Il ne s’agit pas d’un impôt imputable au prêteur tiers. C’est un impôt strictement imputable à l’emprunteur canadien. Des règles semblables peuvent s’appliquer aux fins des dispositions relatives à la capitalisation restreinte de la Loi de l’impôt et qui n’ont d’incidences qu’à l’égard du débiteur qui est résident canadien (c’est-à-dire, tout impôt supplémentaire qui en découle n’est pas un impôt payable par le prêteur tiers).