Le gouvernement fédéral du Canada publie un important ensemble d’avant-projets de loi fiscale

5 Sep 2024 45 MIN DE LECTURE

Le 12 août 2024, le gouvernement fédéral du Canada a publié plusieurs ensembles d’avant-projets de loi afin de mettre en œuvre diverses mesures fiscales, de mettre à jour certaines propositions législatives publiées précédemment et d’apporter des modifications techniques (les « propositions du 12 août »). Les propositions du 12 août comprennent des mesures déjà annoncées dans le budget fédéral de 2024 (le « budget de 2024 »), ainsi que des mises à jour de propositions législatives publiées dans le budget de 2024 et au cours des années précédentes. Le communiqué qui accompagnait les propositions du 12 août invite les Canadiens à transmettre leurs commentaires au sujet de la plupart des mesures d’ici le 11 septembre 2024 (le 3 septembre 2024 en ce qui concerne les modifications relatives au taux d’inclusion des gains en capital et à l’exonération cumulative des gains en capital).

Les propositions du 12 août couvrent un large éventail de mesures, dont bon nombre sont abordées dans le présent bulletin. Les modifications fiscales se rapportant aux initiatives liées à l’économie verte seront analysées dans un autre bulletin.

Taux d’inclusion des gains en capital

Dans le budget de 2024, le gouvernement a proposé d’augmenter le taux d’inclusion des gains en capital de la moitié (50 %) à deux tiers (66 2/3 %) pour les sociétés et les fiducies, et de porter le taux à deux tiers des gains en capital excédant 250 000 $ au cours d’une première année d’imposition pour les particuliers (déduction faite de certains montants).

Le 11 juin 2024, la Chambre des communes a voté en faveur d’un avis de motion de voies et moyens qui énonce les modifications apportées à la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (LIR) pour mettre en œuvre l’augmentation proposée.

Les propositions du 12 août comportent des révisions des modifications présentées dans l’avis de motion de voies et moyens. Le ministère des Finances a également publié des notes explicatives sur toutes les modifications nécessaires à la mise en œuvre de l’augmentation du taux d’inclusion des gains en capital.

Compte de dividendes en capital

Le compte de dividendes en capital (CDC) est un compte théorique qui sert à garder la trace de la partie non imposable des gains en capital après déduction de la partie non déductible des pertes en capital réalisées par une entreprise privée. Le CDC est un important attribut fiscal pour les entreprises privées, car un solde positif du CDC peut généralement être utilisé pour effectuer des distributions en franchise d’impôt à des actionnaires résidant au Canada en désignant ces distributions comme des « dividendes en capital ».

Les modifications proposées au taux d’inclusion des gains en capital ont une incidence sur le calcul du CDC, puisque la partie non imposable des gains en capital et la partie non déductible des pertes en capital réalisées par une entreprise privée sont maintenant d’un tiers (au lieu de la moitié).

Comme nous l’avons expliqué dans notre bulletin du 19 juin 2024, les propositions législatives énoncent les règles de calcul du taux d’inclusion pour les années d’imposition qui comprennent les 24 et 25 juin 2024 (années de transition). En règle générale, au cours d’une année de transition, le taux d’inclusion se situera entre le taux précédent de 50 % et le nouveau taux de 66 2/3 % selon le moment et le montant des dispositions effectuées cette année-là. Autrement dit, le taux d’inclusion sera « mixte » pour que les contribuables aient un taux d’inclusion global approprié pour l’année de transition selon que les dispositions ont lieu avant ou après le 25 juin 2024.

Cependant, le « taux mixte » applicable au cours de l’année de transition créait des problèmes en lien avec le calcul du CDC, car il était impossible de déterminer le « taux mixte » avant la fin de l’année de transition, alors que le calcul du solde du CDC est un critère « ponctuel » qui peut être pertinent à tout moment de l’année. Cette situation suscitait de l’incertitude chez les contribuables qui, par exemple, ont peut-être réalisé des gains en capital avant le 25 juin 2024 et ensuite effectué (ou prévu effectuer) des distributions en versant des dividendes en capital correspondant à 50 % (c’est-à-dire la partie non imposable) de ce gain avant la fin de l’année de transition. S’il est établi ultérieurement que le « taux mixte » pour l’année de transition est supérieur à 50 %, la partie non imposable de ce gain serait alors inférieure à 50 %, ce qui signifie que le contribuable aurait effectué une désignation excessive au titre du CDC (qui peut entraîner l’imposition d’un impôt punitif).

Les propositions du 12 août abordent cette question. Les notes explicatives reconnaissent qu’« une société ne peut déterminer son taux d’inclusion dans l’année de transition qu’après la fin de l’année. Cette question de choix du moment peut être incompatible avec le calcul du solde du CDC, lequel est calculé à un moment donné dans l’année pour établir le montant des dividendes que la société peut choisir de verser à titre de dividendes en franchise d’impôt. »

Le nouvel alinéa 89(1.4)a) règle cette question du choix du moment en réputant, aux fins du calcul du CDC, que le gain en capital imposable d’une société ou sa perte en capital déductible tirée de la disposition d’un bien au cours d’une année de transition sont, selon le cas :

  1. la moitié si la disposition a été effectuée avant le 25 juin 2024;
  2. les deux tiers si la disposition a été effectuée après le 24 juin 2024.

En d’autres termes, aux fins du calcul du CDC pour l’année de transition, chaque disposition est assujettie soit à l’ancien taux d’inclusion de la moitié, soit au nouveau taux d’inclusion des deux tiers, selon la date à laquelle la disposition a été effectuée, plutôt qu’au taux mixte qui s’applique généralement au cours des années de transition (sauf aux fins du calcul du CDC) et qui ne peut généralement être déterminé qu’à la fin de l’année de transition.

Les propositions du 12 août comportent également d’autres règles de calcul qui visent i) à prévenir une surestimation ou une sous-estimation du CDC en raison de la différence entre le taux d’inclusion appliqué en vertu de l’alinéa 89(1.4)a) et le taux d’inclusion qui s’applique généralement et qui est déterminé à la fin de l’année de transition, et ii) à garantir que les pertes en capital reportées à une année d’imposition antérieure ou ultérieure ayant des taux d’inclusion différents sont comptabilisées de manière appropriée dans le CDC.

Surplus hybride

Selon les règles actuelles, une société résidant au Canada peut déduire certaines parties des dividendes qu’elle reçoit de ses sociétés étrangères affiliées selon que ces dividendes doivent être prélevés, en vertu du Règlement de l’impôt sur le revenu, sur le surplus exonéré, le surplus hybride, le surplus imposable ou le surplus antérieur à l’acquisition de la société affiliée, ou si certains impôts ont été versés à l’égard de ces dividendes. Le surplus hybride (et le déficit hybride) représente généralement, entre autres choses, les gains et les pertes en capital réalisés par des sociétés étrangères affiliées lors de la disposition d’actions d’une autre société étrangère affiliée ou de participations dans une société de personnes qui sont des biens exclus, ainsi que les dividendes reçus d’autres sociétés affiliées qui ont été prélevés sur le surplus hybride de ces sociétés affiliées.

Les propositions du 12 août détournent le « surplus hybride » vers les nouveaux comptes de « surplus hybride historique » et de « surplus hybride remplaçant ». Les dividendes prélevés sur ces deux comptes font l’objet d’un traitement fiscal différent pour la société canadienne bénéficiaire. Les dividendes prélevés sur le surplus hybride seront d’abord considérés comme étant prélevés sur le surplus hybride historique d’une société affiliée (dans la limite du solde du surplus hybride historique) et le reste sera considéré comme ayant été prélevé sur le surplus hybride remplaçant de cette même société affiliée.

En règle générale, le calcul du « surplus hybride historique » tient compte uniquement des gains et des pertes en capital réalisés lors de dispositions effectuées avant le 25 juin 2024, des dividendes prélevés avant le 25 juin 2024 et des dividendes prélevés sur le surplus hybride historique d’une société étrangère affiliée. D’autre part, le calcul du « surplus hybride remplaçant » tient compte uniquement des gains et des pertes en capital réalisés lors de dispositions effectuées après le 24 juin 2024 ainsi que des dividendes prélevés sur le surplus hybride remplaçant d’une société étrangère affiliée. Les contribuables doivent faire un suivi séparé des impôts applicables au surplus hybride historique et de ceux applicables au surplus hybride remplaçant de leurs sociétés étrangères affiliées.

Les dividendes prélevés sur le surplus hybride historique (soit les gains en capital assujettis au taux d’inclusion de 50 %) reçoivent le même traitement que celui qui s’applique actuellement aux dividendes prélevés sur le surplus hybride, c’est-à-dire que la société recevra la déduction pour la moitié seulement de ces dividendes, ainsi que la déduction au titre du montant intrinsèque d’impôt hybride applicable à ces dividendes. En revanche, la société recevra la déduction pour le tiers seulement des dividendes prélevés sur le surplus hybride remplaçant (soit les gains en capital assujettis au taux d’inclusion de 66 2/3 %), ainsi que la déduction au titre du montant intrinsèque d’impôt hybride applicable à ces dividendes.

Comme le précisait le bulletin d’Osler publié le 19 juin 2024, ces modifications visent à s’assurer que la déduction accordée aux sociétés résidant au Canada relativement aux dividendes prélevés sur un surplus hybride par une société étrangère affiliée reflète le taux d’inclusion des gains en capital en vigueur au moment de la disposition sous-jacente qui a donné lieu au surplus hybride, quel que soit le moment où le dividende aura été prélevé ou reçu. Des modifications similaires ont été proposées pour d’autres règles touchant les sociétés étrangères affiliées, notamment celles servant à établir si le solde du compte de surplus sous-jacent est suffisant pour financer le montant d’un prêt en amont consenti par une société étrangère affiliée.

Malheureusement, ces propositions (ainsi que le nouveau régime REATE décrit plus loin) rendent encore plus complexe un régime de sociétés affiliées déjà trop compliqué, alors qu’on aurait pu emboîter le pas à de nombreux pays européens, notamment, en offrant tout simplement une large exemption de participation applicable aux dividendes reçus de sociétés étrangères affiliées. Il est à espérer qu’avec l’adoption de la Loi sur l’impôt minimum mondial et d’autres mesures, le Canada procédera, à un moment ou à un autre, à une réforme indispensable pour simplifier son ensemble disparate de règles fiscales internationales qui ont été mises en œuvre au cours des dernières décennies. Cette réforme permettrait de réduire les coûts d’administration et de conformité et de stimuler les investissements transfrontaliers avec les Canadiens.

Loi sur l’impôt minimum mondial

Les propositions du 12 août prévoient des modifications à la Loi sur l’impôt minimum mondial (LIMM) et à la Loi sur l’interprétation des conventions en matière d’impôts sur le revenu.

Adoptée le 20 juin 2024, la LIMM constitue la version canadienne du Pilier Deux, qui fait partie de l’initiative à deux piliers de l’OCDE visant à réformer le système fiscal international. Au moment de sa promulgation, la LIMM prévoyait deux mesures fiscales : un impôt complémentaire de 15 % en vertu de la règle d’inclusion du revenu (RDIR) et un impôt complémentaire minimum national admissible (ICMNA) de 15 %. . La LIMM suit de près les Règles globales anti-érosion de la base d’imposition (GloBE) de l’OCDE et trois séries d’instructions administratives qui ont été publiées avant 2024, mais qui ne comprenaient pas la règle relative aux paiements insuffisamment imposés (RPII), troisième mesure fiscale des règles GloBE. La RDIR et l’ICMNA s’appliquent aux années d’imposition commençant à compter du 31 décembre 2023.

Les propositions du 12 août comprennent des modifications importantes à la LIMM qui ont pour objet de mettre en œuvre la RPII, le régime de protection transitoire d’une RPII et certains éléments de la quatrième série d’instructions administratives de l’OCDE publiée le 17 juin 2024. Ces modifications sont présentées ci-dessous.

  1. RPII : La nouvelle partie 2.1 de la LIMM énonce la RPII qui est censée servir de soutien aux deux autres mesures (soit la RDIR et l’ICMNA). La RPII décrit la formule à utiliser pour déterminer le montant complémentaire RPII total, le montant complémentaire canadien et le montant complémentaire RPII des entités constitutives situées au Canada. Il est possible de se prévaloir d’une exclusion au titre du paiement du montant complémentaire RPII pour la phase de démarrage des activités internationales. La RPII (y compris le choix du régime de protection décrit ci-après) devrait s’appliquer aux années financières de groupes d’EMN admissibles commençant à compter du 31 décembre 2024. Cette date est conforme aux annonces faites précédemment par le gouvernement fédéral au sujet de l’introduction de la RPII au Canada.
  2. Choix du régime de protection d’une RPII : en vertu de cette mesure transitoire, l’impôt complémentaire des entités pertinentes situées dans la juridiction où l’entité mère ultime (EMU) du groupe d’EMN est établie (juridiction de l’EMU) est réputé être zéro lorsque les conditions suivantes sont respectées :
    • Un choix de la juridiction de l’EMU est effectué;
    • Le taux d’imposition du revenu des sociétés de la juridiction de l’EMU est égal ou supérieur à 20 %;
    • L’année financière commence avant le 1er janvier 2026 et se termine avant le 31 décembre 2026.
    Le régime de protection transitoire d’une RPII devrait accorder un délai supplémentaire avant l’entrée en vigueur de la RPII relativement aux pays qui n’ont pas encore adopté les règles admissibles du Pilier Deux (principalement les États-Unis). En particulier, la RPII (ainsi que les règles similaires adoptées dans d’autres pays) pourrait permettre au Canada et à d’autres pays d’imposer certains revenus faiblement imposés de sociétés américaines et de leurs filiales étrangères. Il n’est pas surprenant que, devant une telle perspective, les États-Unis aient envisagé de prendre des mesures de rétorsion à l’encontre du Canada ou d’autres pays qui souhaitent imposer ces revenus.
  3. Entités de titrisation : La quatrième série d’instructions administratives donne aux pays la possibilité d’exclure les « entités de titrisation » de leur ICMNA sans perdre leur statut de régime de protection au titre de l’ICMNA. Le Canada a décidé de se prévaloir de cette exclusion en adoptant une nouvelle définition d’« entité de titrisation » (qui reflète la définition de ce terme dans la quatrième série d’instructions administratives) et en modifiant certaines autres dispositions de la LIMM pour qu’il soit stipulé 1) qu’un ICMNA n’est pas payable par une entité constitutive qui est une entité de titrisation (ni à l’égard d’une telle entité) et 2) qu’une entité de titrisation ne doit pas faire l’objet d’une cotisation ni être tenue de payer de montant relativement à un ICMNA. Étant donné que le Canada s’est prévalu de cette exclusion, la règle sur l’arrêt de l’OCDE s’applique et le revenu d’une entité de titrisation canadienne peut être assujetti à un impôt complémentaire en vertu de la RDIR et peut-être de la RPII dans d’autres pays. Les modifications proposées doivent généralement s’appliquer aux années financières des groupes d’EMN admissibles commençant à compter du 31 décembre 2023.
  4. Entités intermédiaires : La définition d’une « entité hybride inversée » est abrogée et le paragraphe 17(6) de la LIMM (Résultat net comptable – entité intermédiaire), la seule disposition de la LIMM où était utilisé ce terme, est modifié pour tenir compte de l’abrogation et refléter l’approche adoptée dans la quatrième série d’instructions administratives à l’égard des entités intermédiaires aux fins des règles GloBE. Les modifications proposées doivent s’appliquer aux années financières des groupes d’EMN admissibles commençant à compter du 31 décembre 2023.
  5. Actifs d’impôts différés : Les règles transitoires énoncées à l’alinéa 48(5)b) de la LIMM sont modifiées pour les rendre conformes aux instructions administratives de la quatrième série sur l’actif d’impôt différé en ce qui a trait aux transferts d’actifs effectués avant l’année de transition GloBE (généralement, la première année où le groupe d’EMN d’une entité constitutive est assujetti à un ICMNA, à une RDIR ou à une RPII admissible dans la juridiction de l’entité constitutive). Les modifications stipulent qu’un actif d’impôt différé est réputé existé aux fins de la LIMM même si aucun actif d’impôt différé n’est créé ou même si un actif d’impôt différé d’un montant différent est créé en vertu de la norme comptable pertinente, et il comprend un actif d’impôt différé du cédant (ou de l’entité qui paie les impôts pour le cédant dans le cadre d’un régime d’imposition de groupe) à l’égard duquel il est établi qu’il a été renversé ou non créé seulement parce qu’un gain découlant du transfert était compris dans le revenu imposable national du cédant. Le nouveau paragraphe 48(5.1) est ajouté pour mettre en œuvre les instructions administratives de la quatrième série selon lesquelles la création d’un actif d’impôt différé aux termes du sous-alinéa 48(5)b)(ii) ne vient pas réduire les impôts concernés ajustés d’une entité constitutive. Les modifications proposées doivent s’appliquer aux années financières commençant à compter du 31 décembre 2023.

Bien que les propositions du 12 août prévoient la mise en œuvre de certains éléments de la quatrième série d’instructions administratives, elles ne tiennent pas compte de nombreux principes directeurs, mesures de simplification et approches qui figurent dans cette quatrième série, notamment le choix pour cinq ans d’une accumulation non déclarée. D’autres modifications à la LIMM, promulguée récemment, suivront sans doute.

En plus des modifications de la LIMM, les propositions du 12 août apportent des modifications à la Loi sur l’interprétation des conventions en matière d’impôts sur le revenu afin que les conventions sur les doubles impositions conclues par le Canada n’aient pas d’incidence sur l’application de la LIMM au Canada et que le Canada ne soit pas tenu d’accorder un allègement à l’égard de l’impôt exigé en vertu de lois similaires dans d’autres pays. Ces modifications sont réputées être entrées en vigueur le 1er janvier 2024. Il est important de souligner que ces modifications font en sorte que la RPII du Canada a préséance sur les obligations précédentes du Canada en vertu des conventions fiscales bilatérales. De nombreux observateurs ont fait remarquer qu’en l’absence d’un tel mécanisme, l’application de la RPII aurait probablement été limitée.

Arrangements de capitaux propres synthétiques

Les dividendes intersociétés versés par une société canadienne imposable à une société résidant au Canada sont généralement reçus en franchise d’impôt en vertu de la LIR. Cet important principe garantit que le revenu d’une société n’est pas imposé plus d’une fois. Les exceptions à ce principe prennent la forme de règles anti-évitement très ciblées visant des transactions spécifiques qui ont été identifiées au fil du temps. Les modifications proposées aux règles relatives aux « arrangements de capitaux propres synthétiques » dans les propositions du 12 août reflètent un élargissement progressif de ces règles anti-évitement, notamment en ce qui concerne les transactions non indiquées dans le budget de 2024.

Dans le budget de 2024, le gouvernement fédéral a annoncé son intention d’éliminer deux exceptions à l’application de l’alinéa c) sur l’« arrangement de capitaux propres synthétiques » de la règle anti-évitement sur le « mécanisme de transfert de dividendes », en vertu de laquelle un contribuable constitué en société peut se voir refuser une déduction pour dividendes reçus relativement à une action (appelée AMTD), généralement lorsque le contribuable octroie à une contrepartie, en vertu d’un accord ou d’un arrangement, la totalité ou la presque totalité des possibilités de subir des pertes et de réaliser des gains ou des bénéfices relativement à l’AMTD. À l’heure actuelle, la LIR prévoit une exception à cette règle en ce qui concerne un arrangement qui est négocié sur une bourse reconnue en instruments financiers dérivés, et un « arrangement de capitaux propres synthétiques » lorsqu’un contribuable établit que la contrepartie n’est pas un « investisseur indifférent relativement à l’impôt » (qui est généralement exonéré d’impôt ou un non-résident du Canada).

Les propositions du 12 août renferment des projets de mesures législatives qui visent apparemment à mettre en œuvre les propositions relatives aux « arrangements de capitaux propres synthétiques » prévues dans le budget de 2024. Dans le cadre de ces mesures, l’alinéa d) de la règle anti-évitement sur le « mécanisme de transfert de dividendes » serait également éliminé. Cet alinéa s’applique lorsque l’« arrangement de capitaux propres synthétiques » visé à l’alinéa c) ne s’applique pas. En vertu de l’alinéa d), une personne doit conclure un ou plusieurs accords ou arrangements qui ont pour effet d’éliminer, en totalité ou en presque totalité, les possibilités pour elle de subir des pertes et de réaliser des gains ou des bénéfices relativement à son AMTD et, dans le cadre d’une série de transactions, un investisseur indifférent relativement à l’impôt doit obtenir en totalité ou en presque totalité les possibilités de subir des pertes et de réaliser des gains ou des bénéfices relativement à l’AMTD. Il doit être raisonnable de conclure que l’un des objectifs de la série de transactions était d’obtenir ce résultat.

Dans les modifications proposées, le budget de 2024 définit les « arrangements de capitaux propres synthétiques » comme étant des « accords qui octroient la totalité ou la presque totalité des possibilités de subir des pertes et de réaliser des gains ou des bénéfices (le « risque économique ») relativement à une action à une autre personne ». Toutefois, les propositions du 12 août omettent la condition selon laquelle le risque économique doit être octroyé à une personne.

En particulier, l’exigence selon laquelle un contribuable « octroie » à une contrepartie la totalité ou la presque totalité des possibilités de subir des pertes et de réaliser des gains ou des bénéfices relativement à l’AMTD en vertu de la règle actuelle sur les « arrangements de capitaux propres synthétiques » serait modifiée dans le cadre des propositions du 12 août afin d’importer une partie du concept de l’alinéa d), à savoir que l’accord ou l’arrangement a pour effet d’« éliminer » les possibilités du contribuable de subir des pertes et de réaliser des gains ou des bénéfices relativement à l’AMTD. Les propositions du 12 août s’appliqueraient toutefois lorsqu’un contribuable élimine ses possibilités de subir des pertes et de réaliser des gains ou des bénéfices relativement à l’AMTD, peu importe s’il octroie ces possibilités à une contrepartie ou si (comme le prévoit la règle actuelle énoncée à l’alinéa d)) une contrepartie obtient ces possibilités. Cette modification de fond n’a pas été annoncée dans le budget de 2024 et porte sur une situation de fait qui n’y est pas identifiée.

Ces propositions s’appliqueraient aux dividendes reçus après 2024.

Déclaration des fiducies

Les propositions du 12 août contiennent des modifications aux règles de déclaration des fiducies qui visent à réduire le nombre de simples fiducies concernées par les exigences de déclaration. Bien que les présentes règles de déclaration s’appliquent aux simples fiducies pour les années d’imposition se terminant après le 30 décembre 2023, l’Agence du revenu du Canada (ARC) a suspendu à des fins administratives l’obligation de déclaration des fiducies pour l’année d’imposition 2023 quelques jours avant la date limite du 2 avril 2024.

En plus de la modification des règles de déclaration des fiducies, les propositions du 12 août prévoient l’abrogation des règles actuelles pour les années se terminant après le 30 décembre 2024. Cette abrogation combinée avec la suspension administrative de l’ARC pour l’année d’imposition 2023 fait en sorte que les anciennes règles ne s’appliqueront pas dans la plupart des situations. Les nouvelles règles s’appliquent aux années d’imposition se terminant après le 30 décembre 2025. Comme la fin de l’année de la plupart des fiducies est le 31 décembre, cela signifie qu’en vertu des nouvelles règles, l’année d’imposition 2025 des fiducies touchées sera la première année de déclaration obligatoire.

Le ministère des Finances a déclaré qu’il entend « [c]larifier les règles de déclaration relatives aux simples fiducies pour diminuer significativement le nombre de personnes possédant de telles fiducies et devant produire une déclaration et pour atténuer le fardeau administratif connexe ».

Parmi les contribuables qui ne sont pas assujettis à l’obligation de déclaration figurent les sociétés de personnes détenant des biens par l’intermédiaire d’un commandité, car elles produisent déjà certaines déclarations contenant la plupart des mêmes renseignements.

Un allègement est également accordé aux sociétés ouvertes dans les secteurs du pétrole, du gaz naturel et de l’exploitation minière qui peuvent utiliser des conventions de prête-nom ou de simple fiducie pour détenir des « avoirs miniers canadiens », c’est-à-dire des biens pétroliers ou gaziers ou des ressources minérales autres que des gisements de sables bitumineux ou de schiste bitumineux. Cette mesure n’est pas à la hauteur des attentes du secteur, car les avoirs miniers canadiens ne comprennent pas les actifs corporels et l’allègement ne s’étend pas aux sociétés fermées, qui resteront aux prises avec un lourd fardeau de conformité du fait de ces règles.

Modifications des règles de déclaration des simples fiducies

Les présentes règles de déclaration des simples fiducies énoncées dans la LIR et adoptées en 2022 imposent une obligation de déclaration i) aux « fiducies expresses » et ii) aux fins du droit civil, aux fiducies qui n’ont pas été établies par la loi ou par jugement (ci-après une « fiducie de droit civil »), dans chaque cas, autres que les fiducies qui bénéficient spécifiquement d’une dispense de déclaration. Les propositions du 12 août remplacent le mécanisme existant par une approche plus ciblée en ajoutant de nouvelles exceptions et en élargissant certaines exceptions actuelles à l’obligation de déclaration des fiducies expresses et des fiducies de droit civil.

Les propositions du 12 août visent à apporter des précisions en établissant un lien plus clair entre le concept de simple fiducie et celui précédemment non défini de fiducie expresse : une « fiducie expresse » est réputée comprendre un arrangement dans le cadre duquel une ou plusieurs personnes (appelées « propriétaire légal ») ont la propriété en common law d’un bien qui est détenu pour l’avantage d’une autre personne ou d’une autre société de personnes, et qu’il est raisonnable de considérer que le propriétaire légal agit en qualité de mandataire des personnes ou des sociétés de personnes. Il ne semble pas qu’il s’agisse d’une modification de fond, car les règles existantes couvraient déjà de manière générale ces arrangements, même si le libellé était moins précis. Par ailleurs, aucune partie des propositions du 12 août ne semble modifier l’applicabilité des règles de déclaration des fiducies aux conventions de prête-nom au Québec.

Autres mesures de dispense de déclaration

Plus important encore, les propositions du 12 août élargissent la liste des fiducies dispensées de l’obligation de déclaration. Elles prévoient de nouvelles dispenses applicables aux fiducies qui sont des fiducies expresses ou des fiducies de droit civil qui détiennent :

  • un bien uniquement à l’avantage d’une société de personnes tout au long de l’année et chaque propriétaire légal est un associé (sauf un commanditaire) de sorte que, par exemple, lorsqu’un commandité d’une société en commandite est le propriétaire légal des biens de la société de personnes, il est clair que la fiducie n’a pas d’obligation de déclaration;
  • un bien immeuble qui est une résidence principale au sens de l’article 54 et qui est détenu par des personnes liées ou par l’époux ou le conjoint de fait du propriétaire légal;
  • un avoir minier canadien uniquement pour l’avantage d’une société cotée en bourse, une société qu’elle contrôle et certaines sociétés de personnes des sociétés cotées en bourse;
  • un bien conformément à une ordonnance d’un tribunal;
  • des fonds ayant été obtenus de la Couronne, lorsque le propriétaire légal est une entité exemptée d’impôt visée au paragraphe 149(1) et que le bien est utilisé exclusivement au profit de cette entité.

Les propositions du 12 août élargissent également la liste des exceptions aux règles de déclaration des fiducies. Premièrement, les fiducies qui détiennent des actifs ayant une juste valeur marchande inférieure à 50 000 $ sont maintenant dispensées inconditionnellement, quelle que soit la nature des biens qu’elles possèdent. Deuxièmement, les fiducies dont les fiduciaires sont des particuliers et dont chaque bénéficiaire est un particulier lié à chaque fiduciaire sont dispensées des règles de déclaration si la juste valeur marchande des biens de la fiducie n’excède pas 250 000 $ et que les actifs sont limités à certains types, notamment des espèces, des CPG, certains titres de créance, des actions cotées à une bourse de valeurs désignée et des biens à usage personnel de la fiducie. Une fiducie dont les bénéficiaires sont des sociétés, comme c’est le cas de la plupart des fiducies discrétionnaires familiales, ne serait pas admissible à cette dispense.

Enfin, les fiducies qui sont tenues de détenir des fonds en vertu des règles de conduite professionnelle ou des lois du Canada ou d’une province sont déjà dispensées pourvu que la fiducie ne soit pas utilisée comme une fiducie distincte pour un client donné; les propositions du 12 août ajoutent qu’elles sont également exemptées si les seuls actifs qu’elles détiennent sont des espèces d’une valeur qui n’excède pas 250 000 $ tout au long de l’année. De plus, une nouvelle exception s’applique aux fiducies qui sont établies pour se conformer à une disposition législative fédérale ou provinciale selon laquelle une personne agit comme fiduciaire de la fiducie à une fin déterminée.

Règle anti-report applicable aux SPCC et aux SPCC en substance ayant des sociétés étrangères affiliées contrôlées

Dans le budget fédéral de 2022 (le « budget de 2022 »), le ministère des Finances a proposé deux mesures ciblant les stratégies de report perçu de l’impôt qu’utilisent des sociétés privées sous contrôle canadien (SPCC) et leurs actionnaires gagnant des revenus de placement et réalisant des gains en capital; ces deux mesures ont fait l’objet de propositions législatives publiées ultérieurement, en août 2022. La première mesure introduit le concept de « SPCC en substance » et fait partie du projet de loi C-59 qui a reçu la sanction royale le 20 juin 2024. La deuxième mesure vise les SPCC et leurs actionnaires qui gagnent un revenu de placement « hautement mobile » par l’intermédiaire de sociétés étrangères affiliées contrôlées (SEAC). Pour une analyse des mesures proposées dans le budget de 2022, consultez notre bulletin Info Budget fédéral 2022 et notre mise à jour d’août 2022.

La deuxième mesure touchant les SEAC qui a été proposée dans le budget de 2022 a été largement critiquée en raison de sa portée trop large, et le ministère des Finances a indiqué qu’il réexaminerait l’approche proposée. Les propositions du 12 août renferment une version révisée de cette mesure qui prévoit une exclusion limitée à certains types de services et aux entreprises immobilières, mais uniquement si le contribuable effectue un choix.

Proposition du budget de 2022

Selon les règles actuelles de la LIR, lorsqu’un contribuable canadien constitué en société a une SEAC qui paie de l’impôt étranger à un taux de 25 % ou plus sur le revenu qui constitue un « revenu étranger accumulé tiré de biens » (REATB) et qui est inclus dans son revenu canadien, il bénéficie d’une déduction au titre de cet impôt étranger, qui compense entièrement l’inclusion du REATB correspondant du contribuable. En revanche, les particuliers canadiens doivent payer de l’impôt étranger à un taux de 52,63 % ou plus pour compenser entièrement l’inclusion de leur REATB.

Grâce à la déduction intégrale pour les contribuables constitués en société qui paient de l’impôt étranger à un taux de 25 % ou plus, les SPCC et leurs actionnaires individuels peuvent reporter l’impôt sur les revenus de placement passifs gagnés par l’entremise de SEAC, parce que ces revenus auraient été imposés à un taux plus élevé s’ils avaient été gagnés directement par la SPCC au Canada. Certains montants au titre du REATB sont également inclus dans le compte de revenu à taux général (CRTG) des SPCC. Les inclusions dans le CRTG permettent aux SPCC de distribuer le REATB sous forme de dividendes admissibles assujettis à un taux d’imposition moins élevé pour l’actionnaire.

Le budget de 2022 proposait d’éliminer l’avantage perçu du report de l’impôt dont bénéficient les SPCC et leurs actionnaires qui gagnent un revenu de placement par l’entremise de SEAC en réduisant la déduction relative à l’impôt étranger payé par la SEAC au moyen principalement d’une modification de la définition de « facteur fiscal approprié » au paragraphe 95(1). Par conséquent, si une SEAC doit payer de l’impôt étranger à un taux inférieur à 52,63 %, l’inclusion correspondante au titre du REATB c ne serait pas entièrement compensée.

Des modifications connexes ont été proposées et portaient sur l’intégration du REATB une fois rapatrié et distribué par des SPCC et des SPCC en substance à des actionnaires individuels, par :

  1. l’élimination de certaines déductions du CRTG d’une SPCC effectuées à l’égard i) des rapatriements du surplus hybride et du surplus imposable d’une société étrangère affiliée et ii) du paiement de la retenue d’impôt sur les dividendes intersociétés versés à partir du surplus imposable;
  2. l’inclusion dans le compte de dividendes en capital d’une SPCC lors du rapatriement i) du montant d’une déduction pour dividendes intersociétés demandée à l’égard d’un dividende payé à partir d’un surplus hybride, moins le montant de la retenue d’impôt effectuée à l’égard du dividende, ii) du montant d’une déduction pour dividendes intersociétés demandée à l’égard d’un dividende payé à partir du surplus imposable et iii) du montant d’une déduction pour retenue d’impôt demandée, moins la retenue d’impôt effectuée à l’égard des rapatriements du surplus imposable.

Les mesures proposées dans le budget de 2022 devaient s’appliquer aux années d’imposition commençant le ou après le 6 avril 2022. Toutefois, ces mesures ont été abondamment critiquées parce qu’elles s’appliquaient au REATB provenant de toutes sources, y compris les activités exercées par la SEAC sans lien important avec les pays étrangers où la SEAC était résidente ou exerçait ses activités, et non au REATB provenant du revenu de placement passif qui aurait pu être gagné par la SPCC (ou la SPCC en substance) directement plutôt que par l’intermédiaire de la SEAC.

Propositions du 12 août

La principale différence entre les propositions du 12 août et l’avant-projet de loi d’août 2022 en ce qui concerne les mesures du budget de 2022 est que les premières prévoient une exclusion relativement limitée à l’article 93.4 proposé relativement au « revenu étranger accumulé, tiré d’une entreprise » (ou REATE) d’une société étrangère affiliée. En règle générale, le REATE inclut le REATB compte tenu seulement des montants relatifs :

  1. à la fourniture, par la société affiliée, de certains types de services, dont le revenu est inclus dans le calcul du REATB de la société affiliée en raison de la règle de requalification énoncée à l’alinéa 95(2)b)(i) (avec quelques modifications);
  2. à l’« entreprise de placement » (au sens du paragraphe 95(1)) de la société affiliée, qui consiste à mettre en valeur des immeubles ou des biens réels en vue de leur vente, ou à louer des immeubles ou des biens réels, lorsque l’entreprise emploie plus de cinq personnes à temps plein ou leurs équivalents, condition énoncée à l’alinéa c)(ii) de l’exception de la définition d’« entreprise de placement » si les services fournis par les employés de sociétés affiliées ou d’autres entités désignées au Canada et à l’étranger ont été comptabilisés.

Cette exception ne s’appliquera que si un choix est effectué en vertu du paragraphe 93.4(2) proposé.

Si une SPCC (ou une SPCC en substance) choisit d’appliquer l’exception REATE et que la SEAC paie de l’impôt étranger à un taux d’au moins 25 % relativement au REATE, la déduction prévue au paragraphe 91(4) compenserait entièrement la fraction du REATE du REATB inclus dans le revenu en vertu du paragraphe 91(1).

Les propositions du 12 août introduisent également une exception REATE aux fins du calcul des déductions en vertu des alinéas 113(1)b) et c) pour le dividende du surplus imposable relativement au REATE et instaure encore un autre compte de surplus, le « surplus REATE », avec un concept correspondant de « montant intrinsèque d’impôt REATE ».

Comme les propositions énoncées dans le budget de 2022, la plupart des propositions du 12 août qui portent sur cette mesure s’appliquent aux années d’imposition commençant à compter du 7 avril 2022. Les propositions du 12 août contiennent certaines dispositions relatives au choix réputé pour les années antérieures à 2025.

Bien qu’une exclusion soit toujours une modification souhaitable, l’exception REATE est relativement restreinte et n’accorde pas un allègement aux nombreuses SPCC (et SPCC en substance) qui ont des SEAC exerçant des activités produisant un REATB et ayant des liens commerciaux importants avec des pays étrangers ou des raisons commerciales ou réglementaires d’exercer des activités par l’intermédiaire d’une société étrangère, et qui sont déjà assujetties à un taux élevé d’impôt étranger. De plus, les propositions viennent accroître davantage la complexité de l’imposition des SPCC et du régime de sociétés affiliées qui, dans sa forme actuelle, est déjà l’un des ensembles de règles les plus complexes de la LIR.

Règles de RDEIF

Les règles de restriction des dépenses excessives d’intérêts et de financement (RDEIF) s’appliquent généralement dans le but de limiter le montant de certaines dépenses d’intérêts et de financement nettes lorsque celui-ci excède 30 % du BAIIA fiscal (calculé selon les règles). La définition de « dépenses d’intérêts et de financement exonérées » (DIFE) est pertinente aux fins de l’exonération de certains types de dépenses d’intérêts et de financement (DIF) en vertu des règles de RDEIF. À l’heure actuelle, seules les dépenses d’intérêts et de financement précisées qui sont engagées relativement au financement de certains projets de partenariats publics-privés (PPP) canadiens sont exonérées selon la définition des DIFE.

Dans les propositions du 12 août, deux types de DIF sont ajoutés à la définition des DIFE :

  1. entreprise réglementée de services publics d’énergie : DIF payées directement ou indirectement à une personne sans lien de dépendance avec le contribuable relativement à un emprunt contracté afin de gagner un revenu d’une « entreprise réglementée de services publics d’énergie » :
    1. une « entreprise réglementée de services publics d’énergie » désigne une entreprise exploitée par une personne ou une société de personnes afin de produire, stocker, transmettre, vendre, distribuer ou fournir de l’électricité, du gaz naturel ou de la vapeur ou tout autre intrant pour la production de lumière, de chaleur, de froid ou d’énergie, à la condition que les prix des produits et des services soient établis ou approuvés par une entité gouvernementale;
    2. la totalité ou la presque totalité des biens du contribuable ou de la société de personnes doit être 1) utilisée ou détenue en vue de tirer un revenu d’une entreprise réglementée de services publics d’énergie et 2) située au Canada;
    3. cette exemption doit être choisie pour l’année en cours ou une année antérieure (de sorte qu’une fois qu’un choix est fait, il s’applique également aux années suivantes);
  2. ensemble résidentiel construit spécialement pour la location : DIF payées directement ou indirectement à une personne sans lien de dépendance avec le contribuable relativement à un emprunt contracté afin de gagner un revenu d’un « ensemble résidentiel construit spécialement pour la location »;
    1. « ensemble résidentiel construit spécialement pour la location » désigne un bâtiment ou une partie d’un bâtiment situé au Canada contenant 1) au moins quatre logements locatifs avec cuisine privée, salle de bains privée et espace habitable privé ou 2) au moins 10 logements locatifs, et dans lequel la totalité ou la presque totalité des logements locatifs sont loués pour des périodes d’au moins 28 jours consécutifs;
      1. la définition de « logement locatif » précise qu’il ne s’agit pas d’un logement mis à la disposition de voyageurs ou de vacanciers;
    2. l’emprunt doit être utilisé pour acquérir, construire ou convertir un ensemble résidentiel construit spécialement pour la location détenu par le contribuable ou la société de personnes;
    3. cette exemption n’est disponible que pour les DIF payées ou payables avant 2036 et doit faire l’objet d’un choix annuel.

Les modifications proposées devraient s’appliquer à partir de la date d’entrée en vigueur initiale des règles de RDEIF, soit les années d’imposition commençant à compter du 1er octobre 2023.

Application des règles d’asymétrie hybride aux sociétés étrangères affiliées

Les propositions du 12 août répondent aux préoccupations concernant l’application des règles d’asymétrie hybride aux sociétés étrangères affiliées. Les modifications envisagées visent à ajuster les inclusions au revenu étranger accumulé tiré de biens (REATB) et à prévenir les situations de double imposition qui pourraient se produire relativement aux dividendes entre sociétés affiliées résidant dans le même pays.

Dans le passé, un dividende reçu d’une société étrangère affiliée par une autre société étrangère affiliée n’était pas inclus dans le calcul du REATB de la société affiliée bénéficiaire.

La version préliminaire des règles d’asymétrie hybride publiée en avril 2022 ne précisait pas si les règles proposées s’appliqueraient dans le contexte de transactions (y compris les dividendes) effectuées par des sociétés étrangères affiliées de contribuables résidant au Canada. Le projet de loi C-59 a modifié les éléments pertinents dans la définition du REATB afin d’inclure la partie d’un dividende entre sociétés affiliées, dont la déduction aurait été refusée en application du paragraphe 113(5) si la société affiliée bénéficiaire était une société résidant au Canada. Les propositions du 12 août accordent un allègement à l’égard des dividendes que reçoit une société étrangère affiliée d’une autre société étrangère affiliée résidant dans le même pays. Dans le cadre des propositions du 12 août, ces dividendes demeurent exclus du calcul du REATB selon les modifications apportées à l’alinéa b) de l’élément A de la définition de REATB au paragraphe 95(1).

Pour les dividendes versés par une société étrangère affiliée résidant dans un pays à une société affiliée résidant dans un autre pays, les modifications prévoient que seule la partie du dividende qui excède le montant d’une asymétrie de déduction/non-inclusion sera exclue du REATB. Ce changement signifie que lorsqu’un dividende transfrontalier est versé dans le contexte d’une société étrangère affiliée, il sera inclus dans le REATB jusqu’à concurrence du montant de l’asymétrie de déduction/non-inclusion. Par exemple, lorsqu’un dividende est déductible par la société payeuse et qu’il n’est pas inclus dans le revenu de la société bénéficiaire, le montant du dividende peut entrer dans le calcul du REATB de la société bénéficiaire.

La retenue d’impôt effectuée sur les dividendes entre sociétés affiliées inclus dans le REATB devrait généralement entrer dans le calcul de l’impôt étranger accumulé (IEA), ce qui représente un allègement similaire au mécanisme prévu au paragraphe 113(6) aux fins de l’application du paragraphe 113(5) dans le contexte national.

Ces modifications devraient entrer en vigueur le 1er juillet 2024.

Incitatif aux entrepreneurs canadiens

L’avant-projet de loi portant sur l’incitatif aux entrepreneurs canadiens (IEC) correspond dans une large mesure à la proposition faite dans le budget de 2024, sauf en ce qui a trait aux éléments décrits ci-après. L’IEC réduit à un tiers le taux d’inclusion des gains en capital lors de la disposition d’actions admissibles par un particulier admissible (autre qu’une fiducie) jusqu’à une limite cumulative individuelle de 2 millions $ en gains en capital. Cette mesure incitative s’applique en plus de l’exonération cumulative des gains en capital disponible.

Les propositions du 12 août apportent des précisions sur les types d’entreprises qui sont exclues de l’IEC. Les catégories d’entreprises exclues sont au nombre de dix. La liste des entreprises exclues correspond en gros à celle figurant dans le budget de 2024, mais elle est plus exhaustive. Par exemple, le budget de 2024 exclut les entreprises exerçant leurs activités dans le secteur de l’hébergement, tandis que les propositions du 12 août excluent les « location à court terme et […] services complémentaires aux voyageurs, vacanciers et autres, dans des installations comme des hôtels, des auberges, des sites de villégiature, des motels, des hôtels de casinos, des gîtes touristiques, des chalets et cabines, des parcs de véhicules récréatifs et des terrains de camping, des camps de chasse et pêche et des camps de loisir et d’aventure ». Les pratiques professionnelles exclues sont également définies de manière plus détaillée et comprennent celles des comptables, des avocats, des notaires, des médecins, des praticiens en santé mentale, des praticiens en soins de santé, des vétérinaires, des optométristes, des dentistes, des chiropraticiens, des ingénieurs et des architectes.

Les trois conditions clés d’admissibilité à l’IEC ont été assouplies par rapport à la proposition dans le budget de 2024. Premièrement, le particulier qui demande l’IEC doit seulement avoir détenu 5 % ou plus des actions, de la participation dans la société de personnes ou de la juste valeur marchande de la participation pendant 24 mois avant la disposition (dans le budget de 2024, le particulier doit détenir au moins 10 % des actions en tout temps, depuis leur souscription initiale jusqu’au moment précédant immédiatement leur disposition). Deuxièmement, le demandeur doit seulement avoir participé activement, de façon régulière, continue et importante aux activités de l’entreprise pendant une période totale d’au moins trois ans avant la disposition (le budget de 2024 exigeait que le demandeur ait participé activement à l’entreprise pendant la période de cinq ans précédant immédiatement la disposition). Troisièmement, la condition énoncée dans le budget de 2024 qui exige que le particulier qui demande l’IEC ait été un investisseur fondateur au moment de la capitalisation initiale de la société a été éliminée.

Par ailleurs, les propositions du 12 août n’exigent plus que les actions soient acquises en contrepartie de leur juste valeur marchande comme condition d’admissibilité à l’IEC relativement à ces actions. Cependant, elles comprennent des dispositions qui limitent l’accès à l’IEC dans certaines circonstances qui cadrent avec les règles actuelles applicables aux fins de l’exonération cumulative des gains en capital.

Enfin, la période de mise en œuvre progressive de l’IEC est réduite de moitié : le plafond de 2 millions $ sera mis en œuvre par tranches de 400 000 $ par année entre 2025 et 2029 (le budget de 2024 prévoyait une mise en œuvre par tranches de 200 000 $ entre 2025 et 2034).

Règlement des appels en matière fiscale

Le ministre du Revenu national est autorisé en vertu de la LIR à établir à tout moment de nouvelles cotisations pour un contribuable, si celui-ci y consent par écrit et si la nouvelle cotisation est établie en règlement d’un appel en matière fiscale. Les propositions du 12 août prévoient l’élargissement du pouvoir du Ministre afin de lui permettre d’établir de nouvelles cotisations (avec le consentement écrit) en règlement d’un appel par un autre contribuable (par exemple, la contrepartie d’une transaction faisant l’objet du différend). Elles précisent également que le pouvoir de procéder à de nouvelles cotisations qui est conféré au Ministre peut servir à régler un appel après que la Cour canadienne de l’impôt a rendu sa décision de première instance; autrement dit, un règlement peut être conclu avant, pendant ou après un appel à la Cour d’appel fédérale.

Successions assujetties à l’imposition à taux progressifs : report à la dernière année d’imposition du défunt

À l’heure actuelle, les successions assujetties à l’imposition à taux progressifs peuvent reporter les pertes en capital à la dernière année d’imposition du contribuable décédé, à condition que la perte soit subie au cours de la première année de la succession. De même, la fraction non amortie du coût en capital pour une catégorie prescrite de biens peut être déduite au cours de la dernière année d’imposition du défunt, si tous les biens amortissables de cette catégorie font l’objet d’une disposition au cours de la première année de la succession. Certaines pertes et certaines déductions relatives aux options d’achat d’actions peuvent également être reportées à la dernière année d’imposition du défunt si l’option est exercée ou fait l’objet d’une disposition ou si les titres sont acquis au cours de la première année de la succession.

Les propositions du 12 août prolongent cette période aux trois premières années de la succession. Cette prolongation donne plus de temps à la succession pour effectuer la planification et la mise en œuvre. Cette modification permet d’aligner la période de report en arrière des pertes en capital par une succession sur la période de trois ans dont bénéficient déjà les particuliers.

Autres mesures

Les propositions du 12 août comprennent plusieurs autres mesures annoncées précédemment ainsi que certaines modifications techniques, dont les suivantes :

Si vous avez des questions ou que vous souhaitez une analyse supplémentaire sur les propositions du 12 août, veuillez contacter un membre de notre Groupe national de droit fiscal.