La SEC propose une procuration universelle : son incidence sur les sociétés et investisseurs canadiens

20 Nov 2016 7 MIN DE LECTURE

La Securities and Exchange Commission des États-Unis (la SEC) a proposé des modifications à ses règles sur les procurations visant à permettre aux actionnaires qui se servent du système de procuration d’exercer leur droit de vote pour une combinaison de candidats dans le cadre d’une élection d’administrateurs contestée au lieu de se contenter des candidats présentés aux termes d’une procuration de la direction ou d’une procuration de la dissidence. Les changements proposés rendraient plus facile et moins coûteuse l’élection de candidats d’un dissident au conseil d’une société, ce qui pourrait avoir des répercussions sur les pratiques de gouvernance et les stratégies de négociation des activistes. L’utilisation d’une procuration universelle obligerait le dissident à fournir un préavis nommant ses candidats et à assumer les coûts liés à la préparation des documents de procuration de la dissidence et à leur envoi à un plus grand nombre d’actionnaires que ceux qu’il pourrait normalement solliciter. Il est possible de présenter des commentaires sur les règles proposées jusqu’au 9 janvier 2017.

Répercussions au Canada

Les modifications aux règles proposées par la SEC n’auraient pas d’incidence directe sur la grande majorité des sociétés canadiennes, même si elles sont aussi des sociétés ouvertes aux États-Unis, parce que la plupart des sociétés canadiennes sont admissibles à titre d’émetteurs privés étrangers (foreign private issuers) aux termes des règles de la SEC, et ne sont donc pas assujetties aux règles de la SEC sur les procurations. Toutefois, une procuration universelle a été utilisée avec succès dans au moins une course aux procurations canadiennes (la campagne de dissidence de Pershing Square contre Chemin de fer Canadien Pacifique) et la Coalition canadienne pour une bonne gouvernance a déjà déclaré qu’elle appuyait l’utilisation des procurations universelles. De plus, la proximité entre les marchés publics canadiens et américains mène souvent à l’adoption d’exigences semblables en vertu des lois sur les valeurs mobilières canadiennes. L’obligation d’avoir recours à une procuration universelle dépendrait généralement de la réception par la société d’un préavis l’informant de l’identité des candidats aux postes d’administrateurs d’un dissident au moins 60 jours avant la date d’anniversaire de l’assemblée annuelle de l’année précédente. Il est à noter que l’échéance proposée par la SEC ne s’harmonise pas avec les échéances aux termes des dispositions sur les préavis en vue des élections d’administrateurs généralement adoptées au Canada, qui exigent par exemple qu’un avis soit donné au moins 30 jours avant la date de l’assemblée.

Les investisseurs canadiens de sociétés assujetties aux règles sur les procurations de la SEC pourraient constater qu’ils ont plus de choix de candidats aux postes d’administrateurs sans avoir à consacrer de temps et d’argent en vue de diviser les votes dans le cadre d’élections contestées d’administrateurs de sociétés ouvertes américaines.

Les règles actuelles sur les procurations : mon groupe ou rien du tout

La SEC vise à permettre aux actionnaires votant par procuration de choisir parmi les candidats aux postes d’administrateurs au cours d’une course aux élections d’une façon qui reflète mieux les choix qui s’offriraient à eux s’ils votaient en personne à une assemblée des actionnaires. Les actionnaires qui votent en personne au cours d’une élection contestée où des groupes de candidats aux postes d’administrateurs différents sont présentés peuvent choisir parmi tous les candidats dûment proposés. Cependant, les actionnaires qui votent par procuration ne peuvent voter que pour un groupe de candidats présenté dans la procuration de la partie qui la sollicite. Vient compliquer les choses le fait que, en vertu des lois étatiques, une carte de procuration donnée ultérieurement invalide généralement toute carte de procuration antérieure, ce qui oblige ainsi un actionnaire à voter à l’aide d’une seule carte de procuration. En conséquence, les actionnaires qui votent par procuration (la façon dont les élections sont généralement décidées au sein des sociétés américaines aux États-Unis) ne peuvent habituellement voter que pour les candidats de la société ou pour les candidats de la dissidence. Si les actionnaires souhaitent voter pour une combinaison de candidats faisant partie de groupes différents, ils doivent habituellement assister en personne à l’assemblée des actionnaires ou y envoyer un représentant. Dans certains cas, les groupes sollicitant les procurations ou des fournisseurs de services semblables peuvent prendre les mesures nécessaires pour qu’une ou plusieurs personnes assistent à une assemblée pour le compte de certains actionnaires afin de faciliter la division des votes. Ces options peuvent toutefois nécessiter beaucoup de temps et être coûteuses.

Les changements proposés : une formule « à la carte »

Les modifications proposées par la SEC exigeraient le recours à une procuration universelle pour toutes les élections contestées où des groupes de candidats aux postes d’administrateurs différents sont présentés. Même si chaque partie à l’élection continuait de présenter sa propre carte de procuration pour solliciter des votes pour ses candidats aux postes d’administrateurs, il faudrait que chaque carte de procuration présente tous les candidats proposés par l’une ou l’autre des parties. Même s’il faut que toutes les cartes de procuration présentent la liste de tous les candidats, la personne qui propose les candidats ne serait pas tenue de présenter des renseignements généraux au sujet des candidats de son adversaire dans sa circulaire de sollicitation de procurations. Les modifications proposées par la SEC imposeraient d’autres exigences connexes dans le cas d’élections contestées où des groupes de candidats différents sont présentés :

  • Dans le but de fournir un préavis de l’exigence du recours à une procuration universelle, les dissidents seraient tenus de fournir à la société les noms des candidats pour lesquels ils ont l’intention de solliciter des procurations au plus tard 60 jours avant la date d’anniversaire de l’assemblée annuelle de l’année précédente, et la société serait tenue d’annoncer le nom de ses candidats aux dissidents au plus tard 50 jours avant cette date.
  • Afin d’offrir aux actionnaires de l’information en temps opportun au sujet de tous les candidats, un dissident serait obligé de déposer la version définitive de sa circulaire de sollicitation de procurations auprès de la SEC 25 jours avant l’assemblée ou cinq jours après le moment où la société dépose la version définitive de sa circulaire de sollicitation de procurations (si cette date tombe plus tard).
  • Les dissidents seraient tenus de solliciter les actionnaires représentant au moins la majorité des droits de vote et ayant le droit de voter à l’élection des administrateurs.
  • Des exigences seraient adoptées au sujet de la présentation et du format des cartes de procuration universelle afin de veiller à ce que le nom des candidats de toutes les parties et le nombre total de candidats pour lequel un actionnaire peut voter soient indiqués de façon juste et claire.

L’incidence des procurations universelles

Les procurations universelles entraîneraient des épargnes directes pour les actionnaires qui souhaitent voter pour une combinaison de candidats proposés par la société et de candidats proposés par le dissident et qui devraient autrement engager des coûts supplémentaires pour assister en personne à l’assemblée ou y envoyer un représentant et voter pour la combinaison de candidats souhaitée au lieu de choisir entre le groupe de candidats présenté par la société ou celui présenté par le dissident. Cependant, il n’est pas certain que les activistes concluront que les avantages des procurations universelles l’emporteraient sur le temps et l’argent requis pour répondre aux exigences de la règle proposée. Si l’utilisation des procurations universelles se répand, elle pourrait avoir une incidence plus grande sur la gouvernance et la relation entre les actionnaires et la direction. Par exemple, le fait de permettre la division des votes pourrait faire en sorte qu’un plus grand nombre de conseils se composeront d’une combinaison de candidats de la société et du dissident, ce qui aurait une incidence, positive ou négative, sur le processus décisionnel du conseil.