Notre dernier bulletin Commerce international a traité de l’incidence des tarifs douaniers visant le bois d’œuvre résineux sur les sociétés canadiennes et de l’enquête de l’administration Trump et d’une enquête similaire portant respectivement sur l’impact des importations d’acier et d’aluminium sur la sécurité nationale, menées en recourant à un processus rarement utilisé. Dans plusieurs articles du présent dossier, nous discutons des marchés publics et du règlement des différends aux termes de l’Accord de libre-échange canadien, de la solution de rechange consistant à recourir aux traités bilatéraux d’investissement pour protéger les investissements de manière à éviter toute revendication d’immunité absolue comme moyen de défense, qui a été le fondement du rejet unanime par un tribunal américain d’une réclamation relative à une expropriation, et du dépôt par Boeing d’une demande d’enquête sur les pratiques commerciales de Bombardier.
Les demandeurs (une société américaine et sa filiale vénézuélienne) dans une cause devant la Cour suprême des États-Unis, Bolivarian Republic of Venezuela v Helmerich & Payne Int’l Drilling Co (Helmerich) avaient intenté une action devant les tribunaux américains en vue d’obtenir une indemnité, soutenant que le gouvernement vénézuélien avait illégalement exproprié les installations de forage de la filiale. La défenderesse, la République du Venezuela, revendiquait l’immunité aux termes de la loi intitulée Foreign Sovereign Immunities Act of 1976 (FSIA), qui réglemente les procédures dont sont saisis les tribunaux américains à l’encontre d’États souverains. Les demandeurs ont invoqué l’exception en matière d’expropriation prévue par la FSIA, qui permet de déposer une demande dans tous les cas où [traduction] « les droits sur des biens, retirés en violation du droit international, sont en cause ».
Même si la Cour d’appel du district de Columbia, dans une requête interlocutoire déposée par le Venezuela en vue de rejeter l’action au motif que l’exception en matière d’expropriation ne s’appliquait pas, avait rendu une décision en faveur des demandeurs et autorisé la poursuite, cette décision a été infirmée à l’unanimité par la Cour suprême des États-Unis.
La Cour suprême a conclu qu’une partie qui invoque l’exception relative à l’expropriation doit faire valoir une revendication valide, selon laquelle le bien a été retiré en violation du droit international, afin de faire reconnaître la juridiction sur un État souverain. Il ne suffit pas, a conclu la Cour, qu’un demandeur fasse simplement valoir un argument « non frivole » en ce sens. La Cour a aussi ajouté qu’en principe, et conformément à l’objectif de la FSIA, pour que les États souverains échappent aux poursuites, cette question devrait être résolue dès le départ, bien avant que le fond de l’affaire soit examiné dans sa totalité.
À la suite de l'affaire Helmerich, les demandeurs pourraient trouver qu'il est encore plus difficile de franchir les premières étapes d’une poursuite en justice devant les tribunaux américains, lorsqu’ils cherchent à obtenir réparation pour des expropriations faites par des gouvernements étrangers. Cela donne à penser que la planification d’investissements et l’atténuation des risques mettant en cause l’accès à un arbitrage international, où les revendications d’immunité absolue sont régies par une entente d’arbitrage prévoyant habituellement la renonciation à une telle défense, deviendront encore plus importantes. Les traités en matière d’investissement et leurs dispositions relatives aux différends entre les investisseurs et les États peuvent, dans certains cas et moyennant une structure d’entreprise appropriée, offrir une protection et une occasion de chercher réparation qui ne seraient pas accessibles autrement dans les procédures judiciaires des tribunaux nationaux, que ce soit aux États-Unis ou dans d’autres territoires. Il n’est pas nécessaire que le traité applicable soit conclu directement entre le pays où la société a son principal établissement et le territoire outre-mer. Par exemple, plusieurs sociétés pétrolières ayant des investissements au Venezuela se sont déjà prévalues des mécanismes de règlement des différends prévus dans un traité d’investissement bilatéral Pays-Bas-Venezuela, car il n’existait pas de traité semblable entre les États-Unis et le Venezuela. Lorsqu’elles structurent leurs activités et leurs investissements (y compris les acquisitions ou la croissance interne), les sociétés devraient examiner de près les protections accordées par ces ententes, qui, dans bien des cas, peuvent être alliées à la planification fiscale internationale.
Pour plus de renseignements sur les traités internationaux en matière d’investissement et sur l’arbitrage entre les États et les investisseurs, veuillez consulter le guide d’Osler intitulé International Trade and Investment Law [PDF], et le bulletin d’Actualités d’Osler sur la ratification par le Canada de la Convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre États et ressortissants d’autres États (Convention du CIRDI).