L’électrification de l’économie : Plan énergétique à long terme de 2017 de l’Ontario

15 Nov 2017 11 MIN DE LECTURE

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Le 26 octobre 2017, le gouvernement de l’Ontario a publié son plus récent Plan énergétique à long terme (PELT), intitulé Garantir l’équité et le choix, en vertu de la Loi de 2016 modifiant des lois sur l’énergie, qui remplace les plans antérieurs publiés en 2013 et en 2010. Le PELT, qui comporte des prévisions jusqu’en 2035, présente les buts et objectifs du gouvernement dans le secteur de l’électricité, en fonction des Perspectives de planification de l’Ontario de la Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité (SIERE) et des commentaires obtenus lors de séances à grande échelle tenues auprès des intervenants, des assemblées publiques, des consultations auprès de presque 100 communautés et organismes autochtones, de plus de 1 500 argumentaires officiels, de 200 courriers, et de plus de 2 800 commentaires et observations en ligne.

Essentiellement, le PELT réitère et clarifie les initiatives gouvernementales existantes, notamment le Plan ontarien pour des frais d’électricité équitables et le Plan d’action contre le changement climatique, tout en créant diverses opportunités pour les participants du secteur énergétique dans une économie décarbonisée, y compris au moyen d’innovations technologiques. Le Plan est divisé en huit chapitres portant sur l’accessibilité de l’énergie, la flexibilité du réseau énergétique, l’innovation, le rehaussement de la valeur pour les consommateurs, la conservation, le changement climatique, le leadership des Premières Nations et des Métis, et la planification énergétique régionale.

Quatre jours avant la publication du PELT, le directeur général de la SIERE, Peter Gregg, a annoncé une restructuration visant à réorienter la société dans les trois unités des services opérationnels suivantes : (1) Planification, acquisitions et exploitation (ce qui comprend le Programme de renouvellement du marché); (2) Politiques, engagement et innovation; et (3) Ressources générales. Ces changements structurels témoignent de l’approche constante, à l’échelle organisationnelle, adoptée par la SIERE en vue de remplir ses mandats, y compris les importants changements au marché de gros de l’électricité administré par la SIERE (appelé « renouvellement du marché »).

Tarifs

Étant donné la tenue d’élections provinciales en juin prochain, le PELT confirme que les tarifs d’électricité devraient être maintenus en deçà des niveaux prévus dans les PELT de 2010 et de 2013 de l’Ontario. D’après le PELT, les tarifs d’électricité aux consommateurs et pour le secteur industriel devraient augmenter, en moyenne, de façon comparable à l’inflation, au cours des quatre prochaines années, puis d’environ 5 % par année entre 2021 et 2027. Ces tarifs sont attribuables en grande partie au Plan ontarien pour des frais d’électricité équitables qui, depuis le 1er juillet 2017, refinance une partie du rajustement global et accorde des rabais, ce qui réduit les factures d’électricité de 25 % en moyenne des clients résidentiels, des petites entreprises et des exploitations agricoles. Dans notre bulletin Actualités Osler du 6 mars 2017, nous avons examiné comment le Plan ontarien pour des frais d’électricité équitables élargissait les possibilités d’autoproduction d’électricité. Le PELT réitère l’engagement du gouvernement à diminuer le seuil de la demande en période de pointe mensuelle afin de participer à l’Initiative d’économies d’énergie en milieu industriel (IEEMI), qui récompense les consommateurs industriels d’avoir réduit leur consommation d’électricité pendant les heures de pointe.

Approvisionnement et demande d’électricité

Le PELT prévoit que l’approvisionnement en électricité sera suffisant à court terme, mais que la province sera aux prises avec des insuffisances au début ou au milieu des années 2020. La demande devrait croître au rythme de l’électrification de l’économie, grâce en grande partie à l’augmentation du nombre de véhicules et de réseaux de transport électriques.

Le PELT fait état du besoin d’un nouveau couloir de transport dans le nord-ouest de la région du Grand Toronto, en raison de la croissance prévue de la charge. Il n’aborde pas l’avenir des importations, mais il demande plutôt à la SIERE de commencer à planifier un réseau de production-transport d’électricité intégré à l’échelle de la province. Par ailleurs, le PELT réitère la stratégie L’Ontario propice aux affaires, qui incite le secteur minier et d’autres industriels d’envergure à discuter des possibilités d’amélioration des processus de connexion au réseau.

Quant au bouquet énergétique, l’Ontario recourt actuellement à l’énergie nucléaire (53,5 %), à l’hydroélectricité (21,3 %), à la conservation (8,6 %) et au gaz naturel (7,5 %), ainsi qu’aux sources d’énergie éolienne, solaire, de biomasse et à d’autres sources d’énergie. Cela signifie que moins de 10 % de l’électricité de la province a été produite par une source directement émettrice. Cela n’a rien d’étonnant, car les restrictions relatives au plafonnement et à l’échange en matière de combustibles fossiles, la fermeture autorisée des centrales au charbon et l’utilisation de plus en plus répandue d’énergie renouvelable dans des projets, telle l’énergie solaire ou l’énergie éolienne, ont généralement permis de réduire la consommation de combustibles fossiles depuis 2005, et la demande devrait continuer de diminuer. De plus, le 1er juillet 2018, les projets combinant chaleur et électricité qui utilisent des combustibles fossiles ne seront plus admissibles aux mesures incitatives en vertu du Cadre stratégique de priorité à la conservation de l’énergie ou du Programme d’accélération pour le secteur industriel. Entre-temps, le PELT tient pour acquis que la production d’énergie renouvelable au moyen d’éoliennes et de panneaux photovoltaïques continuera d’augmenter, car les progrès technologiques font baisser les coûts en capital.

En ce qui concerne l’énergie nucléaire, le gouvernement de l’Ontario s’est engagé à remettre à neuf 10 de ses 18 centrales nucléaires d’ici 2033, ce qui représente une capacité de 9 800 MW. La remise en état des centrales de Bruce et de Darlington est en cours, et le PELT explique que les pannes découlant de ces travaux exerceront probablement une pression sur l’approvisionnement et feront augmenter la demande d’autres sources de production d’électricité plus accessibles, comme le gaz naturel.

Dans l’ensemble, le bouquet énergétique actuel représente un important changement par rapport à celui qui figurait dans les PELT 2010 et 2013, en grande partie à cause de l’élimination des centrales au charbon et de l’essor des sources d’énergie qui les remplacent.

Compétitivité, innovation et technologie

Le PELT cible tout particulièrement le renouvellement du marché, qui vise à transformer le marché de vente en gros de l’électricité en Ontario en délaissant les contrats d’énergie à long terme pour se tourner vers des mécanismes plus concurrentiels, par exemple, en répondant aux besoins de capacité au moyen d’enchères d’accroissement de capacité. Le recours aux enchères de capacité s’harmonise avec le Plan d’action contre le changement climatique, qui prévoit que les offres concurrentielles provenant des secteurs des énergies renouvelables et autres énergies alternatives faciliteront l’abandon des combustibles fossiles. Les génératrices, les fournisseurs de réponse à la demande, les importateurs et les nouvelles technologies émergentes semblables pourraient tous participer à ces enchères. Cela devrait permettre de réaliser des économies de 5 milliards de dollars entre 2021 et 2030. Le PELT de 2017 prévoit d’autres mesures visant à accroître la compétitivité, telles que le financement de projets internationaux de démonstration en vue d’attirer des investisseurs étrangers, et l’élaboration de processus d’approvisionnement plus concurrentiels pour la construction de lignes de transport, notamment.

En ce qui concerne l’innovation et la technologie, le PELT de 2017 propose d’augmenter les investissements dans le stockage de l’énergie, les compteurs et les réseaux intelligents, l’énergie transactive, l’intégration des chaînes de blocs, et plus encore. Le PELT appelle également à porter une plus grande attention aux nouvelles catégories d’énergie, comme le gaz naturel renouvelable et les processus de conversion d’électricité en gaz. À la suite de ces innovations et de la mise en œuvre de ces technologies, le PELT s’attend à ce que les consommateurs aient davantage recours aux ressources énergétiques distribuées et dépendent moins des sociétés de distribution locales. Par ailleurs, le PELT accorde une grande place à l’électrification des transports, prévoyant 2,4 millions de véhicules électriques d’ici 2035 et l’électrification du réseau ferroviaire GO, ainsi que les nouveaux projets de train léger sur rail à Hamilton, Mississauga, Kitchener, Toronto et Ottawa.

Priorité aux consommateurs

Le PELT insiste sur l’éducation et la protection des consommateurs, et sur le choix dans le secteur énergétique. En ce qui concerne l’éducation des consommateurs, le PELT propose de repenser les factures d’électricité afin de les rendre plus faciles à lire et à comprendre, et d’étendre l’initiative bouton vert, qui permet aux consommateurs d’accéder aux données concernant leur consommation d’énergie et d’eau à des fins de conservation et de gestion. Il prévoit en outre l’amélioration de la facturation, des incitatifs à l’adoption de compteurs et de technologies de réseau intelligents et des programmes d’intervention en fonction de la demande qui récompensent les clients qui au besoin réduisent leur consommation d’électricité. En ce qui concerne la protection des consommateurs, le PELT accorde plus de pouvoir à la Commission de l’énergie de l’Ontario (CEO) sur les fournisseurs de compteurs « divisionnaires » qui sont responsables de plus de 326 000 condominiums et appartements dans plus de 2 500 immeubles, ce nouveau pouvoir devant servir à l’établissement de coûts de l’énergie équitables et raisonnables dans les propriétés multirésidentielles. Par ailleurs, le PELTdemande à la CEO d’examiner et de rehausser les normes d’assurance de la qualité des services publics lorsque ceux-ci traitent avec des clients. En ce qui a trait au choix des consommateurs, le PELT demande des projets pilotes de rechange par rapport aux structures tarifaires basées sur l’heure de consommation. II propose en outre d’autoriser des fournisseurs tiers à posséder et à exploiter des systèmes de production d’énergie bénéficiant de la facturation nette.

Le secteur de la construction

Le PELT ne prévoit pas construire de nouvelles infrastructures. Il encourage néanmoins l’édification de résidences et de bâtiments à émission de carbone nulle ou presque nulle, grâce au Fonds pour un Ontario vert, qui fait la promotion d’un secteur de la construction exempt d’émissions. Il propose également d’étendre les options de facturation nette afin d’offrir aux propriétaires d’immeubles un plus grand accès à la production et au stockage de l’énergie renouvelable.

Engagement des Premières Nations et des Métis

Le PELT porte une attention particulière au niveau d’engagement sans précédent des Premières Nations et des Métis dans le secteur énergétique, notamment dans l’installation de plusieurs lignes de transport majeures et dans la réalisation de plus de 600 projets de production d’énergie éolienne, solaire et hydroélectrique en Ontario, ce qui représente une capacité de production d’énergie propre de plus de 2 200 MW. Enfin, le PELT fait état de la possibilité de raccorder au réseau électrique de l’Ontario 21 communautés éloignées des Premières Nations, et s’emploiera à amorcer des consultations sur les façons d’améliorer le Programme de partenariats énergétiques de la SIERE, qui établit des liens entre des communautés des Premières Nations et des Métis et des organismes partenaires pour réaliser des projets de transport d’électricité et d’énergie renouvelable.

Conclusion

Bien que le PELT réaffirme l’orientation du gouvernement vers une économie décarbonisée et électrifiée, il prévoit clairement un renouvellement du marché, le recours aux futures technologies et la hausse de la compétitivité, ce qui créera des opportunités pour ceux qui façonnent cette évolution. Pour ce qui est des prochaines étapes, la SIERE et la CEO ont été mandatées par le ministre de l’Énergie pour exécuter le PELT, en commençant par la préparation et la présentation de plans de mise en œuvre aux fins d’examen d’ici le 31 janvier 2018.