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Dans ce bulletin d’actualités
- En novembre 2016, le gouvernement fédéral a accepté de revoir un décret du Cabinet qui avait été pris par le gouvernement conservateur précédent, en juillet 2015, et qui avait pour but d’annuler l’acquisition de la société montréalaise Technologies ITF Inc. par O-Net Communications, société établie à Hong Kong, parce que cette opération était susceptible de porter atteinte à la sécurité nationale du Canada.
- Le 27 mars 2017, O-Net a annoncé que le Cabinet avait approuvé l’acquisition, et un décret imposant des conditions aurait été rendu.
- Le processus d’examen relatif à la sécurité nationale en vertu de la Loi sur Investissement Canada peut se traduire par la prise d’un décret autorisant l’investissement en question, sous réserve de certaines conditions.
- Bien que les conditions imposées demeurent inconnues, la décision d’autoriser un investissement précédemment bloqué est sans précédent et devrait être reçue de manière favorable par les investisseurs chinois et autres investisseurs non canadiens.
Contexte
En novembre 2016, le gouvernement fédéral canadien a accepté de revoir un décret du Cabinet qui avait été pris par le gouvernement conservateur précédent, en juillet 2015, et qui avait pour but d’annuler une opération susceptible de porter atteinte à la sécurité nationale du Canada. Les incidences de la décision de renvoyer le dossier au ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique afin que soit entrepris un nouvel examen relatif à la sécurité nationale de l’opération d’acquisition par la société de produits électroniques O-Net Communications (O-Net), établie à Hong Kong, de la société montréalaise Technologies ITF Inc. (auparavant Avensys Inc.) ont déjà fait l’objet d’une analyse dans le bulletin d’Actualités d’Osler.
Faits nouveaux
Le 27 mars 2017, O-Net a annoncé que le Cabinet avait approuvé l’acquisition, décision confirmée par des révélations faites au Globe and Mail par une fonctionnaire anonyme et selon lesquelles l’investissement a été autorisé sous réserve de conditions non divulguées.[1] Le processus d’examen relatif à la sécurité nationale mené en vertu de la Loi sur Investissement Canada peut se traduire, entre autres, par la prise d’un décret par le Cabinet afin d’autoriser un investissement, sous réserve de certaines conditions (imposées ou négociées), conformément à l’alinéa 25.4(1)b) de la loi. Il semblerait qu’un tel décret aurait été pris en l’instance. De telles conditions imposent effectivement des restrictions à la conduite de l’investisseur ou à sa propriété de l’entreprise visée afin de contrebalancer ou d’atténuer des préoccupations perçues en matière de sécurité nationale associées à l’investisseur ou à l’investissement, ou encore à ces deux éléments. Les conditions peuvent porter sur divers aspects, mais comprendraient habituellement des stipulations concernant la portée des activités de l’investisseur, les normes de sécurité, les pratiques d’embauche, les obligations d’information ou les structures de gouvernance au Canada, ou encore une combinaison de ces éléments. En ce qui concerne cet examen de l’opération d’O-Net, nous ne savons pas si les conditions prescrites par le décret sont le résultat de mesures d’atténuation négociées par O-Net ou si elles ont été imposées unilatéralement par le gouvernement comme condition d’approbation et, dans ce dernier cas, si O-Net les a acceptées ou les acceptera.
Il est intéressant de noter que cette décision survient quelques jours à peine après que monsieur Lu Shaye, ambassadeur de la Chine au Canada, eût affirmé que « la Chine considérera comme du protectionnisme commercial toute tentative du Canada d’invoquer la sécurité nationale pour empêcher des entreprises d’État d’acquérir de sociétés canadiennes ou de faire affaire avec le gouvernement fédéral ».[2] L’ambassadeur, dans le cadre de discussions sur le libre-échange entre le Canada et la Chine, a souligné que de telles mesures restrictives à l’investissement chinois alimenteraient le scepticisme actuel de la Chine quant à la volonté du Canada de réellement resserrer les liens commerciaux et d’investissement avec la Chine. O-Net serait, dans une proportion de plus de 25 %, la propriété d’une filiale de China Electronics Corporation, entreprise d’État chinoise.[3]
Répercussions
Les faits uniques de l’affaire O-Net pourraient restreindre sa valeur de précédent. Il a été signalé qu’ITF n’avait aucun autre acheteur et aurait pu être confrontée à une dissolution sans l’investissement d’O-Net. Il a été suggéré qu’en autorisant l’opération, le gouvernement estimait que cette acquisition permettrait de garder l’entreprise intacte — de même que ses connaissances sensibles des lasers à fibres — et au Canada. Si tel est vraiment le cas, cela pourrait être une justification possible intéressante et pourrait encourager les investisseurs assujettis à un examen relatif à la sécurité nationale à réfléchir à toutes les avenues possibles et à faire preuve de créativité dans le cadre du processus d’examen, afin de trouver des arguments économiques ou fondés sur des politiques favorables à l’autorisation de l’investissement en vertu de la Loi sur Investissement Canada. Il convient aussi de souligner que la demande de révision judiciaire, déposée par O-Net, du décret initial pris en 2015, exigeant que l’investisseur se départisse de son investissement dans l’entreprise, reposait en grande partie sur des motifs d’équité procédurale. Les investisseurs devraient être rassurés par le fait que le processus d’examen relatif à la sécurité nationale semble continuer d’évoluer vers une équité procédurale accrue.
Bien que la décision de permettre un investissement antérieurement bloqué soit sans précédent et devrait être reçue de manière favorable par les investisseurs chinois et autres investisseurs non canadiens, le contexte unique de l’affaire O-Net empêche de conclure à un profond changement de la politique du gouvernement. Comme nous l’avons mentionné, les conditions qui auraient été imposées par décret demeurent inconnues; il est possible que leur portée soit très vaste et qu’elles assujettissent O-Net à des obligations rigoureuses en matière de conformité continue. Néanmoins, l’approbation de cette opération renforce l’idée que le Canada est ouvert aux investissements de la Chine (et, plus généralement, des entreprises d’État) et qu’il pourrait être disposé, si les circonstances s’y prêtent, à travailler avec les investisseurs pour trouver des solutions alors qu’une avenue viable vers l’approbation n’était peut-être pas possible auparavant.
[1] Voir l’article intitulé « Liberals reverse course on Chinese takeover of Montreal high-tech firm » (en anglais), au www.theglobeandmail.com/news/politics/liberals-reverse-course-on-chinese-deal/article34441975/.
[2] Voir l’article intitulé « Beijing pressing for full access to Canada’s economy in trade talks » (en anglais), au http://www.theglobeandmail.com/news/politics/beijing-pressing-for-full-access-to-canadas-economy-in-trade-talks/article34412957/.
[3] Voir l’article intitulé « Liberals reverse course on Chinese takeover of Montreal high-tech firm » (en anglais), au http://www.theglobeandmail.com/news/politics/liberals-reverse-course-on-chinese-deal/article34441975/.