Auteurs(trice)
Sociétaire, Droit de la santé, Toronto
Associée, Litiges, Toronto
Associée, Litiges, Toronto
Les hôpitaux et les organismes de soins de santé entament une nouvelle année qui leur réserve des défis uniques. Dans ce bulletin, nous passerons en revue les décisions clés de 2020 ci-dessous qui ont une incidence sur les privilèges hospitaliers et la conduite des procédures administratives pour l’avenir.
Étant donné que le décret d’urgence relatif à l’accréditation n’est plus en vigueur, les hôpitaux doivent maintenant revenir à leurs pratiques normales dans le processus d’accréditation. Ce faisant, les hôpitaux doivent avoir à l’esprit les points soulignés dans les récentes décisions examinées ci-dessous :
- une conduite inappropriée peut suffire à elle seule à révoquer des privilèges;
- un comportement inacceptable compromet la sécurité des patients et la qualité des soins;
- les nouvelles demandes de nomination doivent être soigneusement examinées et tout indice relatif à une conduite problématique ou à des mesures disciplinaires doit faire l’objet d’une enquête;
- la confiance entre les membres de l’équipe soignante est un élément essentiel à la prestation de soins aux patients qui est sécuritaire et de qualité;
- à moins de circonstances exceptionnelles, on ne peut pas demander la révision judiciaire de procédures en cours devant la Commission d’appel et de révision des professions de la santé (la « CARPS »).
Une conduite inappropriée peut à elle seule entraîner la révocation des privilèges
Dans l’affaire Tenn-Lyn, M.D. v. Trillium Health Partners et Talwar v. Grand River Hospital St. Mary’s General Hospital, la CARPS a confirmé les décisions des conseils d’hôpitaux de refuser le renouvellement du mandat de médecins en raison de plaintes concernant leur conduite auprès de collègues et de patients, même si leurs connaissances cliniques répondaient aux exigences ou les dépassaient. Ces décisions font suite à la décision de la Cour divisionnaire de l’Ontario en 2017 dans l’affaire Gupta v. William Osler Health System, dans laquelle la Cour a clairement établi que, même lorsque la compétence d’un médecin n’est pas remise en question, une inconduite de sa part peut entraîner la révocation de ses privilèges ou le refus de renouveler son mandat.
Dans l’affaire Tenn-Lyn, la CARPS a conclu que la décision du conseil de l’hôpital était justifiée et a confirmé que la conduite d’un médecin est un facteur pertinent qui peut influer sur la décision de nomination ou de renouvellement de son mandat, même lorsque sa compétence n’est pas remise en cause. La CARPS a réitéré qu’une conduite antérieure d’un médecin peut justifier la révocation de ses privilèges. Elle a également conclu que le comportement de Dr Tenn-Lyn et son défaut de le corriger créaient un risque pour la sécurité des patients et compromettaient les soins qui leur sont prodigués. À cet égard, la CARPS a souligné que le travail d’équipe dans un hôpital est essentiel pour assurer le bien-être des patients.
Dans l’affaire Talwar, la CARPS a confirmé le non-renouvellement des privilèges hospitaliers du Dr Talwar en raison de son comportement perturbateur (notamment des plaintes qu’il avait déposées concernant ses collègues, ainsi que le personnel et l’administration de l’hôpital), et du fait que rien n’indiquait qu’il réussirait à corriger ce comportement. Malgré les préoccupations soulevées concernant les compétences cliniques du Dr Talwar, la CARPS a noté qu’au cours des nombreuses années d’exercice du médecin, peu d’incidents préjudiciables avaient été rapportés. La conduite du Dr Talwar a néanmoins mené au bris de la confiance de ses collègues médecins. Or, une telle confiance est essentielle à la prestation efficace des soins aux patients.
La Cour divisionnaire établit que la CARPS a le pouvoir de gérer le processus d’appel devant elle
La Cour divisionnaire de l’Ontario a rejeté la demande de révision judiciaire d’un médecin concernant une décision de la CARPS sur une requête déposée avant l’introduction de l’appel devant elle[1]. La Cour a jugé que la requête était prématurée.
Dans sa décision, la Cour a énoncé clairement qu’en l’absence de circonstances exceptionnelles, elle n’interviendra pas dans une procédure administrative en cours devant la CARPS (ou devant toute autre instance administrative). Les circonstances exceptionnelles comprennent les cas où la décision entraîne une injustice fondamentale ou comporte une erreur de droit manifeste qui rendrait le processus administratif essentiellement injuste. En l’absence de telles circonstances exceptionnelles, les parties ne peuvent pas engager une poursuite devant les tribunaux tant que leur procédure administrative n’est pas terminée.
La Cour divisionnaire a également souligné que la CARPS dispose d’un mandat et de pouvoirs très étendus pour mener le processus d’appel et le gérer, mentionnant de surcroît que si le conflit d’intérêts allégué en l’instance devenait manifeste lors de l’audition de l’appel devant la CARPS, cette dernière pourrait alors revoir sa décision.
Pour de plus amples renseignements sur l’un des sujets abordés ci-dessus ou sur d’autres questions liées à la santé, veuillez communiquer avec l’un des auteurs.
[1] 2019 ONSC 5427