Dans le contexte du cadre inclusif de l’OCDE et du G20, un accord commun a été conclu sur une approche en deux piliers pour la réforme fiscale internationale

5 Juil 2021 14 MIN DE LECTURE

Dans ce bulletin d’actualités :

  • Cent trente pays, dont le Canada et les États-Unis, ont publié une déclaration annonçant un accord commun sur l’approche en deux piliers de l’OCDE pour la réforme fiscale internationale.
  • Neuf membres du Cadre inclusif (dont l’Irlande et la Hongrie) n’ont pas signé l’accord général. L’Irlande a annoncé qu’elle était d’accord avec la plupart des propositions, mais qu’elle trouvait que le taux d’imposition minimum mondial de 15 % était trop élevé (d’autant plus que le taux d’imposition irlandais est de 12,5 %).
  • La Déclaration nécessite la conclusion d’un accord général d’ici octobre 2021, les changements requis pour les piliers un et deux devant être adoptés en 2022 et entrer en vigueur en 2023.
  • La Déclaration exige la suppression de toutes les taxes sur les services numériques et d’autres mesures similaires pertinentes pour toutes les entreprises (bien que la Déclaration ne précise pas le moment où cette suppression aura lieu).
  • Ces propositions marquent une rupture considérable par rapport à la façon dont le revenu et les droits d’imposition sont actuellement répartis entre les juridictions. 
  • Il est proposé que de nouvelles compétences fiscales aux termes du pilier un soient attribuées aux juridictions de marché (où sont situés les clients) sur au moins 20 à 30 % du bénéfice dépassant une marge de 10 % pour les entreprises multinationales dont le chiffre d’affaires mondial dépasse de 20 milliards d’euros (passant à 10 milliards d’euros après 7 à 8 ans sous réserve de la mise en œuvre réussie).
  • Le taux d’imposition minimum mondial aux termes du pilier deux sera d’au moins 15 % déterminé pays par pays.

La Déclaration sur une solution reposant sur deux piliers pour résoudre les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie fait suite à l’engagement des ministres des Finances du G7

L’OCDE et le G20 ont travaillé au cours des deux dernières années sur une approche à deux piliers pour la réforme fiscale internationale afin de régler la taxation de l’économie numérique et des questions non résolues dans le cadre du projet BEPS. Ces propositions marquent une rupture considérable par rapport à la façon dont le revenu et les droits d’imposition sont actuellement répartis entre les juridictions. 

  • Le pilier un vise à attribuer des droits d’imposition supplémentaires aux juridictions de marché;
  • Le pilier deux introduit un impôt minimum mondial d’au moins 15 % déterminé pays par pays.

Le 5 juin 2021, les ministres des Finances du G7, représentant les sept économies les plus importantes (le Canada, la France, l’Allemagne, l’Italie, le Japon, le Royaume-Uni, les États-Unis et l’Union européenne participant en tant qu’invitée) ont publié un communiqué indiquant qu’ils se sont engagés à respecter les principaux éléments de conception des piliers un et deux, y compris l’introduction d’un impôt minimum mondial d’au moins 15 %.

Le 1er juillet 2021, 130 des 139 pays du Cadre inclusif de l’OCDE, représentant plus de 90 % du PIB mondial, ont publié une Déclaration approuvant les principaux éléments de conception convenus par les ministres des Finances du G7 et acceptant des détails supplémentaires concernant le champ d’application et le fonctionnement des nouvelles règles (la Déclaration [PDF]), décrits plus en détail ci-dessous. Neuf pays du Cadre inclusif de l’OCDE – la Barbade, l’Estonie, la Hongrie, l’Irlande, le Kenya, le Nigeria, le Pérou, Saint-Vincent-et-les Grenadines et le Sri Lanka – n’ont pas signé la Déclaration à la date de rédaction du présent document. L’OCDE s’efforcera de trouver un accord avec les autres membres du Cadre inclusif de l’OCDE et du G20 et de régler les questions en suspens d’ici le sommet du G20 à Rome, prévu pour la fin octobre 2021.

La Déclaration décrit un accord commun concernant les piliers un et deux et exige un accord général d’ici octobre 2021, les changements (y compris un impôt minimum mondial d’au moins 15 %) entrant en vigueur en 2023.

Pour de plus amples renseignements sur l’approche à deux piliers de la réforme de la fiscalité internationale, veuillez consulter notre bulletin d’actualités Osler et nos observations présentées à l’OCDE sur les rapports directeurs sur les premier et deuxième piliers. Pour plus de détails sur le Communiqué des ministres des Finances du G7, veuillez consulter nos bulletins d’actualités Osler.

Pilier un

Le pilier un comporte trois éléments clés : un nouveau droit d’imposition permettant aux juridictions de marché (où les clients sont situés) d’obtenir une part des bénéfices résiduels d’une entreprise multinationale ou EMN (un « Montant A »), le calcul d’un rendement fixe pour certaines activités de marketing et de distribution de base dans les territoires où une EMN a une présence physique (le « Montant B »), et des mécanismes de prévention et de règlement des différends (appelés « Certitude fiscale » par l’OCDE).

Le champ d’application initial du pilier un était axé sur les entreprises hautement numérisées. Le champ d’application a été initialement élargi pour inclure certaines entreprises en relation étroite avec les consommateurs. Désormais, le champ d’application est axé sur les EMN les plus grandes et les plus rentables, qu’elles soient des entreprises numériques ou des entreprises en relation étroite avec les consommateurs (avec toutefois une exception pour les industries extractives et les services financiers réglementés).

Relativement à l’importance du pilier un, les ministres des Finances du G7 s’étaient engagés à attribuer de nouvelles compétences fiscales aux juridictions de marché sur au moins 20 % du bénéfice dépassant une marge de 10 % pour les « entreprises multinationales les plus grandes et les plus rentables ». La Déclaration s’appuie sur l’annonce du G7 et fournit des détails supplémentaires :

  • Certains seuils de revenus ont été ajoutés, de sorte que le pilier un s’appliquerait aux EMN dont le chiffre d’affaires mondial dépasse 20 milliards d’euros et dont la rentabilité est supérieure à 10 %, sachant que le seuil de chiffres d’affaires sera abaissé à 10 milliards d’euros, sous réserve d’une mise en œuvre réussie (déterminée 7 à 8 ans après l’entrée en vigueur du pilier un), notamment en ce qui concerne la sécurité juridique en matière fiscale pour le montant A.
  • Les bénéfices et les pertes seront déterminés en se référant au résultat comptable, moyennant quelques ajustements. Les pertes seront reportées (bien qu’il ne soit pas clair si la période de report sera indéfinie).
  • La segmentation sera limitée lorsque, en se fondant sur les segments communiqués dans les états financiers, un segment respecte autrement les règles relatives au champ d’application. Ce changement semble destiné à veiller à ce que les activités rentables de sociétés diversifiées telles qu’Amazon puissent être incluses – même si l’entreprise dans son ensemble n’atteint pas les seuils de rentabilité requis.
  • Entre 20 à 30 % du bénéfice résiduel (défini comme le bénéfice au-dessus d’un seuil de 10 %) sera attribué aux juridictions de marché qui satisfont au critère du nexus à partir d’une clé de répartition fondée sur le chiffre d’affaires. 
  • Les industries extractives et les services financiers réglementés seront exclus du champ d’application du pilier un.

La Déclaration décrit également une règle spéciale de nexus permettant de déterminer si une EMN a un nexus suffisant pour que le montant A soit calculé pour cette juridiction. À cet égard, il est envisagé que le pilier un s’applique lorsque l’EMN couverte réalise au moins 1 million d’euros de recettes dans cette juridiction. Pour les juridictions dont le PIB est inférieur à 40 milliards d’euros, le seuil déclenchant le nexus sera fixé à 250 000 euros.

La Déclaration décrit un régime de protection applicable aux bénéfices issus d’activités de commercialisation et de distribution à élaborer pour s’appliquer lorsque les bénéfices résiduels d’une EMN couverte sont déjà imposés dans une juridiction de marché.

L’allégement de la double imposition se fondera sur la méthode de l’exemption ou de l’imputation (l’entité [ou les entités] qui supportera la charge fiscale pour le Montant A sera celle qui réalise un bénéfice résiduel).

Des mécanismes de prévention et de règlement des différends sont envisagés en vue d’éviter la double imposition au titre du Montant A de manière obligatoire et contraignante. Un système facultatif sera considéré pour le mécanisme contraignant de règlement des différends sur les cas liés au Montant A pour les économies en développement qui sont admissibles au report de leur examen par les pairs au titre de l’Action 14 du BEPS et dont le nombre de cas soumis à la procédure amiable est faible ou nul.

Les travaux sur le Montant B (règles simplifiées pour l’application du principe de pleine concurrence aux activités de commercialisation et de distribution de référence exercées dans le pays) doivent être achevés d’ici la fin de 2022.

La Déclaration confirme que le pilier un est destiné à remplacer les mesures unilatérales telles que la taxe canadienne sur les services numériques (TSN) annoncées dans le budget 2021. Le Canada a encore l’intention d’exécuter ses plans pour introduire une TSN de 3 % sur les revenus qui excèdent 20 millions de dollars et qui proviennent des services numériques qui sont fondés sur les abonnements, les données et les contributions de données d’utilisateurs canadiens. Cette TSN entrerait en vigueur le 1er janvier 2022, comme mesure provisoire jusqu’à ce que les propositions du pilier un entrent en vigueur. Pour de plus amples renseignements sur la TSN de 3 % proposée dans le budget de 2021, veuillez lire notre bulletin d’actualités Osler à ce sujet.

Pilier deux

Le pilier deux (également appelé la proposition GloBE) se compose des éléments suivants :

  • Deux règles nationales :
    • la règle d’inclusion du revenu (RDIR) imposerait un impôt courant sur le revenu d’une entité étrangère contrôlée (ou d’une succursale étrangère) si ce revenu était autrement assujetti à un taux d’imposition effectif en deçà d’un certain taux minimum;
    • la règle relative aux paiements insuffisamment imposés (RPII), selon laquelle toute déduction serait refusée ou une cotisation éventuelle relative d’un paiement ayant pour effet d’éroder la base d’imposition, à moins que le paiement ne soit assujetti à un impôt de taux égal ou supérieur à un taux minimum précisé dans le territoire du destinataire;
  • une règle conventionnelle, appelée la règle d’assujettissement à l’impôt (RAI), qui veillerait à ce que les avantages prévus par les conventions pour certains paiements entre parties liées (plus particulièrement en ce qui concerne les intérêts et les redevances) soient accordés uniquement dans des circonstances où un élément de revenu est imposé à un taux minimum dans le territoire destinataire.

Les ministres des Finances du G7 se sont engagés à introduire un impôt minimum mondial d’au moins 15 % appliqué pays par pays. La Déclaration confirme que les EMN pourraient se voir appliquer un impôt minimum mondial à un taux d’au moins 15 % (pour la RDIR et RPIR) dès 2023. La Déclaration suggère que le pilier deux devrait être adopté en 2022 et entrer en vigueur en 2023. La Déclaration a également précisé que le taux minimum pour la RAI se situera entre 7,5 % et 9 %.

La Déclaration envisage que le pilier deux aura le statut d’une « approche commune » plutôt que celui qu’on appelle une « norme minimale ». Cela signifie que les membres du Cadre inclusif de l’OCDE ne sont pas tenus d’adopter les mesures du pilier deux. Si une EMN n’est pas soumise à un taux minimum convenu dans un pays en particulier, un autre pays (p. ex. où une société mère est située) aurait alors le droit de prélever un impôt supplémentaire à la société mère pouvant aller jusqu’au taux minimum. 

En ce qui concerne le champ d’application du pilier deux, la Déclaration confirme ce qui suit :

  • les nouvelles règles s’appliqueront aux EMN qui atteignent le seuil de 750 millions d’euros utilisé aux fins de la déclaration pays par pays.
  • Il y aura une exclusion fondée sur des critères de substance et reposant sur une formule qui excluront un montant de revenu représentant au moins 5 % (durant la période de transition de 5 ans, au moins 7,5 %) de la valeur comptable des actifs corporels et de la masse salariale, et une exclusion de minimis.
  • Des exclusions sont envisagées pour les entités gouvernementales, les organisations internationales, les organismes à but non lucratif, les fonds de pension ou les fonds d’investissement qui sont l’entité mère ultime du groupe ou de toute structure de détention utilisée par ces entités, organisations ou fonds.

Selon la Déclaration, le calcul du taux d’imposition effectif dans une juridiction (qui déterminera l’application du pilier deux) utilisera une définition commune des impôts couverts et une base d’imposition déterminée par référence au résultat comptable (avec des ajustements correspondants aux objectifs de politique fiscale poursuivis par le pilier deux et des mécanismes afin de remédier aux différences temporelles).

Bien que la Déclaration reconnaisse la nécessité de clarifier les liens entre les règles GloBE et le régime GILTI des États-Unis, les détails concernant la manière dont les règles coexisteront restent en suspens. Ces détails sont nécessaires pour régler des questions importantes telles que la détermination du régime qui aura la priorité, par exemple, lorsqu’une filiale faiblement imposée est détenue par une société américaine qui, à son tour, est détenue par une société dans une juridiction qui adopte le pilier deux.

Prochaines étapes

Jusqu’à très récemment, il semblait peu probable de parvenir à un consensus mondial sur l’approche à deux piliers de l’OCDE pour la réforme fiscale internationale. Toutefois, la nouvelle administration américaine a relancé les négociations et semble privilégier la conclusion d’un accord multilatéral fondé sur le consensus – plutôt que de menacer les autres pays avec des droits de douane et des guerres commerciales. Bien que de nombreuses questions techniques et certains obstacles politiques subsistent, l’OCDE et le G20 chercheront à trouver un accord entre tous les membres du Cadre inclusif de l’OCDE et du G20 (composé de 139 pays) d’ici octobre 2021. La Déclaration fixe également l’objectif ambitieux d’une date d’entrée en vigueur en 2023 pour les piliers un et deux. 

Les EMN doivent examiner attentivement les principaux éléments de conception convenus dans la Déclaration afin d’établir comment les propositions toucheront leurs entreprises, y compris la question de savoir si des exonérations ou des limites de taille sectorielles pourraient s’appliquer.

Pour plus de renseignements sur ces propositions fiscales internationales, n’hésitez pas à communiquer avec un membre du groupe de droit fiscal d’Osler.