Auteurs(trice)
Associée, Droit du travail et de l'emploi, Ottawa
Sociétaire, Droit du travail et de l’emploi, Calgary
Sociétaire, Droit du travail et de l'emploi, Vancouver
Sociétaire, Litiges, Toronto
Sociétaire, Droit du travail et de l’emploi, Toronto
Sociétaire, Droit du travail et de l'emploi, Toronto
Sociétaire, Régimes de retraite et avantages sociaux, Toronto
Sociétaire, Droit du travail et de l’emploi, Toronto
Comme nous l’avions prévu l’année dernière, en 2022, de nombreux employeurs ont concentré leur énergie et leur attention sur la gestion du retour permanent de leurs employés sur leur lieu de travail. Ce phénomène a amené les employeurs à revoir leurs politiques de vaccination existantes ou à envisager de mettre en œuvre de nouvelles politiques. Cette année, heureusement, nous avons assisté à certaines des premières décisions de juges et d’arbitres canadiens concernant les politiques de vaccination obligatoire.
Par ailleurs, les gouvernements provinciaux, plus particulièrement ceux de l’Ontario et de la Colombie-Britannique, ont continué à apporter des changements substantiels à la législation du travail pour les employeurs sous réglementation provinciale. Il s’agit notamment de l’introduction des nouvelles exigences de la politique de « déconnexion du travail » et de « contrôle électronique » pour les employeurs de l’Ontario, ainsi que de l’expansion du congé de maladie payé en Colombie-Britannique.
Où en sont les politiques de vaccination?
La COVID-19 et les problèmes liés à la pandémie ont continué à susciter de nombreux défis pour les employeurs tout au long de l’année 2022. En 2021, de nombreux employeurs, aussi bien dans les milieux de travail syndiqués que non syndiqués, ont introduit des politiques de vaccination obligatoire. En 2022, les premiers litiges concernant la force exécutoire de telles politiques ont été portés devant des juges et des arbitres canadiens.
De manière générale, les premières décisions annoncent de bonnes nouvelles pour les employeurs ayant mis en place des politiques de vaccination obligatoire. Les tribunaux et les arbitres ont principalement conclu que les politiques de vaccination obligatoire en question étaient exécutoires, à condition que ces politiques aient été raisonnables au moment où elles ont été mises en place.
L’article traite de certains des principaux cas de politiques de vaccination obligatoire de 2022, dont les décisions ont été prises en relation avec des milieux de travail syndiqués et non syndiqués.
Litiges liés à la vaccination dans des milieux de travail non syndiqués
Trois affaires importantes sont survenues dans le cadre de milieux de travail non syndiqués – Parmar, Costa et Graham.
Parmar
Dans l’affaire Parmar c. Tribe Management Inc. (Parmar) (en anglais seulement), la Cour suprême de la Colombie-Britannique a rejeté une demande pour congédiement déguisé, déposée par une employée au service de l’entreprise depuis longtemps, qui avait été mise en congé sans solde après avoir omis de se conformer à la politique de vaccination obligatoire de l’employeur.
La décision de la Cour a porté sur le caractère raisonnable de la politique de vaccination obligatoire, compte tenu de ce que l’on savait de la COVID-19 au moment de la mise en œuvre de cette politique et de l’obligation de l’employeur de protéger la santé et la sécurité de ses employés et de ses clients. Parmi les clients de l’employeur figuraient notamment des milliers de résidents de propriétés auxquels il fournissait des services de gestion immobilière. La Cour a estimé que l’employeur avait correctement concilié les préoccupations individuelles des employés, telles que le droit à l’intégrité physique, par rapport aux obligations primordiales concernant la sécurité.
Fait important dans l’affaire Parmar, la Cour a estimé que l’adoption d’une politique ayant une incidence sur l’intégrité physique d’un(e) employé(e) constituait une mesure extraordinaire. Toutefois, dans le cadre des défis extraordinaires posés par la COVID-19, la politique de l’employeur était raisonnable compte tenu des circonstances. La Cour a reconnu que ces politiques n’obligent finalement pas l’employé(e) à se faire vacciner, mais qu’elles lui demandent plutôt de choisir entre se faire vacciner et continuer à travailler, ou rester non vacciné(e) et perdre ses revenus d’emploi.
Pour une analyse plus approfondie de l’affaire Parmar, veuillez consulter notre bulletin d’actualités Osler du 4 octobre 2022.
Costa et Graham
Si l’affaire Parmar a permis d’envisager pour la première fois une politique de vaccination obligatoire dans un milieu de travail non syndiqué, deux autres décisions rendues en dehors du cadre de l’emploi pourraient intéresser particulièrement les employeurs et s’appliquer à de futures affaires portant sur des questions d’emploi.
Dans l’affaire Costa et autres c. Collège Seneca D’arts Appliqués Et De Technologie (Costa) (en anglais seulement), plusieurs étudiants ont demandé une injonction pour empêcher le Collège Seneca d’appliquer sa politique de vaccination obligatoire. Les étudiants ont fait valoir que le vaccin qu’ils devaient recevoir était conçu pour cibler la souche originale de la COVID-19 et qu’il aurait peu d’efficacité contre des souches sensiblement différentes, comme Omicron.
La Cour supérieure de justice de l’Ontario a rejeté cette position, privilégiant la preuve d’expert de Seneca selon laquelle, même si les vaccins en question étaient moins efficaces contre la souche Omicron qu’ils ne l’étaient contre la souche originale, les vaccins actuels conservaient des avantages préventifs importants même contre la souche Omicron. Ainsi, il a été constaté que les vaccins prévenaient l’infection chez un fort pourcentage de personnes et qu’ils réduisaient considérablement le risque et l’impact du virus, en cas de contagion, chez la grande majorité des patients vaccinés.
Bien que l’affaire Costa faisait intervenir des étudiants et non des employés, elle peut néanmoins constituer un précédent utile pour les employeurs qui poursuivent la défense de leurs politiques de vaccination contre la COVID-19.
De la même manière, dans l’affaire Graham c. Université de Toronto (Graham) (en anglais seulement), le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario a rejeté la requête d’un professeur de l’Université de Toronto qui alléguait que l’application de la politique de vaccination obligatoire de l’Université entraînait une discrimination fondée sur la croyance – plus précisément, les convictions du requérant en matière de « liberté universitaire, de consentement éclairé et d’autonomie personnelle ». Bien que cette affaire ait été défendue sur la base de la discrimination à l’égard des biens et services plutôt que celle de l’emploi, l’analyse du Tribunal visant à déterminer si les convictions du requérant correspondaient à la notion de « croyance » aux fins du Code des droits de la personne pourrait s’avérer utile pour les employeurs.
Dans sa décision, le Tribunal a expressément adopté la Politique de la Commission ontarienne des droits de la personne visant à prévenir la discrimination fondée sur la croyance, qui recommande des caractéristiques à prendre en compte pour déterminer si un système de convictions constitue une croyance en vertu du Code des droits de la personne. En appliquant la Politique de la Commission, le Tribunal a conclu que, même en acceptant que les convictions du requérant puissent être sincères, libres et profondes, ses convictions ne pouvaient être considérées comme une croyance parce qu’elles manquaient composantes systémiques générales, n’abordaient pas la question de l’existence humaine ou celle d’un Créateur, n’envisageaient pas la vie et la mort, et n’avaient aucun lien avec une organisation ou une communauté partageant un système de convictions.
Litiges liés à la vaccination dans des milieux de travail syndiqués
Avant d’examiner les conclusions dans les affaires portant sur des milieux de travail syndiqués, il est important de garder à l’esprit que les syndicats disposent d’un droit bien reconnu de contester le caractère raisonnable de la politique d’un employeur. Quant aux employés non syndiqués, ils ne disposent pas d’un droit indépendant équivalent. Trois décisions importantes – Bunge, Toronto District School Board et Coca Cola – portent sur les politiques de vaccination dans les milieux syndiqués.
Bunge
Dans l’affaire Bunge Hamilton Canada, Hamilton, Ontario c. Travailleurs Unis de l’Alimentation et du Commerce Canada, section locale 175 (en anglais seulement), l’arbitre Herman a tranché l’un des premiers griefs de principe concernant le caractère raisonnable d’une politique de vaccination obligatoire dans un milieu syndiqué. Le lieu de travail comprenait deux sites distincts néanmoins rattachés – un site nord, situé au sein de l’Administration portuaire de Hamilton-Oshawa (HOPA) et un site sud, situé de l’autre côté de la rue, mais hors du contrôle de l’HOPA. L’HOPA, en tant que membre de Transports Canada, exigeait que ses locataires et les employés de ses locataires soient entièrement vaccinés. Face à cette situation, l’employeur a instauré une politique de vaccination obligatoire pour les employés des deux établissements, exigeant de ses employés qu’ils attestent auprès de l’HOPA de leur vaccination complète. Les employés qui refusaient d’attester de leur vaccination complète ou de se faire vacciner étaient placés en congé sans solde. Le syndicat a contesté l’imposition de la politique sur les deux sites, en faisant valoir que l’employeur ne pouvait pas justifier la mise en œuvre de la politique sur le site sud – situé à l’extérieur des territoires de compétence de l’HOPA et de Transports Canada.
L’arbitre Herman a conclu qu’il serait déraisonnable d’entraver les activités de l’employeur en imposant des exigences de vaccination distinctes aux employés des deux sites. En outre, l’arbitre a estimé que le fait de placer les employés non vaccinés en isolement sur le site sud violerait les dispositions de la convention collective entre les parties, en ce qui concerne l’affichage des emplois, les mutations et les droits d’ancienneté. Finalement, l’arbitre Herman a conclu que la politique de vaccination obligatoire de l’employeur était raisonnable, estimant que les droits à la vie privée des employés étaient largement compensés par l’intrusion minimale dans ces droits et par les « énormes intérêts de santé et de sécurité publique en cause ».
Cette décision est importante en raison de la prise en compte considérable par l’arbitre des graves préoccupations en matière de santé publique et de sécurité sur le lieu de travail. Il est intéressant de noter que l’arbitre a semblé prendre ces considérations comme étant évidentes et de notoriété publique, et n’a pas exigé de preuve d’expert pour démontrer la gravité de la pandémie de COVID-19.
Toronto District School Board
Dans l’affaire Toronto District School Board c. SCFP, section locale 4400 (en anglais seulement), l’arbitre Kaplan a conclu que la politique de vaccination obligatoire du conseil scolaire constituait une pratique raisonnable des droits de la direction. La décision reposait notamment sur l’évaluation par l’arbitre Kaplan de preuves d’experts contradictoires concernant la question de savoir si l’employeur devait être tenu de fournir des tests rapides antigéniques (TRA) comme solution de rechange à la vaccination dans le cadre de la politique de vaccination obligatoire. L’expert médical du syndicat, tout en étant favorable à la vaccination, a fait valoir que les TRA constituaient une option très efficace et comparable à la vaccination. L’expert de l’employeur avait une vision moins optimiste de l’efficacité des TRA, soulignant leur manque de fiabilité, la facilité avec laquelle un programme de dépistage peut être subverti et le potentiel élevé d’erreur de l’utilisateur.
L’arbitre Kaplan a privilégié le témoignage de l’expert de l’employeur et a conclu que la vaccination obligatoire était préférable à l’utilisation des TRA, car elle offre un niveau de protection plus élevé contre la transmission de la COVID-19 pour le personnel et les étudiants de l’employeur. Par ailleurs, l’arbitre a conclu que les tests rapides ne devraient être utilisés qu’en cas de nécessité absolue, comme pour faciliter les dérogations importantes et dûment justifiées à la politique.
Coca-Cola
Dans l’affaire Coca-Cola Canada Bottling inc. c. Teamsters, section locale 213 (en anglais seulement), l’arbitre Noonan a examiné une politique de vaccination obligatoire mise en œuvre par l’employeur après avoir connu de graves éclosions de COVID-19 dans l’ensemble de ses activités d’embouteillage nationales. L’arbitre Noonan a finalement conclu que la mise en œuvre de la politique constituait une pratique raisonnable des droits de la direction de l’employeur.
L’arbitre Noonan a accordé beaucoup d’importance à l’obligation légale de l’employeur de garantir un environnement de travail sûr en prenant toutes les précautions raisonnables compte tenu des circonstances. Le principe de précaution, par opposition à une méthode réactive, était raisonnable face à la pandémie sans précédent de COVID-19. L’arbitre Noonan a donné raison à l’employeur, estimant que les employeurs ne devraient pas avoir à attendre que les conséquences négatives de la COVID-19 soient clairement apparentes avant de mettre en œuvre une politique appropriée pour contrer la propagation du virus.
L’arbitre Noonan a en outre conclu qu’il était raisonnable pour l’employeur de suivre les directives des autorités de santé publique dans la mise en œuvre de sa politique. À ce moment-là, les directives des autorités de santé publique indiquaient que la vaccination était la principale protection contre la propagation des variants de la COVID-19, et contre les risques de maladie grave ou de décès pour les personnes ayant contracté la maladie. Le fait de confirmer qu’il est raisonnable pour un employeur de se fier aux directives des autorités de santé publique est particulièrement utile et rassurant pour les employeurs qui ont suivi ces conseils et les ont appliqués en réponse à la COVID-19, notamment en mettant en œuvre une politique de vaccination obligatoire.
De nombreuses modifications législatives promulguées en 2022
Ontario
Comme nous l’avons mentionné l’an dernier, l’Assemblée législative de l’Ontario a adopté en 2021 le projet de loi 27, intitulé Loi visant à œuvrer pour les travailleurs (projet de loi 27), qui modifie la législation relative à l’emploi, notamment la Loi de 2000 sur les normes d’emploi (LNE Ontario) et la Loi sur la santé et la sécurité au travail (LSST), afin de rendre obligatoire des politiques de déconnexion du travail. Plus précisément, le projet de loi 27 a modifié la LNE de l’Ontario pour introduire une nouvelle exigence pour certains employeurs de l’Ontario, à savoir l’obligation d’avoir une politique écrite sur la déconnexion du travail. Compte tenu de la manière dont ce sujet a été abordé par certains médias, une certaine confusion a régné parmi les employeurs quant à savoir si cette exigence crée un « droit à la déconnexion » pour les employés. Cette politique ne crée pas un tel droit. Comme l’a précisé le ministère du Travail dans ses directives publiées en 2022, les employeurs ne sont pas tenus d’avoir une politique qui prévoit un nouveau droit pour les employés de se déconnecter du travail. Au contraire, cette nouvelle exigence ne fait que renforcer les droits existants en vertu de la LNE de l’Ontario. La Loi de 2000 sur les normes d’emploi de l’Ontario n’exige pas que la politique contienne un contenu précis. Le contenu d’une politique de déconnexion du travail est déterminé par l’employeur.
Au cours de cette année, le gouvernement de l’Ontario a continué d’apporter des modifications législatives et a adopté le projet de loi 88 [PDF], Loi de 2022 visant à œuvrer pour les travailleurs (projet de loi 88). Le projet de loi 88 qui a reçu la sanction royale le 11 avril 2022 modifie de nouveau la LNE de l’Ontario et la LSST. Le projet de loi 88 comportait un certain nombre de nouvelles dispositions législatives, notamment des exigences en matière de politiques de surveillance électronique, de nouveaux droits pour les travailleurs des plateformes numériques et l’exclusion des conseillers de la LNE de l’Ontario.
Depuis le 11 octobre 2022, la LNE de l’Ontario exige désormais que les employeurs de l’Ontario comptant au moins 25 employés disposent d’une politique écrite sur la surveillance électronique des employés. Le ministère du Travail a publié des directives sur la nouvelle exigence d’avoir une politique écrite de surveillance électronique écrite, qui précise que le but de cette exigence ne consiste pas à créer de nouveaux droits à la vie privée des employés ni le droit de ne pas faire l’objet d’une surveillance électronique. Pour obtenir des précisions sur les mesures que les employeurs doivent prendre pour se conformer à cette nouvelle exigence, veuillez consulter notre bulletin d’actualités Osler.
Le projet de loi 88 a également promulgué la Loi de 2022 sur les droits des travailleurs des plateformes numériques. Cette nouvelle législation établit certains droits pour les travailleurs qui fournissent un travail facilité par le biais d’une plateforme, comme le covoiturage, les livraisons ou le travail de coursier, indépendamment du fait que le travailleur soit qualifié d’employé ou d’entrepreneur. Parmi ces droits figurent notamment le droit à un salaire minimum et l’obligation de fournir un préavis et un motif pour le retrait du travailleur de la plateforme numérique. Vous trouverez des détails supplémentaires sur les principaux changements dans notre bulletin d’actualités Osler.
Dès le 1er janvier 2023, les « conseillers en affaires » et les « conseillers en technologie de l’information » seront expressément exclus de l’application de la LNE de l’Ontario s’ils remplissent des conditions prescrites, notamment lorsqu’ils sont rémunérés à un taux de base d’au moins 60 $ l’heure conformément à une entente de consultation écrite. Les personnes qui relèvent de l’une ou l’autre de ces nouvelles catégories de conseillers, comme définies dans la LNE de l’Ontario, n’ont pas droit aux normes minimales ni aux protections prévues par la loi. La modification en soi ne touche pas nécessairement les droits des conseillers en common law, notamment le droit à un préavis raisonnable de cessation d’emploi s’il s’avère que ceux-ci sont des employés.
Outre les changements dont il a déjà été question, le projet de loi 88 a apporté un certain nombre de modifications à la LSST, notamment une augmentation des amendes pour les infractions à la santé et à la sécurité au travail et des exigences relatives aux trousses de naloxone dans les lieux de travail présentant des risques élevés.
Avant le projet de loi 88, les administrateurs, dirigeants et particuliers pouvaient se voir imposer une amende maximale de 100 000 $ pour des infractions à la LSST. Conformément au projet de loi 88, l’amende maximale pour les administrateurs et dirigeants a été augmentée à 1 500 000 $ et l’amende pour les particuliers a été portée à 500 000 $. Selon le gouvernement de l’Ontario, il s’agit des « amendes les plus élevées au Canada pour les entreprises qui ne respectent pas les lois sur la santé et la sécurité au travail ».
Par ailleurs, le projet de loi 88 a créé une nouvelle exigence de la LSST obligeant les employeurs à mettre à disposition des trousses de naloxone dans tout lieu de travail où l’employeur a connaissance, ou devrait raisonnablement avoir connaissance qu’il existe un risque qu’un travailleur subisse une surdose d’opioïdes. Selon l’annonce du gouvernement de l’Ontario, le but de cette nouvelle règle est, en partie, « d’aider à réduire la stigmatisation entourant l’abus d’opioïdes, de sensibiliser aux risques de surdoses accidentelles, et potentiellement de sauver des centaines de vies chaque année ». Le gouvernement de l’Ontario a suggéré que ces milieux de travail pourraient notamment inclure des chantiers de construction, des bars et des discothèques, mais les employeurs devront procéder à leur propre évaluation du risque de surdose d’opioïdes au sein de leur milieu de travail. Le projet de loi 88 exige également que les employeurs dispensent une formation visant à reconnaître une surdose d’opioïdes, à administrer de la naloxone et à comprendre les dangers liés à l’administration de cette substance.
Colombie-Britannique
Le projet de loi 13 (en anglais seulement) intitulé Employment Standards Amendment Act (No 2.), 2021 [Loi de 2021 modifiant la Loi sur les normes d’emploi (n° 2.)], a reçu la sanction royale le 11 mai 2021, et les dispositions relatives aux congés de maladie payés contenues dans ce projet de loi sont entrées en vigueur le 1er janvier 2022. Le projet de loi 13 et le décret 637/2021 (en anglais seulement) qui en découle ont modifié l’Employment Standards Act (Colombie-Britannique) et ses règlements afin de remplacer le régime de congés de maladie dans le cadre de la COVID-19 par un congé permanent pour raisons personnelles payé en cas de maladie ou d’accident pouvant aller jusqu’à cinq jours, quelle que soit la maladie. Cette modification fait augmenter le nombre de jours de congés disponibles par rapport aux trois jours payés liés à la COVID-19 qui étaient auparavant obligatoires.
Cette nouvelle exigence est imposée à tous les employeurs, sauf s’il existe une convention collective qui répond à ces exigences minimales en matière de congés de maladie, ainsi que l’obligation pour l’employeur de verser à l’employé son plein salaire pour les cinq jours de maladie prévus par la loi. En vertu de la modification des normes d’emploi de la Colombie-Britannique, les employés sont également autorisés à prendre trois jours de congés de maladie non payés supplémentaires en plus des jours de congés de maladie payés.
Les employeurs devraient revoir leurs contrats d’emploi et leurs politiques de congés de maladie pour les employés de la Colombie-Britannique, afin de s’assurer qu’ils sont conformes aux nouvelles exigences en matière de congés de maladie. Pour une analyse plus approfondie de ce projet de loi et de ses répercussions sur les employeurs, veuillez consulter notre bulletin d’actualités Osler.
Québec
En mai 2022, le gouvernement du Québec a adopté le projet de loi 96, une Loi concernant le français, langue officielle et commune du Québec, qui a introduit de nouvelles exigences linguistiques en français dans cette province et de nouveaux droits pour les employés établis au Québec. En ce qui a trait à l’emploi, le projet de loi 96 impose de nouvelles obligations aux employeurs en matière d’affichage d’emplois, d’ententes et de communications écrites avec les employés. Le projet de loi prévoit également plusieurs nouveaux droits et protections pour les employés établis au Québec, notamment un régime d’application de la loi beaucoup plus stricte et des droits d’action privés. Les détails du projet de loi 96 se trouvent dans notre article, Le Québec apporte de grandes modifications à sa loi sur la langue française.
Les décisions importantes de 2022
Les tribunaux de plusieurs territoires ont également rendu un certain nombre de décisions clés en matière d’emploi au cours de l’année 2022.
Ontario
En Ontario, les tribunaux ont continué d’écarter les dispositions relatives à la cessation d’emploi et d’accorder des dommages-intérêts plus élevés à l’égard d’un manquement aux obligations de cessation d’emploi.
Dans l’affaire Maynard c. Johnson Controls Canada (en anglais seulement), un tribunal ontarien a refusé d’appliquer les conditions d’un programme d’incitation au rendement dans le cadre du congédiement d’un employé. Le programme d’incitation au rendement présentait l’avantage d’empêcher les employés congédiés de recevoir la valeur de leurs unités d’action temporairement incessibles, lesquelles auraient été acquises pendant leur période de préavis contractuelle. Dans sa décision, le tribunal a déclaré qu’il était nécessaire de porter les dispositions relatives à la déchéance à l’attention des employés, pour que de telles conditions deviennent partie intégrante du contrat d’emploi. Le tribunal a par ailleurs estimé que la disposition de cessation d’emploi était équivoque (et donc non opposable) puisqu’un comité conservait le pouvoir discrétionnaire de renoncer à de telles dispositions.
Colombie-Britannique
Dans l’affaire Shalagin c. Mercer Celgar Limited Partnership (en anglais seulement), un juge de la Cour suprême de la Colombie-Britannique a statué qu’un employeur disposait de motifs légitimes pour congédier un employé qui, pendant un certain nombre d’années, avait effectué divers enregistrements secrets de collègues de travail. Cette évaluation n’exige pas que la conduite en question soit illégale, mais plutôt que l’on détermine si une telle conduite porte fondamentalement préjudice à la confiance qui constitue le cœur d’une relation d’emploi.
Alberta
En Alberta, plusieurs décisions ont porté sur un certain nombre de dossiers relatifs à l’emploi, notamment des conclusions selon lesquelles un congé sans solde obligatoire pour refus de port d’un masque ne constitue pas un congédiement déguisé, que les employés sont tenus d’agir rapidement face à un congédiement déguisé et qu’une disposition de cessation d’emploi ambiguë prévoyant un préavis de 60 jours « ou plus » ne limite pas les droits prévus par la common law.
Dans l’affaire Benke c. Les Compagnies Loblaw Limitée (en anglais seulement), le juge Colin Feasby, un ancien d’Osler, a statué qu’un employé n’avait pas été congédié de manière déguisée lorsqu’il avait été mis en congé sans solde pour avoir refusé de porter un masque au travail. En 2020, en raison de la pandémie de COVID-19, l’employeur a adopté une politique de port du masque obligatoire pour les employés et les clients dans tous ses magasins au Canada. Le juge Feasby a conclu que le fait d’imposer cette politique ne constituait pas un changement substantiel pour le travail de l’employé ni une violation du contrat d’emploi. Le juge Feasby a en outre conclu que l’employé avait volontairement choisi, en fonction de ses préférences personnelles, de ne pas porter de masque au travail et que l’employeur avait agi raisonnablement en plaçant l’employé en congé sans solde.
Avec cette décision, c’est l’une des premières fois qu’un congé sans solde pour non-respect d’une mesure de sécurité liée à la COVID-19 a été porté devant les tribunaux. Cette décision crée un solide précédent pour les employeurs qui ont recours à des congés sans solde en raison de l’inobservation de leurs politiques en matière de port de masques. Dans cette affaire, l’employé n’a pas été en mesure de démontrer que son non-respect de la politique était lié à une caractéristique protégée par la législation sur les droits de la personne, ce qui signifiait qu’aucune mesure d’accommodement n’était nécessaire.
Dans l’affaire Kosteckyj c. Paramount Resources Ltd. (en anglais seulement), la Cour d’appel de l’Alberta a conclu que les employés doivent s’opposer en temps opportun à ce que leur employeur décrète une réduction unilatérale de la rémunération, afin de préserver leur droit d’intenter une action pour congédiement déguisé. Dans cette affaire, l’employé a continué à travailler sans objection après que l’employeur lui ait imposé une réduction de 10 % de sa rémunération. Il a mis plusieurs mois avant d’intenter une action contre son employeur. La Cour a conclu que l’employé avait consenti au changement et avait renoncé à poursuivre en justice pour congédiement déguisé.
Dans sa décision, le juge Wakeling a qualifié l’employé dans cette affaire comme étant « un ingénieur professionnel et une personne en bonne santé, compétente et bien informée ». Il a déclaré que l’employé disposait de 10 jours pour contester la réduction de sa rémunération. À défaut, l’employé serait présumé avoir consenti au changement. Les employés moins bien informés sont censés faire opposition dans les 15 jours. Ces différents délais constituent ensemble un nouveau critère de démarcation nette pour déterminer à quel moment un employé est censé consentir à une réduction unilatérale de sa rémunération.
Dans l’affaire Bryant c. Parkland School Division (en anglais seulement), la Cour d’appel de l’Alberta a statué qu’un contrat d’emploi qui accordait à l’employeur le droit de mettre fin à l’emploi de son employé avec un préavis écrit de 60 jours « ou plus » était ambigu, et ne pouvait être invoqué pour restreindre les droits prévus par la common law. La majorité de la Cour a estimé que si le contrat avait fixé la période de préavis à 60 jours seulement, celui-ci aurait été opposable et aurait empêché les employés de recevoir un préavis conforme à la common law. Dans sa décision, la Cour d’appel de l’Alberta a rappelé le principe de longue date, selon lequel les contrats d’emploi sont présumés contenir une clause implicite obligeant l’employeur à fournir un préavis de cessation d’emploi en vertu de la common law (ou une indemnité de remplacement) en cas de congédiement sans motif valable, présomption qui ne peut être réfutée que par un « langage clair et sans ambiguïté ».
Nous pensons que ces évolutions importantes survenues en 2022 dans le domaine du droit du travail et de l’emploi continueront d’entraîner des répercussions significatives en 2023 et au-delà.