Accord de libre-échange entre le Canada et l’ANASE : Mise à jour de l’état d’avancement

12 Juin 2023 7 MIN DE LECTURE

Les perturbations des chaînes d’approvisionnement et les chocs géopolitiques résultant de la pandémie, l’invasion de l’Ukraine par la Russie et l’évolution de la position de nombreux pays à l’égard de la Chine ont introduit un degré élevé d’incertitude dans l’économie mondiale. Dans ce contexte, les consommateurs et les entreprises du monde entier recherchent la stabilité dans leurs chaînes d’approvisionnement. Ces nouvelles dynamiques politiques et logistiques créent des opportunités, et certains gouvernements (dont celui du Canada) y répondent en rééquilibrant leurs relations commerciales.

Dans le cadre de ce rééquilibrage, le Canada a entamé des négociations en vue d’un accord de libre-échange avec l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) à la fin de 2021, dans le but de tirer parti des principaux atouts du Canada en tant que nation commerçante et de consolider les relations commerciales entre le Canada et un bloc de pays en croissance rapide et de plus en plus important sur le plan stratégique. L’augmentation de la population et l’urbanisation en cours dans la région de l’ANASE, combinées aux retombées de la pandémie de COVID-19 et à d’autres défis mondiaux, augmentent la demande régionale en denrées alimentaires et en énergie. Un accord de libre-échange solide pourrait s’avérer particulièrement important pour les producteurs canadiens de produits de base, notamment de denrées alimentaires, de carburants et d’engrais. À l’approche du quatrième cycle de négociations, le présent bulletin fournit aux entreprises des informations sur les relations entre le Canada et l’ANASE, sur l’état des négociations et sur ce qu’il faut surveiller à l’avenir.

Qu’est-ce que l’ANASE?

L’ANASE a été créée en 1967 par ses cinq États membres fondateurs : l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, Singapour et la Thaïlande. Au fil des ans, l’ANASE s’est élargie et s’est concentrée sur la promotion de l’intégration régionale et de la croissance économique. Outre ses cinq membres initiaux, le groupe intergouvernemental comprend désormais le Brunéi Darussalam (à partir de juillet 2023), le Cambodge, la République démocratique populaire lao (Laos), le Myanmar et le Vietnam. À l’heure actuelle, les États membres de l’organisation comptent plus de 660 millions d’habitants.

Une population jeune et croissante a préparé la région à une forte croissance économique. Le taux de croissance démographique moyen des membres de l’ANASE est de 0,8 % par an, ce qui équivaut à peu près au taux de croissance démographique récent de l’Inde. Collectivement, les membres de l’ANASE ont un PIB de plus de 3,3 billions de dollars américains, ce qui fait du bloc la cinquième plus grande économie du monde, et des estimations récentes de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) suggèrent que les 10 économies de l’ANASE croîtront à un rythme de plus de 4,5 % par an en 2024 et en 2025. Ce rythme de croissance soutenu s’est traduit par une classe de consommateurs en pleine expansion. Trois des cinq marchés de consommation à la croissance la plus rapide au monde sont des membres de l’ANASE.

Relations du Canada avec l’ANASE 

Le Canada entretient des relations diplomatiques, économiques et interpersonnelles solides avec l’ANASE et bon nombre de ses États membres. Les relations du Canada avec l’ANASE remontent à 1976, date à laquelle il est devenu un « partenaire de dialogue » du bloc. L’engagement du Canada auprès de l’ANASE et de ses États membres s’est approfondi à mesure que la région gagnait en importance économique et stratégique. En 2022, le Canada a annoncé qu’il chercherait à renforcer cette relation en devenant un partenaire stratégique du bloc.

L’ANASE est appelée à jouer un rôle clé dans la politique étrangère future du Canada, comme le souligne la Stratégie pour l’Indo-Pacifique (SIP) du gouvernement fédéral, lancée au début de l’année. Le rôle de l’ANASE en tant que partenaire stratégique et commercial est au cœur de la SIP, et les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire sont considérés comme des secteurs prioritaires pour le développement. Depuis plus de dix ans, le commerce agricole et agroalimentaire du Canada avec les membres de l’ANASE a progressé à un rythme annuel supérieur à 7 %, et cette croissance est restée soutenue même pendant la pandémie.

Toutefois, une modélisation de l’Institut C.D. Howe a révélé que les exportations vers les pays de l’ANASE devraient être encore plus élevées, et qu’un accord de libre-échange peut contribuer à alimenter le commerce. L’augmentation de la base de consommateurs de l’ANASE et les changements dans les préférences des consommateurs qui accompagnent des niveaux de revenus supérieurs devraient encore accroître la demande de produits canadiens.

Les instruments juridiques tels que les accords de libre-échange sont des outils importants pour faire progresser les objectifs du Canada en matière de renforcement d’un ordre international fondé sur des règles, tout en permettant de diversifier les marchés d’exportation. Outre les négociations d’un accord de libre-échange avec l’ANASE, le gouvernement fédéral s’est également engagé à réaliser une série d’investissements pour contribuer à l’établissement de liens commerciaux plus solides, plus efficaces et plus résistants entre les producteurs canadiens et les marchés de l’Asie du Sud-Est. Un accord de libre-échange avec l’ANASE viendrait également compléter les efforts déployés par le Canada pour conclure un accord de libre-échange bilatéral avec l’Indonésie.

État actuel des négociations 

Le 20e dialogue ANASE-Canada s’est achevé à Kuala Lumpur à la fin du mois de mai, les deux parties réaffirmant leur volonté de « [Traduction libre] porter le partenariat à un nouveau niveau ». Outre ces dialogues réguliers, les négociateurs de l’ANASE et du Canada ont organisé des réunions de négociation régulières. Les négociateurs en chef se sont réunis en avril, et un cinquième cycle devrait commencer au début de l’automne.

Les négociations de libre-échange sont complexes, et la combinaison d’économies avancées et émergentes de l’ANASE représente un défi unique. L’intention du Canada d’inclure des dispositions relatives aux droits des travailleurs, à la protection de l’environnement et à l’égalité des sexes pourrait être plus difficile à faire accepter par certains membres de l’ANASE.

C’est pourquoi, parallèlement aux négociations en cours avec l’ANASE en tant que bloc, des responsables canadiens, dont la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, ont rencontré des dirigeants de pays de l’ANASE afin de renforcer le soutien en faveur d’un accord. La capacité du Canada à trouver des partisans convaincus de l’accord au sein du bloc sera importante pour la réussite des négociations. Certains commentateurs ont également suggéré que le Canada suive une voie similaire, « échelonnée », à celle de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande lors de leurs négociations avec l’ANASE : un accord de libre-échange de base, substantiellement révisé et élargi au fil du temps.

À surveiller

Les parties sont en train d’élaborer un projet de texte pour certains chapitres de l’accord. La version définitive de l’accord de libre-échange entre le Canada et l’ANASE ne sera probablement pas prête avant un certain temps. Toutefois, le suivi des progrès réalisés par le Canada dans les négociations et des étapes fixées dans la SIP peut donner un aperçu des efforts déployés par le gouvernement pour approfondir les liens dans la région et ouvrir de nouvelles possibilités d’expansion des affaires et d’accès aux marchés pour les producteurs canadiens.

Les experts en droit du commerce international et du secteur de l’agroentreprise d’Osler surveillent les négociations en cours. Si vous avez des questions sur l’impact que pourrait avoir un accord de libre-échange avec l’ANASE sur votre entreprise, ou sur tout autre sujet lié aux accords commerciaux existants du Canada, veuillez communiquer avec un membre de notre équipe, qui se fera un plaisir de vous aider.