2023 : Le moment est venu de revoir la conception et la présentation de l’information concernant votre régime d’actionnariat

11 Jan 2023 15 MIN DE LECTURE

Au cours de cette année, les nouvelles règles canadiennes en matière d’information non conforme aux principes comptables généralement reconnus (PCGR) et les exigences d’inscription à la Bourse de croissance TSX (TSX-V) ont eu une incidence sur les émetteurs canadiens, en particulier ceux inscrits à la Bourse de croissance TSX-V. La réglementation américaine mise en place au cours des 12 derniers mois devrait entraîner des changements substantiels dans la conception et l’information concernant les accords de rémunération des dirigeants pour les émetteurs canadiens inscrits aux bourses américaines en 2023 et ultérieurement. Ces nouvelles règles américaines risquent éventuellement d’influencer les règles ou les pratiques canadiennes à l’avenir.

Présentation de l’information concernant la rémunération des dirigeants

Changements apportés à l’information concernant les mesures financières précises

Comme indiqué dans notre article sur les marchés financiers, cette année, le Règlement 52-112 sur l’information concernant les mesures financières non conformes aux PCGR et autres (Règlement 52-112) a commencé à influencer l’information sur la rémunération des dirigeants. Selon les règles d’information sur la rémunération des dirigeants, lorsqu’un émetteur publie des objectifs de rendement ou des éléments similaires constituant des mesures financières non conformes aux PCGR, celui-ci doit toujours expliquer comment il a calculé ces objectifs de rendement ou ces éléments similaires à partir de ses états financiers. Toutefois, bien que le Règlement 52-112 ne s’applique généralement pas à l’information sur la rémunération des dirigeants, ce texte impose désormais des exigences supplémentaires en ce qui concerne les mesures financières non conformes aux PCGR et de nouvelles exigences lors de la communication du total des mesures sectorielles et de certaines mesures de gestion du capital dans les informations sur la rémunération des dirigeants.

Les émetteurs doivent notamment s’assurer que chaque mesure financière non conforme aux PCGR est identifiée comme telle. En outre, les émetteurs doivent fournir un rapprochement quantitatif dans le format autorisé de chaque mesure financière non conforme aux PCGR avec la mesure financière qui lui est la plus directement comparable, et qui figure dans les états financiers principaux de l’émetteur (mesure conforme aux PCGR). Les émetteurs doivent également présenter chaque mesure du total des segments et chaque mesure de gestion du capital, qui n’est pas communiquée sous forme de ratio, fraction, pourcentage ou représentation similaire par rapport à sa mesure financière la plus directement comparable.

Les émetteurs qui envisagent d’ajuster une mesure financière à des fins de rémunération doivent garder à l’esprit qu’ils devront identifier la mesure financière comme étant non conforme aux PCGR et fournir un rapprochement quantitatif avec la mesure PCGR la plus proche.

Nouvelles exigences américaines en matière de présentation de l’information sur la rémunération au rendement

La réglementation américaine, longtemps retardée, rendant obligatoire l’information sur la rémunération au rendement a été publiée sous sa forme définitive. Ces règles s’appliqueront aux circulaires de procuration couvrant les exercices financiers se terminant le 16 décembre 2022 ou après cette date. Les émetteurs canadiens qui sont tenus de fournir des informations sur la rémunération des dirigeants conformément aux règles américaines, ou qui choisissent de suivre les règles américaines pour satisfaire aux exigences canadiennes en matière de présentation de l’information sur la rémunération des dirigeants, devront se conformer aux nouvelles exigences.

Comme le précise notre bulletin d’actualités Osler, les nouvelles règles exigeront la présentation de l’information sur la rémunération « réellement versée » au chef de la direction et de la rémunération moyenne « réellement versée » à tous les autres membres de la haute direction nommés sur une période de cinq ans, comparativement à certaines mesures du rendement, notamment le rendement total pour les actionnaires de l’émetteur et de ses pairs. Une présentation de l’information détaillée permettant de comparer les mesures financières et la rémunération réellement payée sera également requise. Le montant de la rémunération « réellement versée » correspondra à la rémunération totale du dirigeant selon le Tableau récapitulatif de la rémunération, ajustée en fonction d’éléments tels que la valeur actuarielle des prestations de retraite, la valeur à la date d’acquisition des attributions d’actions qui ont été acquises et la juste valeur à la fin de l’exercice des attributions d’actions non acquises.

Seuls les émetteurs canadiens qui fournissent de l’information sur la rémunération des dirigeants conformément aux règles de la Securities and Exchange Commission (SEC) des États-Unis sont tenus de se conformer à ces nouvelles règles. Néanmoins, les plus grands émetteurs canadiens qui fournissent actuellement, à titre volontaire, un tableau rétrospectif sur cinq ans pour la rémunération versée au chef de la direction pourraient envisager de modifier leur approche pour tenir compte de ces changements.

Conception visant la rémunération des dirigeants

Les émetteurs inscrits à la cote de la Bourse de croissance TSX doivent adopter de nouveaux régimes de rémunération à base de titres de participation

Le 24 novembre 2021, les changements apportés aux politiques de la TSX-V concernant la rémunération en titres sont entrés en vigueur, obligeant les émetteurs inscrits à la TSX-V à réviser leurs régimes de rémunération en titres. Les changements apportés à la politique 4.4 de la TSX-V étaient substantiels. Cette politique envisage désormais de manière explicite différents types d’attributions, comme les unités d’action incessibles et liées au rendement, les unités d’action différées et les droits à la plus-value des actions, en plus des options sur actions. Auparavant, la politique ne portait que sur les options sur actions incitatives. Compte tenu des changements apportés à la politique 4.4, il peut être plus facile, dans certains cas, pour un émetteur d’adopter un nouveau régime conforme aux nouvelles règles de la TSX-V plutôt que de modifier un régime existant.

Nouvelle déclaration de renseignements et désignation des unités d’action incessibles et des unités d’action liées au rendement, réglées en actions, comme titres non admissibles

En vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada, lorsqu’un employé exerce une option d’achat d’actions des employés et acquiert des actions, il réalise un avantage imposable lié à l’emploi. Cet avantage est égal à l’excédent de la valeur des actions au moment de l’acquisition sur le prix d’exercice payé pour les actions. Lorsque le prix d’exercice de l’option est fixé à un montant qui n’est pas inférieur à la juste valeur marchande de l’action au moment de l’octroi de l’option et que certaines autres conditions sont remplies, l’employé peut demander une déduction égale à la moitié de l’avantage imposable. C’est en raison de cette déduction que les options d’achat d’actions peuvent être imposées au taux applicable aux gains en capital.

À la suite de l’adoption du projet de loi C-30, projet de loi portant exécution de certaines dispositions du budget fédéral, la possibilité de bénéficier de la déduction est désormais soumise à une limite d’acquisition annuelle de 200 000 $ pour certaines options sur actions octroyées depuis le 1er juillet 2021. Dans les cas où les nouvelles règles s’appliquent, l’employeur peut également choisir de désigner, au moment de leur attribution, les titres sous-jacents comme « titres non admissibles ». Cette désignation empêche l’employé de réclamer la déduction à l’égard des titres non admissibles.

Les employeurs sont tenus d’aviser l’employé et l’Agence du revenu du Canada (ARC) si le titre sous-jacent est désigné comme un titre non admissible. La notification à l’employé doit être faite par écrit dans les 30 jours suivant la date d’attribution de l’option sur actions, sans qu’une forme précise de notification à l’employé ait été prescrite. La notification à l’ARC doit être faite en produisant une déclaration de renseignements à l’aide du formulaire prescrit à l’Annexe 59, au plus tard à la date d’échéance de production du constituant pour l’année d’imposition au cours de laquelle l’option sur actions a été accordée.

Lors de la table ronde de l’ARC à la Conférence fiscale internationale 2022, l’ARC a déclaré que le ministère des Finances envisage de traiter un problème potentiel dans la rédaction des règles relatives à la limite d’acquisition annuelle de 200 000 $. Dans leur version actuelle, les règles ont une portée excessive. Elles semblent viser les unités d’action incessible (UAI), les unités d’action liée au rendement (UAR) et d’autres droits sur des titres assujettis à l’article 7 de la Loi de l’impôt, car ceux-ci doivent être acquittés en actions nouvellement émises. Cependant, ces droits n’autoriseraient jamais l’employé à bénéficier de la déduction en vertu de l’alinéa 110(1)(d) de la Loi de l’impôt de l’impôt sur le revenu.

Selon l’ARC, le ministère des Finances envisage d’éventuelles mesures correctives et se penchera ultérieurement sur la question de savoir si ces titres devraient être pris en compte plus tard dans le calcul de la limite d’acquisition annuelle de 200 000 $. Entre-temps, l’ARC conseille aux employeurs d’éviter ce problème en désignant les titres sous-jacents à ces attributions comme des titres non admissibles. Par conséquent, pour le moment, les entreprises qui accordent des UAI et/ou des UAR, devant être réglées en actions nouvellement émises, devraient formellement désigner ces attributions comme des titres non admissibles. Le non-respect de cette règle pourrait réduire les disponibilités en vertu de la limite d’acquisition annuelle de 200 000 $, même si ces attributions ne sont pas admissibles à être considérées en vertu de l’alinéa 110(1)(d) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

De nouvelles règles de récupération s’appliqueront à tous les émetteurs cotés aux États-Unis

D’autres nouvelles règles de la SEC (en anglais seulement), dont la version définitive a également été publiée après un retard considérable, obligeront les bourses américaines à émettre de nouvelles exigences pour les émetteurs cotés, notamment les émetteurs cotés canadiens, afin d’adopter, de communiquer et d’appliquer de nouvelles politiques pour la récupération de la rémunération incitative des membres de la haute direction. Vous trouverez notamment des détails supplémentaires dans notre article de blogue.

Sauf exception limitée, les récupérations aux termes de la politique seront déclenchées par le retraitement des résultats financiers précédemment déclarés par l’émetteur. Si un retraitement couvert se produit, alors, quelle que soit la faute, la rémunération incitative excédentaire avant impôt, reçue par les membres de la haute direction à la suite de mesures fondées sur le retraitement des données financières, doit être récupérée. Une période rétrospective de trois ans est prévue pour déterminer si la récupération s’applique, soit les trois exercices financiers précédant la date à laquelle l’émetteur a été tenu de publier le retraitement. L’émetteur sera également tenu de déposer une copie de sa politique de récupération auprès de la SEC en tant que pièce jointe à son rapport annuel.

Si la politique de récupération est déclenchée, l’émetteur devra publier des rapports de situation concernant ses efforts de recouvrement. Les rapports doivent notamment inclure les montants dus par chaque membre de la haute direction, en poste ou anciennement nommé, dont le recouvrement n’est pas en cours, et dont les montants non recouvrés sont en souffrance depuis plus de six mois. Ces mêmes renseignements devront être déclarés pour tous les autres membres de la haute direction considérés collectivement. Les règles boursières interdiront à l’émetteur d’indemniser les membres de la haute direction contre tout recouvrement aux termes de la politique de récupération.

La SEC a choisi de ne pas apporter de changements, malgré les commentaires reçus soulignant les difficultés que les nouvelles exigences d’inscription à la cote créeront pour les émetteurs privés canadiens et étrangers. Ainsi, la rémunération incitative octroyée aux termes de régimes ou d’accords en place avant la date d’entrée en vigueur des règles d’inscription en bourse sera toujours soumise à la politique de récupération. En outre, un émetteur ne peut pas renoncer à percevoir des montants aux termes de la politique de récupération, sauf s’il peut fournir à la bourse un avis juridique indiquant que le recouvrement est illégal en vertu des lois de son territoire de constitution. Ces lois peuvent ne pas être les mêmes que celles qui régissent la relation de l’émetteur avec un membre de la haute direction. Enfin, un émetteur sera tenu de divulguer comment les montants devant être recouvrés ont été calculés.

La règle définitive de la SEC a été publiée le 28 novembre 2022. Les nouvelles normes d’inscription en bourse appliquant la règle définitive doivent être établies avant le 26 février 2023, et doivent entrer en vigueur d’ici le 28 novembre 2023. Les émetteurs auront 60 jours à compter de la date d’entrée en vigueur des nouvelles normes d’inscription à la cote pour adopter une politique de récupération conforme. Par conséquent, les émetteurs canadiens cotés sur les bourses américaines devraient adopter ou réviser les politiques de récupération au cours des prochains mois, car ils seront tenus d’avoir une telle politique en place au plus tard le 27 janvier 2024 ou peut-être même beaucoup plus tôt, dépendamment de la bourse américaine où ils sont inscrits.

Révision des règles américaines sur les régimes de cession de titres automatique (10b5-1)

Le 15 décembre 2021 et le 13 janvier 2022 [PDF] (en anglais seulement), la SEC a publié, à des fins de commentaires, des propositions de modifications à la règle 10b5-1. Cette règle permet la cession automatique d’actions aux termes d’un régime, par des personnes qui peuvent avoir accès à des informations importantes non publiques. Ces propositions prévoient notamment une période de réflexion avant que les négociations puissent commencer dans le cadre d’un régime nouveau ou modifié. Un seul plan de négociation automatique pourrait être mis en œuvre à la fois à l’égard d’une catégorie de titres. Les dirigeants et les administrateurs devraient être tenus d’attester qu’ils ne possèdent aucune information importante non publique lorsqu’ils adoptent le plan.

Les émetteurs, notamment les émetteurs privés étrangers déposant un formulaire 20-F, seraient tenus de communiquer de l’information sur leurs politiques et procédures concernant les transactions d’initié, ainsi que sur leurs pratiques concernant le calendrier des attributions d’options et la publication d’une information importante non publique. Ces propositions envisagent également l’information périodique relative à toute option octroyée dans les 14 jours suivant la publication d’un rapport périodique, d’un rapport contenant l’information importante non publique ou d’un rachat d’actions par l’émetteur.

Enfin, les propositions exigeraient également la divulgation du cours du marché des titres sous-jacents, et ce, le jour de négociation précédent et le jour de négociation suivant la divulgation de l’information importante non publique. Toutefois, cette exigence ne s’appliquerait pas aux émetteurs privés étrangers qui déposent un formulaire 20-F ni aux émetteurs canadiens du régime d’information multinational déposant un formulaire 40-F.

Même si la période de commentaires pour la règle proposée a expiré le 1er avril 2022, une règle définitive n’a pas encore été publiée.

Réévaluation de la rémunération à base de titres

L’augmentation des taux d’intérêt et la possibilité d’une récession peuvent influer sur le rendement financier et le cours des actions de nombreux émetteurs. Ainsi, les émetteurs qui ont accordé des options importantes pour répondre à des problèmes de maintien en poste ou à la suite de leur entrée en bourse au cours des dernières années peuvent constater que bon nombre de ces attributions sont sous-évaluées ou hors du cours, c’est-à-dire que la valeur de l’action est inférieure au prix d’exercice de l’option. Dans ce cas, les options ne constitueraient plus une incitation significative pour l’équipe de gestion.

Comme nous l’avons déjà mentionné, la réévaluation des options sur actions représente un véritable défi. De nombreux facteurs doivent être pris en compte lorsque l’on envisage de modifier les programmes d’options sur actions afin de résoudre le problème des options sur actions dévaluées.

Conclusion

Au cours de l’année à venir, de nombreux émetteurs, en particulier les émetteurs intercotés et les émetteurs de la TSX-V, devront envisager des changements potentiels à la conception de leurs accords de rémunération. Parallèlement, le risque d’un éventuel ralentissement économique créera de nouveaux défis. Les émetteurs devront concilier le besoin de flexibilité pour faire face aux impacts des défis économiques, avec les exigences de transparence de plus en plus élevées.