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La Cour de l’Ontario examine attentivement les dispositions relatives à la cessation d’emploi d’une employée et le manquement de l’employeur à son obligation de l’aider dans sa recherche d’emploi

27 Sep 2024 5 MIN DE LECTURE

Dans l’affaire De Castro c. Arista Homes Limited, 2024 ONSC 1035, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a été appelée à interpréter une disposition contractuelle de congédiement motivé dans le contexte d’une requête en jugement sommaire d’une ancienne employée demanderesse. La Cour a conclu que les dispositions en question dépassaient la portée de la Loi de 2000 sur les normes d’emploi. Plus particulièrement, la Cour a contesté la définition de « motif » contenue dans le contrat de travail, ainsi que la mention dans le contrat d’une violation du contrat de travail comme motif de congédiement motivé.

Cette affaire encourage les employeurs à rédiger des contrats de travail, et plus particulièrement les dispositions relatives à la cessation d’emploi, en utilisant le libellé exact de la Loi de 2000 sur les normes d’emploi, en plus d’établir une norme d’atténuation importante qui oblige un employeur à jouer un rôle actif dans le processus de recherche d’emploi des employés congédiés.

Exposé des faits

L’employeur défendeur a congédié la demanderesse le 26 octobre 2020 au plus fort de la pandémie. Au moment du congédiement, la demanderesse avait 49 ans et occupait le poste de gestionnaire d’un magasin de décoration. Elle a été employée pendant environ cinq ans et gagnait un salaire annuel de 80 000 $ (plus les avantages sociaux), majoré d’une prime annuelle de 5 000 $ au moment de son congédiement.

Questions en litige

La demanderesse a demandé un jugement sommaire, auquel le défendeur s’est opposé en invoquant l’iniquité comme motif, 

  • en faisant valoir qu’il s’agissait d’une affaire à procédure simplifiée et dans laquelle les contre-interrogatoires se rapportant aux affidavits n’étaient pas autorisés;
  • que le contrat de travail écrit de la demanderesse excluait le préavis en common law, ce qui la limitait à une indemnité de cessation d’emploi prévue par la loi;
  • que la demanderesse avait omis d’atténuer les dommages qu’elle a subis.

Décision

Sur la première question, le calendrier imposé par la Cour pour la requête prévoyait des contre-interrogatoires, nonobstant la pratique courante. Ce calendrier constituait une ordonnance exécutoire que la défenderesse a omis de porter en appel au moment de son émission.

La Cour a conclu que le libellé de la disposition relative à la cessation d’emploi en question était plus général que la Loi sur les normes d’emploi et, à tout le moins, ambigu. De plus, le défendeur n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour appuyer une conclusion selon laquelle la demanderesse a omis d’atténuer les dommages qu’elle a subis.

La Cour a accordé à la demanderesse des dommages-intérêts équivalant à huit mois de préavis raisonnable en common law (plus une évaluation de 10 % relative aux prestations perdues pendant la période de préavis).

Congédiement motivé

La demanderesse a soutenu, et la Cour en a convenu, que l’expression « la définition du motif doit comprendre » utilisée dans le contrat de travail contrevenait à la Loi sur les normes d’emploi, parce qu’elle élargissait la définition au-delà des circonstances particulières prévues dans la loi pour inclure la définition en common law.

Le défendeur a soutenu sans succès que l’affaire Sattva Capital Corp. c. Creston Moly Corp., 2014 CSC 53, militait contre une interprétation trop technique des dispositions relatives à la cessation d’emploi. La Cour a plutôt appliqué l’arrêt Sattva pour soutenir le principe selon lequel le contrat doit être lu dans son ensemble, en utilisant les termes dans leur sens ordinaire et grammatical, conformément aux circonstances que les parties connaissaient au moment de l’élaboration du contrat. Cette approche n’était pas trop technique aux yeux de la Cour.

La Cour a en outre contesté l’inclusion explicite, dans le contrat de travail, d’une violation du contrat de travail comme motif de congédiement motivé. Le défendeur a fait valoir que la violation du contrat de travail devrait être délibérée pour équivaloir à une cessation d’emploi, ce qui par ailleurs rendrait le libellé de la clause conforme à la Loi sur les normes d’emploi. La Cour a considéré des violations hypothétiques du contrat de travail pour illustrer le caractère trop général de ce motif de congédiement, notamment, par exemple, si un employé avait volontairement commencé à travailler à une date autre que celle prévue dans le contrat de travail.

Aide de l’employeur pour atténuer les dommages

La Cour a déclaré que les employeurs qui veulent soutenir qu’un ancien employé a omis d’atténuer les dommages devraient fournir une preuve d’aide à la recherche d’emploi, notamment des services d’orientation professionnelle, des pistes de postes et des lettres de recommandation. La Cour a examiné un minimum d’éléments de preuve du défendeur sous forme de plusieurs profils LinkedIn de personnes qui ont obtenu des postes pendant la période où la demanderesse était sans emploi. Fait intéressant, les éléments de preuve du défendeur ne contiennent aucune mention d’emplois ou de postes disponibles pour l’employé au moment de sa cessation d’emploi. Le défendeur a aussi mentionné le fait que le résumé de la recherche d’emploi de la demanderesse n’indiquait aucune demande avant novembre 2021 (elle a été congédiée en octobre 2020). En d’autres termes, elle n’a pas postulé un seul emploi pendant la période de préavis de huit mois demandée dans la présente instance. La demanderesse a indiqué que sa fille a reçu un diagnostic de cancer et est décédée en octobre 2021. La Cour a établi qu’il s’agit d’une circonstance raisonnable de retard dans la recherche d’emploi. La question porte sur le temps réel qu’il a fallu à la demanderesse pour se trouver un nouvel emploi, peu importe le moment du début de sa recherche d’emploi. Il est demandé à la demanderesse d’être raisonnable dans les circonstances, et non parfaite.