Auteurs(trice)
Associé, Droit du travail et de l'emploi, Calgary
Sociétaire, Droit du travail et de l’emploi, Calgary
Summer Student
Les employeurs peuvent être rassurés quant au caractère exécutoire de leurs politiques en matière de consommation de drogue et d’alcool, en particulier lorsque celles-ci sont raisonnables, claires, bien communiquées et appliquées de manière cohérente. En outre, lorsque ces politiques exigent des mesures correctives permanentes en cas de manquement (par exemple, lorsqu’un employé est soumis à des tests aléatoires par la suite), l’employé a l’obligation de coopérer. À cet égard, l’absence de coopération de la part d’un employé peut constituer un motif de licenciement.
La décision dans l’affaire Quong
Dans l’affaire Quong v. Lafarge[1], la Cour a rejeté la plainte pour licenciement injustifié déposée par un employé (Quong) et, de ce fait, est venue confirmer la décision de l’employeur (Lafarge) de procéder à un licenciement motivé.
Lafarge, qui exploite un lieu de travail où la sécurité est primordiale, a dû, à la suite d’un incident lié à la sécurité sur le lieu de travail, soumettre Quong à un test antidopage, lequel, après avoir été déclaré positif au THC, a refusé de participer au programme de prévention des abus de substances psychoactives sur le lieu de travail (le programme de prévention). Par la suite, pour le motif que Quong, qui n’avait jamais eu de problème de discipline jusqu’à ce moment-là, a refusé de participer au programme de prévention, Lafarge a procédé à son licenciement.
Soutenant que son licenciement était injustifié, Quong a fait valoir que (1) la politique de Lafarge en matière de consommation de drogue et d’alcool (la politique) n’était pas une condition de son contrat de travail, (2) le programme de prévention et les tests antidopage sur une période obligatoire de deux ans constituaient une atteinte injustifiée à la vie privée, (3) Lafarge n’avait pas agi raisonnablement et (4) Lafarge ne disposait d’aucun motif justifiant le licenciement.
Le juge Feasby a rejeté ces arguments. Au contraire, il a estimé que la politique était [traduction libre] « raisonnable, sans ambiguïté, bien publiée, appliquée de manière cohérente, et que l’employé […] connaissait ou aurait dû connaître la politique, y compris les conséquences d’un manquement »[2]. Quong avait accepté la politique en continuant à travailler sans protester, ce qui faisait de la politique une condition implicite de son contrat de travail. En outre, depuis 2012, Quong avait reçu chaque année une formation sur la politique et avait même communiqué celle-ci à d’autres employés dans le cadre de ses fonctions de surintendant.
Le juge Feasby a en outre estimé que le programme de prévention ne constituait pas une atteinte injustifiée à la vie privée puisqu’il visait à déterminer si un employé souffrait d’une dépendance nécessitant un traitement ou un accommodement. Même si Quong consommait du cannabis en dehors du lieu de travail, Lafarge a agi raisonnablement, car la politique avait pour but de promouvoir la sécurité sur le lieu de travail et de prévenir le risque d’intoxication par la drogue sur le lieu de travail. En outre, même si Quong n’avait eu aucun problème de discipline jusqu’alors, son « refus délibéré » (willful refusal) de participer au programme prévu par la politique valait répudiation de son contrat de travail.
Principaux enseignements pour les employeurs
- Le non-respect par un employé des dispositions d’une politique en matière de consommation de drogue et d’alcool peut constituer un motif de licenciement.
- Les politiques en matière de consommation de drogue et d’alcool peuvent être considérées comme une condition d’emploi même si elles ne sont pas expressément incluses dans un contrat de travail, en particulier sur les lieux de travail où la sécurité est primordiale.
- Les employeurs doivent examiner toutes les politiques qui ne sont pas expressément incluses dans le contrat de travail, afin de s’assurer qu’il n’y a pas de conflit ou d’ambiguïté entre la politique et les conditions du contrat de travail.
- Le non-respect des politiques en matière de consommation de drogue et d’alcool peut avoir de graves conséquences pour les employés. Les employeurs doivent veiller à ce que leurs politiques soient respectées et à ce que les incidents de non-respect soient consignés et traités à mesure qu’ils se produisent.
- Les employeurs doivent soigneusement planifier, contrôler et suivre la formation qu’ils donnent chaque année à leurs employés sur leurs politiques en matière de consommation de drogue et d’alcool, car les tribunaux peuvent être amenés à confirmer que ces politiques font partie des conditions d’emploi aux employés qui ont continué à occuper leur emploi sans protestation.
[1] Quong v. Lafarge, 2024 ABKB 340.
[2] Stonham v. Recycling Worx Inc,, 2023 ABKB 629, par. 60 à 65.