Blogue sur le droit de l’emploi et du travail

En route pour du changement : Le projet de loi 48 de la Colombie-Britannique fait la lumière sur l’économie à la demande

21 Mar 2024 5 MIN DE LECTURE
Auteurs(trice)
Abigail Omale

Sociétaire, Droit du travail et de l'emploi, Vancouver

Shaun Parker

Associé, Droit du travail et de l'emploi, Calgary

Matthew Li

Stagiaire en droit, Vancouver

Alors que le printemps frappe à nos portes et que de plus en plus de personnes commencent à chercher un emploi d’été, les travailleurs de l’économie à la demande et les fournisseurs de plateformes de travail à la demande doivent être conscients des modifications apportées aux lois de la Colombie-Britannique intitulées Employment Standards Act (la loi sur les normes d’emploi, ou LNE) et Workers Compensation Act (la loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, ou LATMP) à la suitede son projet de loi 48 intitulé Labour Statutes Amendment Act, 2023 (la loi modifiant les lois sur le travail, ou la Loi), qui a reçu la sanction royale le 30 novembre 2023.

La confusion règne depuis longtemps quant aux normes juridiques qui s’appliquent aux travailleurs de l’économie à la demande, y compris la question de savoir si ces travailleurs sont assujettis aux dispositions de la LNE et de la LATMP. Le projet de loi 48 tente de jeter un peu de lumière sur l’économie à la demande en définissant ces travailleurs comme des « travailleurs sur plateforme Web » (online platform workers), ce qui inclut tous les travailleurs qui acceptent et exécutent un travail prescrit par l’intermédiaire d’une plateforme Web.

À la suite des modifications apportées à la Loi, les travailleurs sur plateforme Web seront désormais considérés comme des « travailleurs » (workers) et des « employés » (employees) aux fins de la LATMP et de la LNE, respectivement. Les modifications en question auront un impact significatif sur l’économie à la demande et sur l’économie de la Colombie-Britannique en général, puisque, selon un communiqué du gouvernement, la province compte environ 11 000 chauffeurs prestataires de services de voiturage et 27 000 chauffeurs-livreurs de produits alimentaires, employés par 21 entreprises de services de voiturage et sept plateformes de livraison de produits alimentaires.

Accidents du travail et maladies professionnelles

Depuis le 30 novembre 2023, un travailleur sur plateforme Web est considéré comme un travailleur aux fins de la LATMP. Le projet de loi 48 modifie la LATMP en précisant que les travailleurs sur plateforme Web doivent être considérés comme des travailleurs aux fins de la LATMP et les exploitants sur plateforme Web, comme des employeurs. Les principales conséquences de ces modifications sont les suivantes :

  • les plateformes Web sont désormais tenues de se conformer aux exigences du régime de santé et de sécurité au travail de la Colombie-Britannique, telles que les suivantes :
    • exigences en matière d’enregistrement;
    • exigences en matière de rapports;
    • paiement de primes à WorkSafeBC;
  • un travailleur sur plateforme Web peut désormais bénéficier d’indemnités pour accident du travail, y compris des services de réadaptation pour blessures, maladies et troubles mentaux liés au travail.

Le projet de loi 48 prévoit également que le lieutenant-gouverneur peut adopter d’autres règlements applicables aux travailleurs sur plateforme Web, notamment en ce qui concerne la nature du travail qui constituera un « travail prescrit » (prescribed work).

Normes d’emploi

À l’instar des modifications apportées à la LATMP, le projet de loi 48 modifie la LNE de sorte que les travailleurs sur plateforme Web soient considérés comme des employés aux fins de la LNE et que les exploitants de ces plateformes soient considérés comme des employeurs. Toutefois, les modifications en question n’entreront en vigueur qu’après que le lieutenant-gouverneur aura adopté le règlement pertinent. Dans les lignes directrices qu’il a publiées, le gouvernement de la Colombie-Britannique précise que le règlement portera sur les points suivants :

  • Salaire minimum : création d’une norme de rémunération minimale pour que le temps qu’un travailleur consacre à la tâche cadre avec le salaire minimum de la Colombie-Britannique.
  • Dépenses : établissement d’une nouvelle norme de rémunération qui reconnaît les dépenses engagées personnellement par les travailleurs, telles que les frais liés au véhicule.
  • Protection des pourboires : interdiction pour les entreprises sur plateforme Web de retenir ou de déduire les pourboires.
  • Transparence des rémunérations : obligation pour les entreprises sur plateforme Web d’afficher de manière transparente le revenu net associé à une course proposée.
  • Transparence des destinations : obligation pour les entreprises sur plateforme Web de communiquer tous les lieux de cueillette et de livraison pour chaque course.
  • Suspensions et cessations d’emploi : obligation pour les entreprises sur plateforme Web de communiquer les motifs de la suspension ou de la désactivation du compte d’un travailleur, d’instaurer un processus d’examen et de donner un préavis écrit ou une indemnité reflétant les états de service, sauf en cas de cessation d’emploi pour cause juste et suffisante (just cause).

Dans ses lignes directrices, le gouvernement de la Colombie-Britannique a déclaré qu’il ne prévoyait pas pour l’instant d’adopter un règlement concernant les heures de travail, les heures supplémentaires, les jours fériés, les congés payés et les vacances annuelles, mais qu’il continuerait à garder un œil ouvert sur ces questions. Le projet de loi 48 modifie de manière significative le fonctionnement de l’économie à la demande, en particulier parce qu’il peut imposer aux exploitants des exigences qui n’étaient pas bien définies auparavant. Les employeurs qui exploitent de telles plateformes devraient passer en revue les modifications en question, en particulier celles apportées à la LATMP, et demander des conseils sur la manière de s’y conformer. À la date de la présente publication, on ne sait toujours pas la forme que prendra le futur règlement, qui constituera la prochaine étape majeure de l’avancement des protections des travailleurs de l’économie à la demande et, par conséquent, de l’accroissement des exigences de conformité des employeurs.