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Associé, Litiges, Toronto
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Sociétaire, Litiges, Toronto
Stagiaire en droit, Toronto
Au cours de la dernière année, la Cour divisionnaire de l’Ontario a rendu plusieurs décisions concernant des demandes de révision judiciaire de décisions d’un arbitre. La première, publiée en janvier 2024 par la Cour divisionnaire de l’Ontario (Ledore Investments v. Dixin Construction) [en anglais seulement][1], établit le contexte et fournit des directives sur les circonstances dans lesquelles la révision judiciaire de la décision arbitrale peut être concluante. Consultez notre article de blogue publié le 16 avril 2024 au sujet de l’affaire Ledore : La Cour divisionnaire de l’Ontario autorise une requête en révision judiciaire d’une décision d’un arbitre intérimaire.
Dans l’affaire Ledore, la Cour divisionnaire de l’Ontario a conclu que l’équité procédurale était un motif valable de révision judiciaire et a confirmé que cela comprend le droit de toute partie à un arbitrage sur les questions déterminantes dans cette décision. Au cours des mois qui ont suivi, la Cour divisionnaire de l’Ontario a rendu plusieurs autres décisions qui ont fourni des directives supplémentaires. Deux de ces cas sont traités dans cet article de blogue.
Caledon (Town) v. 2220742 Ont. Ltd. o/a Bronte Construction
Dans l’affaire Caledon (Town) v. 2220742 Ont. Ltd., o/a Bronte Construction[2] [en anglais seulement], Caledon a conclu un contrat avec WSP pour des services de conception, d’administration de contrat et d’inspection de site liés au nettoyage de l’étang de traitement des eaux usées (no 7), et un deuxième contrat semblable avec Matrix pour un autre étang de traitement des eaux usées (no 14). Par la suite, Caledon a conclu un contrat avec Bronte pour des travaux de construction visant le nettoyage des étangs de traitement des eaux usées no 7 et no 14. Bronte a effectué des travaux dans le cadre de son contrat avec Caledon jusqu’à ce que Caledon résilie le contrat. Les parties ne s’entendaient pas sur ce qui était dû à Bronte jusqu’à la date de résiliation, et Bronte a donné un avis d’arbitrage à Caledon pour réclamer 145 000 $[3].
Caledon a répondu à l’avis d’arbitrage en contestant la compétence de l’arbitre en se fondant sur les dispositions transitoires de la Loi sur la construction[4] (la Loi) et, à titre subsidiaire, en contestant la réclamation sur le fond. Dans une décision préliminaire portant sur la compétence (c.-à-d. la décision sur la compétence), l’arbitre a conclu qu’il avait compétence sur les réclamations et, dans une décision définitive (c.-à-d. la décision sur le fond), l’arbitre a accordé une somme de 93 445, 92 $ à Bronte[5].
Caledon a demandé une révision judiciaire de cette décision au motif que l’arbitre n’avait pas compétence pour traiter la réclamation, parce que les dispositions transitoires de la Loi excluaient l’amélioration en question de l’arbitrage. L’article 87.3 de la Loi détermine la version de la législation en matière de construction qui s’applique à un différend : la nouvelle Loi ou celle qui l’a précédée, la Loi sur le privilège dans l’industrie de la construction. Il s’agit des dispositions transitoires. Les dispositions de la Loi relatives à l’arbitrage, qui confèrent la compétence aux arbitres, ne s’appliquent que lorsqu’un processus d’approvisionnement visant l’amélioration (nous le soulignons) qui fait l’objet du contrat a commencé après le 1er octobre 2019[6].
La décision de la Cour divisionnaire
La Cour divisionnaire a confirmé qu’en vertu des dispositions transitoires de la Loi, la compétence pour faire un arbitrage est déterminée selon le principe de l’amélioration pas à pas, de sorte que toutes les réclamations découlant d’une amélioration sont assujetties à la même version de la Loi[7]. Toutefois, lorsqu’un « contrat » ou un « contrat de sous-traitance » s’applique à plusieurs améliorations (comme c’était le cas en l’espèce), la Cour divisionnaire a conclu que le « contrat » ou le « contrat de sous-traitance » peut être assujetti à différentes versions de la Loi en ce qui concerne différentes améliorations[8].
La Cour divisionnaire a souligné que le contrat entre Bronte et Caledon a été conclu après le 1er octobre 2019, mais la question centrale était de savoir si un processus d’approvisionnement relatif à l’objet du contrat (c.-à-d. les travaux relatifs aux étangs de traitement des eaux usées nos 7 et 14, respectivement) a débuté avant cette date[9]. La Cour a conclu qu’en vertu de la Loi, le concept d’« amélioration » est lié au terrain. La compétence relative aux améliorations et aux contrats ne peut être étendue conjointement, parce que différentes personnes peuvent effectuer des travaux différents dans le cadre de contrats différents, pour la même amélioration[10]. La question est de savoir si les travaux visent les mêmes améliorations sur les mêmes terrains.
Par conséquent, la Cour divisionnaire a conclu que le processus d’approvisionnement pour le contrat relatif à l’étang de traitement des eaux usées no 7 avait commencé avant le 1er octobre 2019 et n’était pas assujetti aux dispositions sur l’arbitrage de la Loi en raison des dispositions de transition. En ce qui concerne l’étang no 14, la Cour divisionnaire a conclu que le processus d’approvisionnement pour le contrat avait commencé le 24 mars 2020. La partie du contrat relative à l’étang de traitement des eaux usées no 14 concernait la même amélioration; par conséquent, les dispositions sur l’arbitrage de la Loi n’ont pas empêché l’arbitrage de toute réclamation à l’égard de l’étang de traitement des eaux usées no 14[11].
Cette décision illustre l’importance des dates des processus d’approvisionnement en ce qui a trait à l’application de l’arbitrage en vertu des dispositions transitoires de la Loi et souligne l’importance d’interpréter correctement comment cela pourrait s’appliquer lorsqu’un « contrat » ou un « contrat de sous-traitance » porte sur plusieurs « améliorations ».
Blackstone Paving and Construction Ltd. v. Barrie (City of)
Dans l’affaire Blackstone Paving and Construction Ltd. v. Barrie (City of)[12] [en anglais seulement], Blackstone a demandé la révision judiciaire de deux décisions d’arbitrage au motif que la ville de Barrie ne s’était pas conformée au paragraphe 6.4 (2) de la Loi (se rapportant à la délivrance d’avis de non-paiement).
La demande a été faite dans le contexte d’un différend relatif aux paiements entre Blackstone et la ville de Barrie. Blackstone a soutenu que la Ville était tenue de préciser tous ses motifs de non-paiement dans son avis de non-paiement en vertu du paragraphe 6.4 (2) de la Loi. Blackstone a en outre soutenu que son non-respect de cette disposition de la Loi était injuste sur le plan procédural, car lorsque Blackstone, dans ses documents de réponse, a cherché à régler des enjeux qu’elle a fait valoir comme étant de nouveaux enjeux soulevés par la ville, les deux arbitres ont refusé à Blackstone la possibilité de présenter ses observations en réponse[13].
La décision de la Cour divisionnaire
La Cour divisionnaire a rejeté la demande, en concluant que la question préalable de l’équité procédurale (à savoir si les procédures suivies dans l’arbitrage concordaient ou non avec les procédures auxquelles l’arbitrage était soumis en vertu de la Loi) n’avait pas été respectée en vertu du critère prévu par la loi applicable à la révision judiciaire.
La Cour divisionnaire a confirmé que la norme d’examen concernant les questions d’équité procédurale est l’« équité » ou le « bien-fondé ». Les conclusions de fait sont examinées selon la norme de la raisonnabilité et, bien que ce principe s’applique aux conclusions de fait liées à des questions d’équité procédurale, les exigences en matière d’équité procédurale, compte tenu des faits tels qu’ils ont été constatés, doivent être évaluées selon la norme du bien-fondé ou de l’équité, en appliquant le critère énoncé au paragraphe 13.18 (5) 5 de la Loi[14].
Premièrement, la Cour divisionnaire n’a relevé aucune erreur dans la décision des arbitres en établissant que des « erreurs typographiques » alléguées dans l’avis de non-paiement de la ville (qui, selon Blackstone, avaient vicié l’avis de non-paiement) n’équivalaient pas à un manquement au paragraphe 6.4 (2) de la Loi. De plus, même si cela avait été le cas, Blackstone n’avait établi l’existence d’aucun préjudice découlant de cette non-conformité, de sorte que la Cour divisionnaire n’a pas donné suite à cet argument[15].
Deuxièmement, la Cour divisionnaire n’a relevé aucune erreur dans le raisonnement des arbitres concernant leur omission alléguée de recenser tous les motifs de non-paiement dans l’avis de non-paiement en question. La ville a allégué qu’elle s’est contentée d’expliciter les motifs invoqués dans son avis de non-paiement, que la Cour divisionnaire a jugé avoir été acceptés implicitement par les arbitres. La Cour divisionnaire était convaincue que cette conclusion implicite figurait au dossier présenté à chacun des arbitres en l’espèce. Par conséquent, la Cour divisionnaire s’en est tenue aux conclusions des arbitres selon lesquelles il n’y avait eu aucun manquement au paragraphe 6.4 (2) de la Loi, de sorte que Blackstone n’avait pas respecté le premier volet du test conjonctif relatif à l’iniquité procédurale en vertu du paragraphe 13.18 (5) 5 de la Loi.[16]
Troisièmement, la Cour divisionnaire n’a relevé aucune erreur dans la décision des arbitres de ne pas permettre la présentation d’observations en réponse dans leur décision. Toutes les parties s’étaient mises d’accord sur un processus d’échange de documents, et rien dans ce processus n’était prévu pour demander une présentation d’observations en réponse. Les arbitres ont indiqué qu’ils n’avaient pas besoin des observations en réponse de Blackstone pour trancher la question et ont fait remarquer que bon nombre des préoccupations sous-jacentes à la demande de présentation d’observations en réponse portaient sur des questions dont ils ne disposaient pas en bonne et due forme. La Cour divisionnaire a conclu que les décisions des arbitres à cet égard n’étaient pas incompatibles avec les processus prescrits par la Loi, ni avec le processus convenu par les parties elles-mêmes[17].
Cette décision souligne que les parties à un arbitrage n’ont pas un droit absolu de présentation d’observations en réponse en vertu de la Loi. Si les parties souhaitent renforcer leur capacité de faire valoir qu’elles devraient être autorisées à présenter des observations en réponse, elles pourraient exiger expressément de pouvoir le faire dans le cadre des procédures ou processus indiqués dans leurs contrats en ce qui concerne la conduite de l’arbitrage.
Points à retenir
Ces décisions mettent en évidence les difficultés auxquelles les parties peuvent être confrontées, car elles continuent de devoir composer avec le droit de demander une révision judiciaire des décisions d’arbitrage. Les décisions rendues par la Cour divisionnaire donnent à penser qu’elle ne cherche pas à élargir le droit à une révision= judiciaire. Les parties doivent établir des motifs valables et satisfaire aux exigences prévues par la loi avant d’avoir accès aux tribunaux et d’avoir l’occasion de réexaminer leur décision.
Cela dit, les décisions servent également à rappeler aux arbitres les limites de leur compétence et l’obligation de s’assurer du respect des principes de l’équité procédurale. Les arbitres ne sont pas autorisés à faire fi de la jurisprudence ni du droit des parties d’être entendues sur les questions importantes dont ils sont saisis. Il reste à voir de quelle façon la Cour divisionnaire traitera les demandes de révision judiciaire à venir, mais entre-temps, il serait sage que les parties intègrent ces leçons pour l’avenir.
Ce billet de blogue est un extrait d’un article publié le 20 décembre 2024 dans la publication Legal Update no 169 du Collège canadien des avocats en droit de la construction [en anglais seulement].
[1] Ledore Investments v. Dixin Construction, 2024 ONSC 598 [en anglais seulement].
[2] Caledon (Town) v. 2220742 Ont. Ltd. o/a Bronte Construction, 2024 ONSC 4555 [Caledon].
[3] Caledon, au paragraphe 12.
[4] Loi sur la construction, L.R.O. 1990, chapitre C.30.
[5] Caledon, aux paragraphes 12 et 13.
[6] Ibid., paragraphes 8 et 9.
[7] Caledon, au paragraphe 51.
[8] Ibid., paragraphes 27 à 29.
[9] Ibid., paragraphe 30.
[10] Ibid., paragraphe 33.
[11] Ibid., paragraphe 36.
[12] Blackstone Paving and Construction Ltd. v. Barrie (City of), 2024 ONSC 4556 [Blackstone] [en anglais seulement].
[13] Blackstone, aux paragraphes 5 et 6.
[14] Ibid., paragraphe 4.
[15] Ibid., paragraphe 7.
[16] Ibid., paragraphes 9 à 12.
[17] Ibid., paragraphe 13.