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Utilisation de l’intelligence artificielle dans le contexte de l’arbitrage : les lignes directrices du Silicon Valley Arbitration and Mediation Center Utilisation de l’intelligence artificielle dans le contexte de l’arbitrage : les lignes directrices du Silicon Valley Arbitration and Mediation Center

5 février 2025 6 MIN DE LECTURE

Ces dernières années, il est devenu évident qu’un large éventail de secteurs avaient recours à l’intelligence artificielle (IA), y compris le secteur des services juridiques. En effet, la profession juridique considère de plus en plus l’IA comme un vecteur de transformation, et de nombreuses entreprises de technologies juridiques intègrent l’IA dans leurs produits pour accroître leur vitesse d’exécution et leur précision. Selon le rapport que Thomson Reuters a produit en 2024, intitulé Future of Professionals (en anglais seulement), l’IA transforme la profession juridique en automatisant les tâches routinières et en augmentant la productivité des avocats.

Cependant, l’utilisation de l’IA dans le contexte de l’arbitrage continue de mûrir et reste quelque peu controversée. Pour répondre à certaines de ces préoccupations et normaliser l’approche adoptée à l’égard des outils d’IA, le Silicon Valley Arbitration and Mediation Center a publié en 2024 les Guidelines on the Use of Artificial Intelligence in Arbitration [PDF; en anglais seulement] (les Lignes directrices sur l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le contexte de l’arbitrage, ou les Lignes directrices), qui introduisent un cadre fondé sur des principes pour l’utilisation des outils d’IA dans le contexte de l’arbitrage.

Lignes directrices sur l’utilisation de l’IA dans le contexte de l’arbitrage

Les Lignes directrices peuvent être utilisées dans le cadre d’arbitrages nationaux ou internationaux et sont destinées à servir de point de référence aux institutions arbitrales, aux arbitres, aux parties et à leurs représentants (y compris les conseillers juridiques), aux experts et, le cas échéant, à d’autres participants à la procédure arbitrale. Elles visent à guider plutôt qu’à dicter et peuvent être adoptées, en tout ou en partie, dans la convention d’arbitrage ou par les parties ou le tribunal à tout moment.

Les Lignes directrices sont organisées en trois chapitres et se composent de sept lignes directrices. Les trois chapitres établissent une distinction entre les diverses lignes directrices :

  1. les lignes directrices qui s’appliquent de manière générale à tous les participants à la procédure d’arbitrage
  2. les lignes directrices qui concernent certaines utilisations déterminées de l’IA par les parties et leurs représentants (y compris les conseillers juridiques)
  3. les lignes directrices qui traitent de questions particulières susceptibles d’être soulevées lorsque les arbitres utilisent l’IA

Lignes directrices qui s’appliquent de manière générale à tous les participants à la procédure d’arbitrage

La ligne directrice no 1 encourage tous les participants à la procédure d’arbitrage à comprendre les utilisations, les limites et les risques des applications d’IA, notamment en se familiarisant avec les utilisations prévues de l’outil d’IA et en faisant des efforts raisonnables pour comprendre les limites, les biais et les risques propres à chaque outil d’IA.

La ligne directrice no 2 est axée sur la protection de la confidentialité et stipule ce qui suit :

  1. tous les participants à un arbitrage international doivent veiller à ce que leur utilisation des outils d’IA soit conforme aux obligations qui leur incombent en vertu de la loi en matière de protection des renseignements confidentiels
  2. seuls les outils d’IA qui protègent de manière adéquate la confidentialité devraient être utilisés, eu égard aux renseignements confidentiels
  3. selon le cas, les participants doivent caviarder ou rendre anonyme les documents soumis à un outil d’IA

La ligne directrice no 3 indique que, s’il n’est pas nécessaire de manière générale de divulguer l’utilisation d’outils d’IA dans le cadre d’un arbitrage, les décisions à cet égard devraient être prises au cas par cas.

Lignes directrices qui concernent certaines utilisations déterminées de l’IA par les parties et leurs représentants (y compris les conseillers juridiques)

La ligne directrice no 4 traite du devoir de compétence et de diligence dans le cadre de l’utilisation de l’IA et exige des représentants des parties qu’ils respectent les règles éthiques et les normes professionnelles applicables en matière de compétence et de diligence lorsqu’ils utilisent des outils d’IA. Cette ligne directrice exige également des parties qu’elles examinent les résultats de tout outil d’IA utilisé afin d’en vérifier l’exactitude. Les parties et leurs représentants sont responsables de toute erreur ou inexactitude dans les résultats produits par un outil d’IA.

La ligne directrice no 5 encourage le respect de l’intégrité de la procédure et des preuves, en demandant aux parties, à leurs représentants et aux experts :

  1. de ne pas utiliser l’IA d’une manière qui porte atteinte à l’intégrité de l’arbitrage ou perturbe le déroulement de la procédure;
    1. de ne pas utiliser l’IA pour falsifier des preuves, en compromettre l’authenticité ou tromper de toute autre manière le tribunal arbitral ou la partie adverse.

Lignes directrices qui traitent de questions particulières susceptibles d’être soulevées lorsque les arbitres utilisent l’IA

La ligne directrice no 6 interdit à un arbitre de déléguer à un outil d’IA ses responsabilités en matière de prise de décisions. L’analyse par un outil d’IA des faits, des lois et des preuves ne doit pas remplacer l’analyse des mêmes faits, lois et preuves effectuée par l’arbitre de façon indépendante.

La ligne directrice no 7 porte sur la régularité de la procédure juridique et stipule que l’arbitre ne doit pas s’appuyer sur des renseignements générés par l’IA non versés au dossier sans en informer au préalable les parties de manière appropriée. En outre, lorsqu’un outil d’IA ne peut citer des sources pouvant être vérifiées de manière indépendante, l’arbitre ne doit pas présumer que ces sources existent ou que l’outil d’IA les a caractérisées correctement.

Les Lignes directrices contiennent également une clause type qui peut être intégrée dans les ordonnances de procédure afin de rendre les Lignes directrices applicables à tous les participants à une procédure d’arbitrage donnée.

[traduction libre] Le tribunal et les parties conviennent que les Silicon Valley Arbitration & Mediation Center Guidelines on the Use of Artificial Intelligence in Arbitration (les Lignes directrices du Silicon Valley Arbitration & Mediation Center relatives à l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le contexte de l’arbitrage, ou les Lignes directrices) s’appliquent à titre de principes directeurs à tous les participants à la présente procédure d’arbitrage.

Conclusion

Il faut se réjouir de l’adoption de principes uniformes concernant l’utilisation de l’IA dans le contexte des procédures d’arbitrage, d’autant plus que l’arbitrage fait souvent intervenir des parties et des lois relevant de ressorts différents. La nature non contraignante des Lignes directrices est utile dans le contexte de l’arbitrage, car elle permet aux arbitres et aux parties d’adapter leur utilisation aux besoins de l’affaire (un aspect courant de l’arbitrage). Il reste à voir comment le droit canadien évoluera en ce qui a trait à l’utilisation de l’IA dans d’autres contextes juridictionnels, y compris au sein du système judiciaire.