Auteurs(trice)
Associée, Droit des sociétés, Montréal
Associé, Droit des sociétés, Calgary
Fait notable, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont récemment annoncé une prolongation de l’échéance de conformité pour les plateformes de négociation de cryptoactifs (PNC) traitant des cryptoactifs arrimés à une valeur, dont les détails figuraient à l’origine dans l’Avis 21-333 du personnel des ACVM, daté du 5 octobre 2023 (Avis du personnel d’octobre 2023). Cette annonce, publiée le 17 avril 2024, reconnaît les préoccupations de nombreuses PNC concernant les difficultés techniques auxquelles elles sont confrontées dans la mise en œuvre des restrictions relatives aux cryptoactifs arrimés à une valeur et réitère l’invitation de l’ACVM au secteur à formuler leurs commentaires sur la façon de réglementer les opérations sur les cryptoactifs arrimés à une valeur au Canada.
Contexte
Les cryptoactifs arrimés à une valeur sont conçus pour maintenir une valeur stable par rapport à une monnaie fiduciaire donnée ou à un autre actif stable. Dans cette catégorie, l’accent a été mis sur les cryptoactifs adossés à une monnaie fiduciaire, qui visent à refléter la valeur d’une seule monnaie fiduciaire sur la base de réserves maintenues par l’émetteur. L’avis du personnel d’octobre 2023 a énoncé les conditions permettant aux PNC de continuer à négocier des cryptoactifs arrimés à une valeur, dont l’obligation de radier tout cryptoactif arrimé à une valeur de leurs offres avant le 30 avril 2024 si les émetteurs du cryptoactif en question ne remplissent pas les exigences définies.
Principales nouveautés dans la directive d’avril 2024
La récente directive des ACVM prévoit une prolongation au 31 octobre 2024 de l’échéance initiale du 30 avril 2024. Comme on ne sait pas si les émetteurs de cryptoactifs arrimés à une valeur ont l’intention de se conformer à l’avis du personnel d’octobre 2023, il est possible que les PNC soient contraintes de radier tous ces cryptoactifs de leur plateforme. Cela pourrait entraîner d’importants problèmes techniques et d’utilisation, notamment une réduction des options de négociation, une volatilité accrue et un impact sur la liquidité de certains actifs numériques. Les ACVM ont invoqué les défis techniques auxquels sont confrontés les PNC comme la principale raison de la prolongation du délai au 31 octobre 2024.
En outre, les ACVM réitèrent leur invitation aux PNC et aux émetteurs de cryptoactifs arrimés à une valeur à formuler des commentaires sur l’éventuel cadre réglementaire à long terme applicable à ce type de cryptoactifs. Ce dialogue continu est essentiel, car il ouvre la voie à d’éventuels ajustements fondés sur les idées pratiques formulées par les entités les plus touchées par ces réglementations.
Considérations juridiques et paysage réglementaire élargi
Il faut absolument préciser que les positions exprimées dans les avis du personnel d’octobre 2023 et d’avril 2024 des ACVM représentent le point de vue du personnel et n’ont pas force de loi. Pour l’heure, le statut juridique des cryptomonnaies stables en tant que titres au Canada reste indéterminé. Ces avis du personnel servent de mesures provisoires dans l’attente d’un cadre réglementaire définitif qui pourrait faire intervenir d’autres organismes de réglementation, comme la Banque du Canada.
Les investisseurs et les acteurs du marché doivent être conscients que le respect des conditions provisoires des ACVM n’équivaut pas à une approbation ni à un soutien d’un cryptoactif arrimé à une valeur en particulier. Cela ne sous-entend pas non plus que ce cryptoactif est sûr ou qu’il respecte pleinement les lois canadiennes sur les valeurs mobilières. Chaque cryptoactif arrimé à une valeur, même s’il remplit les conditions provisoires, comporte son propre ensemble de risques, différents de ceux des monnaies fiduciaires conventionnelles.
Conclusion
La prolongation du délai de conformité est un développement important pour les PNC et les émetteurs de cryptoactifs arrimés à une valeur, car elle leur donne plus de temps pour résoudre les problèmes techniques et se conformer aux attentes de la réglementation. Cependant, elle rappelle également la nature fluide des directives du personnel des ACVM sur la réglementation des cryptomonnaies. La demande permanente de rétroaction des ACVM dans ses avis du personnel suggère qu’elles souhaitent montrer qu’elles sont ouvertes à une approche collaborative pour les réglementations futures, ouvrant éventuellement la voie à une gouvernance complète des monnaies numériques au Canada. Les résultats de cette approche, du moins en ce qui concerne la réglementation des cryptoactifs arrimés à une valeur, restent à déterminer.
Les PNC et les autres parties prenantes sont encouragés à participer activement aux discussions autour de cette réglementation, en contribuant à un cadre réglementaire qui soutient l’innovation tout en protégeant les investisseurs. L’évolution de la réglementation des cryptoactifs arrimés à une valeur servira probablement d’indicateur pour une réglementation élargie des actifs numériques à l’échelle mondiale.