Auteurs(trice)
Associé, Affaires réglementaires, Autochtones et environnement, Toronto
Associé directeur du bureau de Calgary, Calgary
Sociétaire, Litiges, Toronto
Sociétaire, Litiges, Toronto
Stagiaire en droit, Toronto
Le 30 novembre 2024, le gouvernement du Canada et la Fédération Métisse du Manitoba (FMM) ont conclu un traité historique d’autonomie gouvernementale qui reconnaît officiellement la FMM comme le gouvernement des Métis de la rivière Rouge. Le Traité concernant la reconnaissance et la mise en œuvre de l’autonomie gouvernementale des Métis de la rivière rouge [PDF] (ci-après le « traité ») est le premier traité moderne que le gouvernement du Canada signe avec une Nation Métisse. Toutefois, le traité n’entrera pas en vigueur tant que le Parlement n’aura pas adopté une loi d’habilitation.
Contexte
En 1870, la colonie de la rivière Rouge est devenue la cinquième province du Canada : le Manitoba. Comme condition d’entrée dans la Confédération, les collectivités métisses qui résident sur ce territoire ont obtenu plusieurs garanties de la part du gouvernement fédéral. Ces garanties sont énoncées dans la Loi sur le Manitoba, 1870, en particulier à l’article 31 en vertu duquel le gouvernement fédéral s’engage à concéder des terres aux Métis.
En 2013, dans sa décision Manitoba Metis Federation Inc. c. Canada (Procureur général), 2013 CSC 14, la Cour suprême du Canada a donné raison à la FMM en concluant que de nombreuses promesses contenues dans la Loi sur le Manitoba n’ont jamais été tenues. La Cour suprême a estimé que « le clivage persistant dans notre tissu national auquel l’adoption de l’article 31 devait remédier demeure entier » et que « la tâche inachevée de réconciliation des Métis avec la souveraineté du Canada est une question d’importance nationale et constitutionnelle ». La Cour suprême a déclaré que le gouvernement avait omis de respecter le principe d’honneur de la Couronne dans la mise en œuvre de la Loi sur le Manitoba.
Le traité
En 2016, la FMM et le gouvernement du Canada ont signé une Entente-cadre en vue de favoriser la réconciliation visant à encadrer les négociations entre les parties. En 2021, ces mêmes parties ont signé l’Entente de reconnaissance et de mise en œuvre de l’autonomie gouvernementale des Métis du Manitoba [PDF], en vertu de laquelle elles se sont engagées à négocier un traité d’autonomie gouvernementale.
En 2023, environ 4 000 citoyens de la FMM ont approuvé un projet de traité. Le 30 novembre 2024, David Chartrand, président de la FMM, et l’honorable Gary Anandasangaree, ministre des Relations Couronne-Autochtones, ont officiellement signé le traité.
Le traité prévoit notamment ce qui suit :
- reconnaissance de la FMM comme représentant exclusif des Métis de la rivière Rouge à qui il incombe d’exercer une autonomie gouvernementale démocratique, responsable et imputable et de représenter les Métis de la rivière Rouge en ce qui a trait à leurs droits et intérêts collectifs, y compris en vertu de la Loi sur le Manitoba
- reconnaissance de la compétence de la FMM à l’égard de l’adoption de ses propres lois concernant la citoyenneté des Métis de la rivière Rouge et de l’établissement des institutions, des bureaux ou d’autres entités pour administrer les lois des Métis de la rivière Rouge et leur mise en application, conformément à la Constitution de la FMM et en ce qui concerne les questions de citoyenneté et les structures, les opérations, les procédures, les actifs, la gestion financière et la responsabilité financière de la FMM
- énoncé de la responsabilité partagée du gouvernement fédéral sur les questions fiscales à l’égard du fonctionnement de la FMM, précisant que les parties travailleront ensemble pour conclure et maintenir des arrangements fiscaux visant à soutenir le développement politique, social, économique et culturel des Métis de la rivière Rouge
- création d’une procédure obligatoire de règlement des différends en deux étapes avant que les parties ne puissent engager une procédure judiciaire ou arbitrale exigeant le renvoi de la question au comité des relations intergouvernementales et la médiation
Le comité des relations intergouvernementales sera composé de représentants de la FMM et du Canada et sera également chargé de superviser la mise en œuvre du traité et le traitement des questions fiscales.
Perspectives
Trois sources majeures d’incertitude sont encore présentes malgré la signature du traité.
Tout d’abord, le traité identifie expressément un certain nombre de questions susceptibles de faire l’objet d’arrangements supplémentaires sur l’autonomie gouvernementale entre le Canada et la FMM, entre autres le rôle que pourrait jouer la FMM en matière de fiscalité, d’éducation, de services à l’enfance, de services de santé et d’administration de la justice ainsi que sur les questions d’évaluation, de protection et de gestion de l’environnement. De plus, le traité engage le gouvernement fédéral à « continuer de négocier » un règlement des revendications territoriales non résolues des Métis en vertu de l’article 31 de la Loi sur le Manitoba. De plus, même si le traité stipule qu’il ne modifie pas la répartition des pouvoirs établie dans la Loi constitutionnelle de 1867 et que le gouvernement du Manitoba n’est pas partie au traité, les effets du traité sur les questions de compétence provinciale demeurent incertains.
Deuxièmement, le traité n’a toujours pas été ratifié. Bien que le traité ait été signé par le ministre fédéral, sa ratification par le Canada repose sur l’adoption d’une loi d’habilitation par le Parlement, une étape que le gouvernement actuel pourrait ne pas être en mesure de réaliser avant les élections fédérales prévues cette année.
En dernier lieu, deux collectivités des Premières Nations Dakota du Manitoba ont intenté un recours contre le traité dans lequel elles affirment que le Canada n’a pas rempli son obligation de consulter les collectivités des Premières Nations du Manitoba avant de conclure le traité. Une audience a eu lieu le 19 décembre 2024 devant la Cour du Banc du Roi du Manitoba. Au début de l’année dernière, une contestation semblable d’une entente désignant une organisation comme représentant exclusif de la Nation Métisse de l’Alberta a été acceptée, la Cour fédérale ayant estimé que le Canada ne s’était pas acquitté de son obligation de consulter d’autres collectivités métisses avant de signer l’entente. Consulter la décision Conseil général des établissements Métis c. Canada (Relations Couronne–Autochtones), 2024 CF 487.
Nous continuerons à vous tenir informés à mesure de l’évolution de ce dossier.