Auteurs(trice)
Associé, Droit des sociétés, Toronto
Coprésident national, Toronto
Associé, Droit des sociétés, Toronto
Sociétaire, Droit des sociétés, Toronto
Depuis l’introduction des modifications aux règles d’offres publiques d’achat de mai 2016, on a constaté une réduction marquée du nombre d’offres d’achat hostiles au Canada. Le tableau suivant indique le nombre d’offres hostiles lancées depuis 2005 :
Remarque : Comprend toutes les offres hostiles qui ciblaient des sociétés ouvertes canadiennes du 1er janvier 2005 au 16 décembre 2024. Données antérieures à 2017 tirées de Kingsdale Advisors.
La mesure précise dans laquelle les modifications au régime d’offres de 2016 ont causé ce déclin précipité n’est pas claire, mais elles ont probablement joué un rôle en augmentant les coûts de financement et le risque de marché associés au lancement d’une offre. Plus précisément, les modifications de 2016 comprenaient une période de soumission minimale prolongée de 105 jours (comparativement à 35 jours auparavant) et une prolongation d’au moins 10 jours après que l’exigence de dépôt minimum ait été satisfaite. Les offres d’achat exigent la mise en place d’un financement, et les périodes de soumission plus longues entraînent une augmentation des coûts de financement. De plus, les modifications de 2016 ont introduit une exigence de dépôt minimum obligatoire de 50 % avant que des titres puissent être acquis. Cette exigence de dépôt minimum obligatoire a éliminé une partie des soumissions possibles. Auparavant, un soumissionnaire hostile aurait pu acquérir toute action concernée par la soumission, à condition que toutes les conditions de la soumission soient satisfaites ou qu’il y ait renonciation. L’exigence de dépôt minimum de 50 % a accru l’effet de levier des principaux actionnaires vis-à-vis du soumissionnaire et de la cible. En effet, la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (la Commission) a fait remarquer dans ses motifs dans la décision ESW/Optiva [PDF en anglais] que l’exigence de dépôt minimum pourrait faire en sorte que des soumissions ne soient pas faites du tout ou que les actionnaires soient privés de la capacité de répondre à une offre. La Commission a observé que cette exigence avait modifié de façon importante la dynamique des offres entre le soumissionnaire, la cible et les détenteurs de blocs de contrôle.
Activisme actionnarial à la hausse
On a récemment constaté une augmentation du nombre de courses aux procurations, comme l’illustre le tableau ci-dessous :
Remarque : Données tirées de Kingsdale Advisors. Les courses aux procurations comprennent un actionnaire qui : (i) fait connaître son intention d’activisme au moyen d’un article de presse, d’un communiqué, d’une annexe 13D ou d’un rapport d’alerte précoce; (ii) demande la tenue d’une assemblée des actionnaires; (iii) annonce son intention de nommer d’autres administrateurs; (iv) sollicite d’autres procurations; (v) mène une campagne « voter non » dans une élection d’administrateurs ou une transaction de fusion-acquisition; ou (vi) annonce une intention de lancer une offre hostile. Les données comprennent également l’activisme lié aux transactions et non seulement les courses aux procurations liées à la composition du conseil. Enfin, les données indiquent également l’annonce d’une intention de lancer une offre hostile.
Les données du graphique ne saisissent que les cas d’activisme actionnarial divulgués publiquement et, par conséquent, n’incluent pas les cas « en coulisses », où il peut y avoir eu des changements dans la composition du conseil d’administration et d’autres mesures à la suite de discussions privées et de résultats négociés entre les émetteurs et les actionnaires activistes.
L’activisme est généralement une solution de rechange moins coûteuse qu’une offre dans une bataille pour le contrôle d’une entreprise, alors que les activistes peuvent gagner de l’influence et éventuellement le contrôle du conseil avec des participations plus faibles. Les modifications au régime d’offres ont sans doute encouragé davantage l’activisme en faisant augmenter les coûts et les risques associés au lancement d’une offre hostile.
Nombre de sociétés ouvertes et de PAPE en baisse continue
Lorsqu’on examine le déclin des offres hostiles, un autre facteur à considérer est le nombre décroissant de sociétés ouvertes. Depuis 2002, le nombre d’émetteurs exploitants inscrits à la cote de la TSX et à la TSXV a chuté brusquement, comme le montre le graphique suivant :
Source : Données tirées du Service de l’information de marché TSX/TSXV au 31 octobre 2024. Les données ne comprennent que les émetteurs exploitants et n’incluent pas les fonds négociés en bourse et les fonds à capital fixe.
Le nombre d’émetteurs exploitants publics inscrits à la cote de la TSX a diminué de 40 % depuis 2008, et il y a 42 % de moins d’émetteurs inscrits à la TSXV qu’en 2002. De nombreux émetteurs cotés en bourse ont été retirés de la liste à la suite d’opérations de fusions-acquisitions lors desquelles ils ont été privatisés.
En même temps, le taux de renouvellement des émetteurs exploitants cotés par l’intermédiaire d’appels publics à l’épargne (PAPE) a récemment été anémique :
Remarque : Données tirées de J. Ari Pandes et des sources de données disponibles de TMX au 16 décembre 2024. Les données ne comprennent que les émetteurs exploitants et n’incluent pas les fonds négociés en bourse et les fonds à capital fixe.
Entre le 1er janvier 2022 et le 30 novembre 2024, il n’y a eu que cinq PAPE d’émetteurs exploitants à la TSX, soit trois en 2022, un en 2023 et un en 2024. Outre le boom de PAPE de courte durée alimenté par les entreprises technologiques en 2020-2021, la trajectoire globale des PAPE est à la baisse.
Cette tendance s’explique principalement par la croissance des marchés de capitaux privés, qui sont beaucoup plus profonds que jamais. Les sociétés peuvent maintenant choisir de rester plus longtemps dans le secteur privé et de profiter d’options de liquidités et de financement qui n’étaient auparavant disponibles qu’en entrant en bourse. Ce faisant, elles évitent de faire face aux obligations en matière de divulgation et de gouvernance ainsi qu’aux coûts associés à l’entrée en bourse.
Conclusion
Depuis les modifications de 2016, on a vu moins d’offres hostiles et plus d’activisme actionnarial. Parallèlement, le nombre de sociétés ouvertes et de PAPE a continué de diminuer. Bien que l’activité des opérations soit cyclique, ces tendances pourraient bien persister à plus long terme.
Les organismes de réglementation des valeurs mobilières peuvent être satisfaits du régime actuel d’offres publiques d’achat et du fait qu’il peut inciter davantage que par le passé à l’activisme plutôt qu’à lancer une offre hostile. S’il y a une volonté d’accroître les offres hostiles, on pourrait envisager d’assouplir la politique relative à l’exigence de dépôt minimum de 50 % dans certaines circonstances.
Le déclin du nombre de sociétés ouvertes est un phénomène mondial. Bien que les organismes de réglementation des valeurs mobilières disposent d’outils pour réduire les coûts de l’entrée en bourse, les avantages devront être soupesés par rapport aux coûts d’une éventuelle réduction de la protection des investisseurs. Compte tenu de la profondeur et de l’ampleur des marchés de capitaux privés, il n’est pas clair si des changements à la réglementation des valeurs mobilières à eux seuls permettraient de freiner la vague. Les émetteurs auront besoin de raisons convaincantes d’entrer à la bourse plutôt que de rester privés. Si le fait d’avoir plus de sociétés ouvertes est un objectif stratégique important, les législateurs pourraient devoir participer en élaborant des lois et des politiques pour y parvenir.