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L’évolution des milieux de travail : quatre ans après le début de la COVID-19

12 Nov 2024 5 MIN DE LECTURE

Quatre ans après que la pandémie de COVID-19 a provoqué un raz-de-marée de changements au Canada, les milieux de travail continuent de jongler avec ses répercussions à long terme et l’évolution qu’elle a favorisée dans le paysage juridique.

Milieux de travail

En cette ère née de la pandémie, le travail hybride est devenu la nouvelle norme.

Lors de l’éclosion de la pandémie, de nombreux employeurs ont adopté le télétravail, mais ils font maintenant marche arrière et imposent davantage de jours de présence au bureau. Par exemple, le gouvernement fédéral impose désormais aux fonctionnaires de travailler au bureau au moins trois jours par semaine, certains cadres devant être présents quatre jours. Le secteur privé suit le mouvement : une grande société d’assurances a récemment porté à trois jours par semaine son obligation de présence au bureau, et une grande société de télécommunications a introduit des politiques similaires pour les employés de ses centres d’appel, et offert des indemnités de cessation d’emploi à ceux qui refusaient de s’y conformer.

Ces changements reflètent l’évolution générale de la dynamique du travail depuis la COVID-19. Pendant la pandémie, les secteurs d’activité nécessitant une forte proximité physique entre les personnes, en particulier les soins de santé, le service à la clientèle et les voyages, ont été fortement touchés. De nos jours, les milieux de travail qui nécessitent des contacts directs entre les personnes font de plus en plus appel à l’automatisation afin de réduire les interactions entre les personnes et d’économiser sur les coûts de main-d’œuvre. En revanche, les emplois dans les secteurs d’activité nécessitant une faible proximité physique entre les personnes, tels que le secteur des technologies et autres secteurs propices au télétravail, ont gagné en popularité et devraient continuer à attirer les personnes qui préfèrent la flexibilité du travail à distance.

Orientations touchant les politiques relatives aux milieux de travail en période de pandémie

Avec l’éclosion de la pandémie de COVID-19, de nombreux employeurs ont introduit de nouvelles politiques relatives aux milieux de travail prévoyant, notamment, le port du masque et la vaccination obligatoires. En réaction, plusieurs employés ont porté plainte devant la commission des droits de la personne au motif que ces politiques portaient atteinte à des motifs protégés. Toutefois, au cours de l’année écoulée, les commissions des droits de la personne ont rejeté ces plaintes dans une forte proportion (jusqu’à 90 % d’entre elles dans certaines régions), soulignant ainsi une tendance claire. Bien que chaque cas repose sur les faits particuliers en cause, nombre de ces plaintes ont été rejetées parce que les plaignants n’avaient pas été en mesure de prouver que leurs objections étaient fondées sur des principes religieux plutôt que sur des convictions personnelles.

Les tribunaux ont également commencé à rendre des décisions au sujet des politiques relatives aux milieux de travail en période de pandémie. Dans l’affaire Escobar v. Ocean Pacific Hotels Ltd., 2024 BCSC 1575, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a établi qu’un hôtel de Vancouver avait fondamentalement violé ses contrats de travail en cessant d’assigner des quarts de travail aux travailleurs horaires pendant la pandémie de COVID-19. Cette décision, rendue dans le cadre d’une action collective, souligne que les actes d’un employeur, même s’ils sont motivés par des préoccupations commerciales ou financières légitimes, peuvent constituer un licenciement déguisé, l’obligeant à verser des dommages-intérêts pour licenciement abusif.

En Alberta, en revanche, l’affaire Van Hee v Glenmore Inn Holdings Ltd., 2023 ABCJ 244, concernait une serveuse de longue date qui ayant refusé de se conformer à la politique de vaccination contre le virus COVID-19 de son employeur, prétendait que cela avait conduit à son licenciement déguisé. N’ayant pas présenté d’exemption médicale, elle a été mise en congé sans solde en 2021. La Cour de justice de l’Alberta a rejeté sa prétention, estimant que la politique de vaccination de l’hôtel était une mesure raisonnable et justifiée compte tenu des « circonstances extraordinaires » de la pandémie.

Demande d’emplois

En cette ère marquée par la COVID, l’une des tendances les plus épineuses au sein du marché du travail est l’évolution de la demande d’emplois. Les postes peu rémunérés dans les secteurs du service à la clientèle et de la restauration sont en baisse, tandis que les postes dans les secteurs de l’entreposage, des soins de santé et les postes avec des salaires élevés sont en hausse. De nombreux travailleurs déplacés pourraient devoir se reconvertir pour occuper des postes mieux rémunérés et nécessitant des compétences élevées. Cette tendance est particulièrement prononcée dans les économies avancées, où, dans certains cas, la demande de postes à haut salaire a fait un bond de 25 % depuis la fin de la pandémie. En conséquence, près de 100 millions de travailleurs à travers le monde pourraient devoir changer de profession d’ici 2030, ce qui représente un défi complexe pour le futur marché du travail.

Malgré l’accroissement des obligations en matière de présence au bureau, de nombreux employés, syndicats et groupes de pression continuent de militer en faveur du télétravail, invoquant ses avantages en termes de productivité et d’équilibre travail-vie personnelle. Certains syndicats ont même réussi à obtenir devant des tribunaux des injonctions temporaires contre des politiques prévoyant de nouvelles obligations en matière de présence au bureau. Cependant, la tendance reste claire : de plus en plus d’entreprises privilégient la collaboration en personne plutôt que la souplesse du télétravail, même s’il existe encore des exceptions et des accommodements possibles.

En résumé, les milieux de travail continuent d’évoluer, sous l’influence des modèles de travail hybride, des précédents en matière de sécurité en période de pandémie et du rôle croissant de l’automatisation. Chaque entreprise trouve son équilibre entre souplesse et collaboration, se préparant à un avenir où les exigences du marché du travail, de la technologie et de la productivité s’entrecroiseront continuellement.