S’y retrouver dans la réglementation canadienne en matière de lobbying – éclairage à l’intention des lobbyistes du secteur pharmaceutique

16 Sep 2024 11 MIN DE LECTURE

Les entreprises et les particuliers se livrent à des activités de lobbyisme principalement pour façonner le cadre législatif et politique d’une manière qui soit favorable à leurs intérêts. Il peut s’agir d’efforts visant à influer sur la rédaction de nouvelles lois, la modification de lois existantes ou la mise en œuvre de règlements ou de politiques qui touchent leur secteur d’activité ou leurs intérêts personnels. Les particuliers ou les entités peuvent également se livrer à de telles activités pour empêcher l’adoption d’une loi ou d’un règlement qui, pour eux, risque d’avoir des effets négatifs. Il peut s’agir de plaider contre certaines mesures ou d’œuvrer à leur modification afin d’en réduire les effets négatifs.

Grâce au lobbying, les entreprises et les particuliers peuvent établir et entretenir des relations avec les décideurs politiques. Dans le même temps, pour les décideurs politiques, les lobbyistes servent souvent de source d’information, car ils leur fournissent une expertise, des données et des points de vue qui peuvent éclairer le processus décisionnel. De tels rapports peuvent être bénéfiques pour les deux parties : d’un côté, les décideurs politiques peuvent prendre des décisions plus éclairées et, de l’autre, les lobbyistes peuvent mettre en évidence les conséquences des différentes options politiques.

L’interaction des cadres juridiques, des considérations éthiques et des diverses parties prenantes font du lobbying un processus complexe. Si le lobbying est un élément légitime du processus démocratique, il peut, s’il n’est pas signalé, susciter des inquiétudes quant à la transparence, à l’équité et à l’influence disproportionnée de certains intérêts.

En règle générale, les lobbyistes se répartissent en deux grandes catégories : les lobbyistes salariés et les lobbyistes-conseils. Les lobbyistes salariés sont des employés d’une organisation qui peuvent se livrer à des activités de lobbyisme pour son compte. Les lobbyistes-conseils sont des particuliers qui sont rémunérés pour faire du lobbying pour le compte d’une tierce partie. De manière générale, les règles applicables aux uns et aux autres diffèrent quelque peu.

Le présent bulletin se concentre sur les lois et règlements applicables aux lobbyistes salariés et met en lumière le rôle du lobbying, en particulier dans le secteur pharmaceutique. Nous donnons également un aperçu de la réglementation encadrant les activités de lobbyisme au Canada.

Le lobbying, en toute transparence, c’est bien!

Il y a lieu de considérer l’intérêt public présenté par la liberté d’accès aux institutions de l’État.[1] Le lobbying est une activité légitime qui permet aux particuliers, aux entreprises et aux organisations d’influer sur les politiques publiques et le processus décisionnel. Les motivations qui sous-tendent le lobbying peuvent être diverses et complexes, et dépendent souvent des intérêts et des objectifs propres à ceux qui se livrent à de telles activités. La transparence est donc un objectif clé dans l’élaboration des lois et des règlements sur le lobbying.

Les entreprises pharmaceutiques, par exemple, sont tenues d’interagir avec les gouvernements provinciaux et fédéral afin de mettre des médicaments sur le marché. Dans certains cas, les communications avec les représentants du gouvernement constituent du lobbying. Nous donnons ci-dessous des indications générales sur ce qui constitue du lobbying et sur les mesures à prendre pour garantir le respect des lois applicables.

Qu’est-ce qui est considéré comme une activité de lobbyisme au Canada?

Le Canada dispose d’une loi sur le lobbying, tout comme la quasi-totalité des provinces et des territoires et de certaines municipalités du pays.[2] Toutes les lois sur le lobbying sont très similaires; toutefois, chacune d’elles présente ses particularités (par exemple, les définitions d’activité de lobbyisme et les obligations en matière de déclaration). De façon très générale, constitue une activité de lobbyisme :

  1. toute communication rémunérée[3] (au nom d’un client ou d’une organisation)
  2. avec le titulaire d’une charge publique[4] (au sens de la loi applicable)
  3. au sujet des décisions, des politiques, des lois et des règlements des institutions de l’État[5]

Il existe quelques exceptions à cette définition très générale d’activité de lobbyisme, qui varient d’un territoire à l’autre. En général, les communications qui sont transparentes par nature (par exemple, les auditions publiques des commissions parlementaires) ou qui portent exclusivement sur des demandes de renseignements adressées à un titulaire d’une charge publique ne sont vraisemblablement pas considérées comme des activités de lobbyisme. En outre, il arrive souvent que les communications avec un titulaire d’une charge publique concernant l’exécution, l’interprétation ou l’application d’une loi ou d’une politique existante par celui-ci à l’égard d’une organisation ne soient pas considérées comme des activités de lobbyisme.

Nous présentons ci-dessous des exemples de communications propres au secteur pharmaceutique qui peuvent (ou non) constituer du lobbying.

Présentations de médicaments à Santé Canada

Bien que les employés de Santé Canada soient considérés comme des titulaires d’une charge publique, une communication dans le contexte de la présentation d’un médicament actif ne constitue vraisemblablement pas une activité de lobbyisme, dans la mesure où elle vise à favoriser l’approbation de la présentation dans le cadre d’un régime réglementaire existant. Cependant, les communications sur le processus de présentation en général (c.-à-d. qui ne concernent pas une présentation en particulier ou qui visent à déroger du processus) peuvent être considérées comme des activités de lobbyisme.

Interactions avec le personnel chargé d’un régime public d’assurance médicaments ou d’une liste publique de médicaments assurés

Le personnel chargé d’un programme provincial d’assurance médicaments ou d’une liste provinciale de médicaments assurés entre probablement dans la catégorie des titulaires d’une charge publique telle qu’elle est définie dans les lois applicables. Toutefois, les communications qui se limitent au processus normal d’inscription sur la liste et à l’application des règlements connexes (par exemple, demander des renseignements sur la manière de faire inscrire un médicament sur la liste) ne constituent vraisemblablement pas des activités de lobbyisme. Les communications qui concernent les politiques publiques (par exemple, celles portant qu’un produit ou une catégorie de produits devraient figurer ou non sur la liste) peuvent toutefois constituer des activités de lobbyisme.

Que doit-on faire si on se livre à des activités de lobbyisme?

Les particuliers et les organisations qui se livrent des activités de lobbyisme ont l’obligation de s’enregistrer officiellement en tant que lobbyistes et de déclarer leurs activités de lobbyisme une fois que celles-ci atteignent un certain seuil. Les lobbyistes salariés sont soumis à des obligations qui varient selon le territoire, et leur obligation de déclarer leurs activités de lobbyisme est souvent liée au temps total qu’ils y consacrent au sein de leur organisation, comme l’indique le tableau qui suit.

TerritoireSeuil à partir duquel l’enregistrement est obligatoire (lobbyistes salariés)
Fédéral20 % du temps de l’employé (« partie importante » des fonctions)[6]
(y compris la préparation)
Yukon> 20 heures de lobbying (compte non tenu de la préparation)[7]
Colombie-Britanniquetoute activité de lobbyisme[8]
Alberta> 50 heures de lobbying ou obligation de lobbying > 50 heures
(y compris la préparation)[9]
Saskatchewan> 30 heures de lobbying (y compris la préparation)[10]
Manitoba> 100 heures de lobbying (y compris la préparation)[11]
Ontario> 50 heures de lobbying (compte non tenu de la préparation)[12]
Québec> 12 jours de travail par an (une « partie importante » de l’emploi ou de la fonction, y compris la préparation)[13]
Nouveau-BrunswickL’activité de lobbyisme représente au moins 20 % du temps de travail
sur une période de trois mois[14]
Terre-Neuve et LabradorL’activité de lobbyisme représente au moins 20 % du temps de travail
sur une période de trois mois[15]
Nouvelle-ÉcosseL’activité de lobbyisme représente au moins 20 % du temps de travail
sur une période de trois mois[16]
Île-du-Prince-ÉdouardL’activité de lobbyisme représente au moins 50 heures
sur une période de trois mois[17]

Il existe également des obligations d’enregistrement et de déclaration pour les lobbyistes-conseils, qui doivent généralement s’enregistrer en tant que tels dans un délai déterminé après avoir accepté de faire du lobbying pour le compte d’un client.[18]

Chaque territoire où les activités de lobbyisme sont réglementées dispose d’un bureau ou d’un commissariat au lobbying, qui tient un registre des lobbyistes que le public a la possibilité de consulter. Ces registres permettent notamment d’identifier :

  • la personne ou l’organisation se livrant à des activités de lobbyisme
  • le nom de chaque lobbyiste
  • le ministère/l’agence/le particulier qui a fait l’objet d’une activité de lobbyisme
  • l’objet des communications de lobbying

L’organisation et le particulier qui se livrent à une activité de lobbyisme par suite de laquelle est atteint le seuil à partir duquel l’enregistrement est obligatoire ont l’obligation de s’enregistrer et de déclarer l’activité dans le ou les territoires concernés dans les délais prescrits. S’ils ont fait la communication dans le cadre d’une réunion à laquelle des titulaires de charges publiques de plusieurs territoires ont participé, ils ont l’obligation de s’enregistrer et de déclarer la communication dans chaque territoire. Il est important de noter que les obligations d’enregistrement et de déclaration sont assorties d’une obligation d’information et de mise à jour continue dans chaque territoire. En particulier, certains territoires exigent que certaines communications soient signalées rapidement.

Le non-respect des obligations d’enregistrement et de déclaration constitue une infraction et peut entraîner l’imposition d’amendes ou l’interdiction de se livrer à des activités de lobbyisme.

Conclusion et considérations supplémentaires

Le lobbying est une activité complexe et nuancée qui nécessite une attention particulière aux cadres juridiques et éthiques qui la régissent. L’objectif ultime de ces lois et règlements est de favoriser une culture d’ouverture et de responsabilité dans les interactions entre les lobbyistes et les titulaires d’une charge publique.

En tant qu’élément légitime et bénéfique du processus démocratique, le lobbying vise à informer les politiques publiques et le processus décisionnel et à influer sur eux dans divers secteurs, y compris le secteur pharmaceutique. Pour garantir la transparence et le respect des cadres juridiques et éthiques qui régissent le lobbying, les particuliers et les organisations doivent examiner attentivement la nature, la portée et l’intention de leurs communications avec les titulaires d’une charge publique. En outre, les particuliers et les organisations qui se livrent à des activités de lobbyisme doivent se conformer aux obligations d’enregistrement et de déclaration qui s’appliquent à leurs activités de lobbyisme. 

Les commissariats au lobbying fédéral et provinciaux fournissent souvent des conseils utiles sur les définitions, les seuils et les exceptions qui s’appliquent aux activités de lobbyisme, ainsi que sur les procédures et les délais d’enregistrement et de déclaration. L’élaboration d’un processus interne de suivi et de déclaration des activités de lobbyisme internes peut contribuer à réduire les risques liés à la non-conformité.


[1] Préambule de la Loi sur le lobbying, L.R.C., 1985, ch. 44 (4e suppl.).

[2] Les seules exceptions sont les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut, qui n’ont pas de loi sur le lobbying. Un projet de loi visant à introduire un registre des lobbyistes dans les Territoires du Nord-Ouest a été rejeté en 2015, et aucun projet de loi similaire n’a été présenté depuis.

[3] Le terme « communication » englobe toutes les formes de communication, qu’elles soient écrites ou verbales, et le terme « rémunérée » peut inclure le salaire ou toute autre forme de rémunération d’un employé.

[4] Le terme « titulaire d’une charge publique » est souvent défini de manière très large dans les lois sur le lobbying et inclut les élus et leur personnel, les fonctionnaires et le personnel politique ou gouvernemental.

[5] Les activités de lobbyisme incluent généralement les communications concernant l’élaboration, la modification ou l’abrogation d’une loi, d’un règlement, d’une politique, d’un programme ou d’un avantage financier actuel ou proposé.

[6] Loi sur le lobbying, L.R.C., 1985, ch. 44 (4e suppl.), par. 7(1). Voir aussi : Commissariat au lobbying du Canada, « Une partie importante des fonctions (« La règle du 20% ») ».

[7] Loi sur l’inscription des lobbyistes [PDF], L.Y., 2018, ch. 13, par. 11(1) et art. 12.

[8] Loi sur la transparence des lobbyistes, S.B.C., 2001, c. 42, art. 3(3).

[9] Lobbyists Act, S.A., 2007, c. L-20.5, alinéas 1(1)(h) (« organization lobbyist ») et 5(1)(a).

[10] The Lobbyists Act [PDF], S.S., 2014, c. L-27.01, alinéa 2(1)(h) et par. 7(1).

[11] Loi sur l’inscription des lobbyistes [PDF], C.P.L.M., c. L178, par. 1(2) et alinéa 5(1)(a). Voir également l’article 2 du Règlement sur l’inscription des lobbyistes [PDF], Régl. du Manitoba 34/2012.

[12] Loi de 1998 sur l’enregistrement des lobbyistes, L.O. 1998, chap. 27, annexe, alinéa. 5(1)(a), par. 5(7), alinéa 6(1)(a), par. 6(5).

[13] Loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme, C.Q.L.R., chap. T-11.011, art. 3, 10, 14 (concernant les lobbyistes « d’entreprise » ou « d’organisation »). Voir aussi l’Avis no 2005-07.

[14] Loi sur l’inscription des lobbyistes [PDF], L.N.-B. 2014, ch. 11, alinéas 10(1)(a) et 15(1)(a). Voir également le Règlement du Nouveau-Brunswick 2017-11 [PDF] à l’article 3.

[15] Lobbyist Registration Act, S.NL 2004, c. L-24.1, alinéas 6(1)(b) et 6(2)(a).

[16] Lobbyists’ Registration Act [PDF], S.N.S 2001, ch. 34, alinéas 6(1)(b), 6(2)(a) et 7(2)(a). Voir aussi : Lobbyists’ Registration Regulations, N.S. Reg. 116/2002, art. 5.

[17] Lobbyists Registration Act [PDF], R.S.P.E.I. 1988, ch. L-16.01, alinéas 6(1)(b), 6(2)(a), 7(1)(b) et 7(2)(a).

[18] Voir, par exemple, la Loi sur le lobbying, L.R.C., 1985, chap. 44 (4e suppl.), par. 5(1) et 5(1.1).