Blogue sur le droit de l’emploi et du travail

La décision de la Cour rappelle aux employeurs d’éviter les offres d’emploi en deux étapes

8 Juil 2024 5 MIN DE LECTURE
Auteurs(trice)
Steven Dickie

Associé, Droit du travail et de l’emploi, Toronto

Sneha Ajai

Sociétaire, Droit du travail et de l’emploi, Toronto

Dans Adams c. Thinkific Labs Inc., 2024 BCSC 1129, un tribunal de première instance de la Colombie-Britannique a appliqué la doctrine de la contrepartie à l’étape de la formation du contrat d’emploi pour annuler une clause de cessation d’emploi et accorder à l’employée un dédommagement tenant lieu de préavis raisonnable de cessation d’emploi en common law. L’affaire est un bon rappel des principes de base de la formation d’un contrat d’emploi et de l’importance d’adopter une bonne démarche pour faire des offres d’emploi.

Faits

L’employée a postulé à un emploi auprès de l’employeur en 2021. En août 2021, l’employeur lui a envoyé un courriel d’offre d’emploi qui comprenait des détails sur la rémunération, les avantages sociaux et d’autres renseignements liés à l’emploi (l’offre initiale). Fait important, il ne ressort pas de la décision que l’offre initiale n’a pas été faite à la condition que l’employée signe un contrat d’emploi ou d’autres documents.

L’employée a accepté l’offre initiale en indiquant son nom légal et la date de début souhaitée. Par la suite, l’employeur a envoyé un contrat écrit intitulé « Protection des intérêts de la société », qui comprenait une clause de cessation d’emploi et des conditions restrictives comme la non-concurrence, qui n’étaient pas mentionnées dans l’offre initiale (la lettre d’entente). L’employée a signé cette lettre d’entente et a commencé à travailler le 20 septembre 2021. Elle a été congédiée 20 mois plus tard.

Questions en litige

Les questions en litige étaient les suivantes :

  • L’offre initiale constituait-elle un contrat d’emploi exécutoire complet sans clause de cessation d’emploi, donnant à l’employée droit à un préavis raisonnable ou à une indemnité tenant lieu de préavis en common law?
  • La lettre d’entente contenant d’importantes protections pour l’employeur était-elle applicable?

Décision

Le juge Caldwell a statué que l’offre initiale et son acceptation constituaient un contrat d’emploi complet et que la lettre d’entente subséquente était inapplicable en raison de l’absence de contrepartie pour les nouvelles conditions onéreuses qu’elle imposait. La Cour a déterminé que l’employée avait droit à une indemnité de départ en common law et lui a accordé cinq mois de salaire tenant lieu de préavis.

Motifs

La Cour a conclu que l’offre initiale était détaillée et constituait une offre d’emploi complète, laquelle a été acceptée par l’employée. La lettre d’entente imposait de nouvelles conditions d’emploi sans consultation ni contrepartie supplémentaire. La Cour s’est appuyée sur la décision rendue en 2005 dans l’affaire Krieser c. Active Chemicals Ltd., qui a établi que de nouvelles conditions d’emploi préjudiciables à un employé nécessitaient une contrepartie suffisante, qui n’avait pas été fournie en l’espèce. La Cour a également souligné que

  • la lettre d’entente comportait une clause contractuelle complète faisant référence à des « contrats antérieurs », ce qui laissait entendre que l’offre initiale était bel et bien un contrat;
  • la lettre d’entente ne faisait pas référence aux avantages sociaux mentionnés dans l’offre initiale, qui avaient été utilisés pour inciter l’employée à accepter l’offre d’emploi.

Principaux points à retenir pour les employeurs

Cette décision fait écho aux dangers intemporels de donner des offres d’emploi de vive voix ou par courriel, ou par d’autres moyens moins formels, et de présenter plus tard de nouvelles conditions d’emploi sans « nouvelle » contrepartie. Les employeurs ne peuvent tout simplement pas s’appuyer sur le maintien de l’emploi comme contrepartie suffisante de nouvelles conditions qui sont présentées après qu’une offre initiale a été acceptée.

Lors de la préparation des offres d’emploi, il est important d’inclure toutes les conditions d’emploi, en particulier des clauses restrictives propres à l’entreprise et bien adaptées, ainsi qu’une disposition de cessation d’emploi exécutoire. Les employeurs doivent également prendre note que même un courriel peut être considéré comme un « contrat d’emploi en bonne et due forme », s’il contient les conditions substantielles d’une offre d’emploi. Par conséquent, le fait de demander à un employé éventuel de signer une forme de contrat d’emploi complet et consolidé dès le départ peut avoir l’avantage d’éviter de tels incidents.

Dans notre pratique, nous recommandons fortement aux employeurs de tirer parti des modèles de lettre d’offre d’emploi à jour et pratiques dès le départ afin que l’offre d’emploi complète, y compris toutes les conditions de protection, soit présentée au candidat en même temps. Essentiellement, les offres complètes présentées en « une seule étape » sont de loin préférables aux processus en « deux étapes ».

Toutefois, si l’employeur veut procéder avec une liste de conditions ou un résumé initial de l’offre, malgré les risques élevés que cela comporte (comme le montre la présente affaire), il devra, à tout le moins, indiquer très clairement dans ces documents que la rémunération et les avantages sociaux sont conditionnels à la signature par l’employé d’un contrat d’emploi renfermant toutes les conditions d’emploi, dans une forme que l’employeur juge satisfaisante.