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Faire des affaires au Québec

1 Fév 2024 47 MIN DE LECTURE
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Le Québec est la plus grande province du Canada en termes de superficie et la deuxième en termes de population. La situation stratégique du Québec offre des opportunités uniques aux investisseurs et aux chefs d’entreprise des centres urbains voisins tels que New York, Boston et Toronto.

Les entreprises étrangères qui songent à faire affaire au Québec doivent tenir compte de sa langue, de sa culture et de son système juridique distinct, ainsi que de ses diverses formes d’organisations commerciales. En fait, selon l’Office québécois de la langue française (OQLF), plus de 93 % de la population de la province parle français. Les entreprises étrangères qui souhaitent s’établir au Québec sont tenues de respecter certaines exigences linguistiques, décrites ci-après.

Contrairement aux autres provinces canadiennes, le Québec est une juridiction de droit civil où la plupart des relations entre les particuliers et les entités privées relèvent des dispositions du Code civil du Québec (CCQ).

Formes d’organisations commerciales

Il y a plusieurs formes d’organisations commerciales permettant de faire affaire au Québec, chacune comportant ses propres avantages et inconvénients. Pour déterminer la forme qui lui convient, l’entité étrangère doit tenir compte de facteurs cruciaux tels que les incidences fiscales, le rôle que les investisseurs seront appelés à jouer au sein de l’entreprise ainsi que l’ensemble des questions liées à la responsabilité des obligations contractées pour le service et l’exploitation de l’entreprise.

Exploitation sous forme de succursale ou de filiale

L’une des premières considérations essentielles à l’établissement d’une entreprise au Québec est de déterminer si elle fera affaire directement en tant que succursale de la société étrangère ou si elle exercera plutôt ses activités par l’intermédiaire d’une filiale distincte.

Puisque le recours à une succursale expose la société étrangère aux lois provinciales (du Québec) et fédérales (du Canada), il y a lieu d’envisager la création d’une filiale en propriété exclusive dans le pays d’origine de l’entreprise. Celle-ci ferait alors affaire au Québec (ainsi que dans les autres provinces ou territoires du Canada où la société étrangère désire exercer ses activités) par l’intermédiaire d’une succursale. Selon les lois applicables dans son pays d’origine, la société mère étrangère pourrait ainsi éviter d’être tenue directement responsable des actions de la filiale faisant affaire au Québec. Les sociétés étrangères qui font affaire au Québec par l’intermédiaire d’une succursale sont tenues à certaines obligations envers les autorités fiscales québécoise et canadienne, notamment la production de déclarations de revenus. Plus précisément, une telle société serait assujettie à l’impôt de succursale. En outre, certains paiements qu’elle perçoit de contribuables canadiens pourraient faire l’objet de retenues d’impôt.

Le recours à une succursale au Québec exige l’immatriculation auprès du Registraire des entreprises du Québec. Si l’entreprise exerce également ses activités ailleurs au Canada, elle doit présenter une demande d’immatriculation extraprovinciale dans chaque province et territoire en cause. Dans certains cas, comme au Québec, un « mandataire aux fins de signification » ou un « fondé de pouvoir » doit être nommé dans la province ou le territoire en question aux fins de l’immatriculation. Au Québec, la désignation d’un fondé de pouvoir est requise si l’entreprise qui demande l’immatriculation n’a pas de siège social ni d’établissement dans la province. Par ailleurs, la dénomination sociale ou le nom de société sous lequel l’immatriculation au Québec est accordée doit être approuvé par le Registraire des entreprises et conforme à la Charte de la langue française (la Charte – voir la section intitulée La Charte de la langue française ci-après).

Une société étrangère peut également faire affaire au Québec par l’intermédiaire d’une filiale locale. Le cas échéant, cette filiale sera tenue de produire des déclarations de revenus auprès des autorités fiscales canadiennes et québécoises. En règle générale, la filiale québécoise ne sera toutefois pas assujettie aux retenues d’impôt relativement aux paiements reçus de contribuables canadiens. Les questions d’impôt étranger sont également susceptibles d’influencer le choix de démarrer une entreprise au Québec sous la forme d’une succursale ou d’une filiale. Dans certaines circonstances, il sera possible de transférer des actifs de la succursale à la filiale québécoise en franchise d’impôt aux fins de l’impôt du Québec comme du Canada.

Constitution au Québec

Les entités souhaitant se constituer au Québec peuvent choisir entre le régime provincial, en vertu de la Loi sur les sociétés par actions (Québec) (LSA), et le régime fédéral, en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA). À moins d’indication contraire, cette section porte sur le processus de constitution en vertu de la LSA.

Si une entité étrangère décide de constituer une filiale au Québec, le processus de constitution est généralement très simple et ne requiert aucune approbation gouvernementale majeure. Un simple dépôt est nécessaire, et la société doit être enregistrée auprès de divers organismes gouvernementaux, fiscaux et autres. Bien que certaines règles fiscales doivent être prises en compte, aucune autorisation n’est requise pour constituer le capital-actions d’une société. Celui-ci, de même que l’ensemble des renseignements financiers de la société, n’ont pas à être rendus publics, à moins qu’il ne s’agisse d’une société ouverte qui a fait appel public à l’épargne. Peu importe son régime de constitution, la société doit divulguer les noms et adresses des trois actionnaires qui contrôlent le plus grand nombre de voix, ainsi que l’identité de celui qui détient la majorité absolue. En règle générale, les sociétés québécoises jouissent de la même capacité et des mêmes pouvoirs qu’une personne physique. Elles peuvent également faire affaire partout au Canada et utiliser leur nom dans l’ensemble des provinces et territoires du pays.

La LSA, qui est entrée en vigueur en 2011 et a modernisé les lois sur le droit des sociétés au Québec, s’applique à toutes les entreprises constituées en vertu de la législation du Québec. Avec son entrée en vigueur, des changements importants ont été apportés à la façon de faire affaire au Québec, ce qui distingue la province d’autres territoires et illustre l’engagement de la province d’être un territoire axé sur les affaires. Les trois points qui suivent mettent en évidence certaines des caractéristiques saillantes en termes de flexibilité de la LSA.

1. Le conseil d’administration : résidence et réunions

Au moment de constituer une entreprise en vertu de la LSA, il n’y a aucune exigence en matière de résidence qui s’applique à ses administrateurs. Ainsi, il est possible que le conseil d’une société québécoise soit composé exclusivement d’administrateurs étrangers. Cette réglementation permissive contraste nettement avec la LCSA, qui exige qu’au moins 25 % des administrateurs d’une société soient des résidents canadiens.

En ce qui a trait aux réunions du conseil, la LSA et la LCSA permettent toutes les deux, en règle générale, que celles-ci se déroulent n’importe où; il n’est donc pas nécessaire que les réunions aient lieu sur le territoire d’origine. De plus, sous le régime des deux lois, les administrateurs peuvent participer aux réunions par voie électronique, et chaque administrateur qui le fait est réputé être présent à la réunion en question. Finalement, la présence d’une majorité des administrateurs en fonction constitue le quorum à toute réunion du conseil, et le quorum des administrateurs peut exercer tous les pouvoirs des administrateurs. Cependant, il importe de noter que l’exigence relative à la résidence en vertu de la LCSA s’applique également au quorum, ce qui fait en sorte qu’au moins 25 % des administrateurs présents à une réunion doivent être résidents canadiens pour que le conseil puisse délibérer; cette restriction ne s’applique pas aux sociétés constituées en vertu de la LSA.

2. Émission souple des actions

L’émission d’actions au Québec est souple à plusieurs égards importants :

  • Premièrement, il est possible d’émettre des actions entièrement payées ou non (si elles ne sont pas entièrement payées, les actions pourront faire l’objet d’appels de versements en fonction des règlements de la société; si l’actionnaire omet d’effectuer le paiement requis au moment de l’appel, le conseil peut confisquer les actions en question sans autre formalité);
  • Deuxièmement, une société peut, au moyen d’une résolution unanime des actionnaires, valider l’émission irrégulière d’actions dont le nombre est supérieur au capital-actions autorisé de la société;
  • Troisièmement, une société peut émettre des actions à la suite d’une résolution ordinaire du conseil d’administration.

Ces caractéristiques flexibles du capital-actions des sociétés québécoises ne sont pas prévues dans les dispositions de la LCSA, qui exige que les actions soient entièrement libérées au moment de leur émission. Ces caractéristiques distinguent aussi le Québec de certains autres territoires, où l’émission d’actions exige à la fois l’approbation des actionnaires lors d’une assemblée dûment convoquée et le blocage des fonds de l’entreprise devant un notaire avant l’augmentation du capital. Aucune de ces formalités n’existe au Québec.

3. Continuation

L’adoption de la LSA a donné lieu à la possibilité de continuation (appelée prorogation dans la LCSA), c’est-à-dire que les sociétés constituées en vertu de lois étrangères (p. ex., en vertu de la LCSA ou de lois sur les sociétés d’autres provinces ou territoires canadiens) peuvent désormais continuer leur existence en tant que sociétés régies par la LSA (l’inverse étant également possible), le tout de manière relativement simple. Cette innovation stimule l’attrait du Québec en tant que territoire favorable aux réorganisations de sociétés qui incluent les fusions, et renforce l’ouverture de la province vers l’extérieur.

Déclarations exigées

Toute personne morale établie au Québec, qu’elle ait été constituée au Québec en vertu de la LSA ou qu’elle soit domiciliée au Québec, qu’elle y exerce ses activités en vertu de la LCSA ou qu’elle possède un droit réel immobilier, est assujettie aux dispositions de la Loi sur la publicité légale des entreprises (LPLE) et doit mettre à jour les informations contenues au registre en produisant une déclaration à cet effet, généralement dans les 30 jours de la date où survient le changement.

En outre, une fois par année, dans les six mois de la fin de son année d’imposition, la société assujettie doit produire une déclaration de mise à jour dans laquelle elle indique que les informations contenues au registre sont exactes ou, le cas échéant, les changements qui devraient y être apportés. Cette obligation naît à compter de l’année suivant celle au cours de laquelle la société a été immatriculée.

La déclaration annuelle doit être accompagnée des droits annuels d’immatriculation prévus à l’annexe I de la LPLE. Cette obligation naît à compter de la deuxième année suivant celle au cours de laquelle la société a été immatriculée pour la première fois. Autrement dit, il n’y a aucun droit à acquitter pour la première année suivant sa constitution.

La société peut produire sa déclaration annuelle aux fins de la LPLE en même temps que sa déclaration de revenus.

Nouvelles exigences en matière de transparence en vertu du Projet de loi 78, intitulé Loi visant principalement à améliorer la transparence des entreprises

Depuis l’entrée en vigueur de la Loi visant principalement à améliorer la transparence des entreprises (ci-après la « Loi québécoise sur la transparence ») le 31 mars 2023, les obligations relatives aux déclarations des assujettis ont significativement augmenté. Inspirée des pratiques et réglementations européennes, la Loi québécoise sur la transparence introduit de nouvelles mesures et exigences qui améliorent la transparence des entreprises et qui renforcent la protection du public. Les changements introduits par la Loi québécoise sur la transparence s’inscrivent également dans le cadre des efforts internationaux visant à lutter contre la fraude et l’évasion fiscale, qui figurent parmi les principales priorités du gouvernement du Québec. Contrairement aux initiatives de transparence des entreprises mises en place par le gouvernement fédéral et d’autres provinces, la Loi québécoise sur la transparence s’applique à toutes les entreprises immatriculées en vue d’exercer une activité au Québec, quelle que soit leur juridiction de constitution ou la forme de leur entreprise.

Conformément à l’une des principales modifications apportées à la LPLE après l’entrée en vigueur de la Loi québécoise sur la transparence, un assujetti doit désormais fournir certaines informations relatives à ses bénéficiaires ultimes. Selon la LPLE, un bénéficiaire ultime est défini comme toute personne physique qui (i) contrôle ou détient, même indirectement, un nombre d’actions, de parts ou d’unités de l’assujetti, ou en est bénéficiaire, qui lui confère la faculté d’exercer 25 % ou plus des droits de vote afférents aux actions, aux parts ou aux unités émises par l’assujetti, (ii) contrôle ou détient, même indirectement, un nombre d’actions, de parts ou d’unités de l’assujetti, ou en est bénéficiaire, d’une valeur correspondant à 25 % ou plus de la juste valeur marchande des actions, des parts ou des unités émises par l’assujetti, (iii) exerce une influence directe ou indirecte telle que, si elle était exercée, il en résulterait un contrôle de fait de l’assujetti, (iv) est le commandité ou, si un commandité de l’assujetti n’est pas une personne physique, elle satisfait à l’une des conditions précédemment énumérées aux points i) et iii) ou est partie à une entente visée au deuxième alinéa de l’article 0.4. à l’égard de ce commandité, ou (v) est le fiduciaire de l’assujetti dans le cas d’une fiducie (le « Bénéficiaire ultime »). Les informations à fournir sur les bénéficiaires ultimes d’un assujetti comprennent leurs noms, domiciles et dates de naissance, le type de contrôle qu’ils exercent ou le pourcentage d’actions, de parts ou d’unités qu’ils détiennent, ainsi que les dates auxquelles chaque bénéficiaire ultime l’est devenu et, le cas échéant, a cessé de l’être. Certaines entités, notamment les émetteurs assujettis au Québec, les sociétés d’État, certaines institutions financières, les banques, les fiducies et les personnes morales de droit privé à but non lucratif, sont exemptés de l’obligation de divulguer leurs bénéficiaires ultimes.

En outre, la Loi québécoise sur la transparence ajoute la date de naissance aux informations devant être déclarées par un assujetti au sujet d’une personne physique associée avec cet assujetti (par exemple, les trois actionnaires détenant le plus grand nombre de voix, chacun des administrateurs de l’assujetti, le président, le secrétaire et le chef de la direction de l’assujetti, les associés de l’assujetti). Une copie d’une pièce d’identité délivrée par une autorité gouvernementale (telle qu’un passeport ou un permis de conduire) doit également être fournie au registraire pour chacun des administrateurs de l’assujetti. Bien que la plupart des nouvelles informations divulguées en vertu des modifications de la LPLE imposées par la Loi québécoise sur la transparence soient publiques, les copies de pièce d’identité et les dates de naissance des personnes physiques ne peuvent pas être consultées par le public. De plus, dans le cas où l’adresse professionnelle d’une personne physique a également été déclarée par l’assujetti, le domicile de cette personne physique divulgué conformément à la LPLE ne peut être consulté par le public. Nonobstant ce qui précède, un huissier de justice peut consulter les informations relatives au domicile d’une personne physique dans l’exercice de sa profession.

Bien que ces modifications à la LPLE soient entrées en vigueur le 31 mars 2023, les informations et documents supplémentaires requis mentionnés ci-dessus doivent être divulgués au registraire lors de la première déclaration annuelle de l’assujetti suivant le 31 mars 2023. Le non-respect par l’assujetti de ces nouvelles exigences est soumis aux pénalités et sanctions déjà prévues par la LPLE et peut entraîner des amendes allant jusqu’à 25 000 $ (qui peuvent être doublées en cas de récidive) ainsi que la radiation de son immatriculation au Québec. Plus précisément, le montant des amendes applicables varie en fonction de la personne qui a commis une infraction au titre de la LPLE. Par exemple, alors que l’amende applicable en cas d’infraction commise par des personnes physiques varie de 500 $ à 5 000 $, l’amende applicable en cas d’infraction commise par les sociétés par actions, les administrateurs et les dirigeants varie de 1 000 $ à 10 000 $. Ainsi, une infraction commise par un actionnaire sera punie d’une amende allant de 500 à 10 000 dollars, selon que l’actionnaire est une personne physique ou non. En outre, le tribunal peut rendre toute ordonnance appropriée pour remédier au manquement constituant l’infraction.

Une autre modification importante de la LPLE prévue par la Loi québécoise sur la transparence entrera en vigueur à partir du 31 mars 2024 et permettra au public d’effectuer une recherche dans le registre en ligne à partir du nom et du prénom d’une personne physique afin d’identifier les personnes physiques associées à une société par actions. Nonobstant cette nouvelle fonctionnalité, une recherche dans le registre ne pourra être effectuée qu’à partir d’informations déjà accessibles au public (par exemple, cela ne comprend pas la date de naissance d’une personne physique). 

Sociétés de personnes et coentreprises

Dans certains cas, le recours à une société de personnes ou à une coentreprise, conjointement avec une ou plusieurs personnes ou sociétés au Québec, peut représenter une option intéressante d’un point de vue fiscal. Cela dit, ce choix peut s’avérer désavantageux à d’autres égards, car la présence d’un associé ne résidant pas au Québec peut faire en sorte que les paiements destinés à la société ou provenant de cette dernière soient assujettis à des retenues d’impôt. Si un non-résident détient sa participation dans une société de personnes ou une coentreprise par l’intermédiaire d’une filiale constituée au Québec, les considérations fiscales signalées précédemment au sujet des filiales s’appliqueront. La participation directe d’un non-résident dans une société de personnes ou une coentreprise (aux fins de l’impôt étranger ou à d’autres fins) sera généralement assimilée à l’exploitation d’une entreprise au moyen d’une succursale au Québec.

Au Québec, les sociétés en nom collectif offrent à tous les associés la possibilité de participer également à la gestion de la société, mais ceux-ci doivent également assumer l’ensemble des responsabilités en découlant. Au contraire, les sociétés en commandite comportent deux types d’associés : au moins un commandité, qui gère l’entreprise et est responsable de l’ensemble des dettes et des obligations de la société en commandite, et des commanditaires, qui ne participent pas à la gestion de l’entreprise et dont la responsabilité est limitée à l’étendue de leurs investissements respectifs dans la société en commandite. Pour cette raison, les sociétés en commandite constituent parfois une option intéressante pour les investisseurs.

Il est d’usage de rédiger un contrat de société détaillé dans le cas d’une société de personnes, notamment afin d’éviter certaines dispositions législatives qui s’appliqueraient autrement. Les sociétés en commandite sont communément utilisées pour les investissements, car elles permettent aux commanditaires de tirer parti de la transparence d’une société de personnes en matière d’impôt et, indirectement, de déductions fiscales, tout en préservant leur responsabilité limitée. Le fait de structurer la société de personnes de manière à ce que le commandité (dont la responsabilité est illimitée) soit une société par actions permet de préserver tous les aspects de la responsabilité limitée propres à la constitution en société.

Les dispositions du CCQ concernant les sociétés en commandite sont semblables à celles des lois analogues d’autres provinces canadiennes et de différents États des États-Unis. Au Québec, cependant, les sociétés de personnes présentent certaines caractéristiques juridiques qui les distinguent des sociétés de personnes constituées dans de nombreux ressorts de common law, puisqu’elles disposent d’un patrimoine distinct de celui des associés qui les composent. En droit québécois, chaque personne (physique ou morale) détient un patrimoine, qui constitue l’universalité des droits et des obligations de cette personne ayant une valeur pécuniaire, et au sein duquel les droits garantissent les obligations. Puisque les sociétés de personnes au Québec sont dotées d’un patrimoine, elles ont la capacité notamment de détenir leur propre actif, d’engager leur propre responsabilité et d’ester en justice pour leur propre compte, et ce, même si elles ne sont pas des personnes morales.

Il ne faut pas confondre les sociétés en commandite (limited partnerships) et les sociétés en nom collectif à responsabilité limitée, ou SENCRL (limited liability partnerships ou LLP). Les SENCRL sont habituellement formées par des professionnels, des comptables ou des avocats par exemple. Elles sont d’ailleurs le fruit d’une combinaison des règles régissant les sociétés en nom collectif énoncées dans le CCQ et des règles particulières énoncées au Code des professions du Québec. En raison de cette formation hybride, les SENCRL n’ont pas de commandité et les associés demeurent responsables de leurs propres actes et omissions.

Les accords de coentreprise ou de copropriété véritables, qui concernent en règle générale une ou plusieurs sociétés par actions, permettent d’éviter la responsabilité solidaire et illimitée des associés. Ils permettent également aux coentrepreneurs ou aux copropriétaires d’organiser leurs déductions fiscales différemment des autres coentrepreneurs, ce qui n’est pas possible dans le cas d’une société de personnes. Un accord de coentreprise doit être rédigé avec soin pour éviter que l’entreprise soit considérée comme une société de personnes.

Droit du franchisage

Au Canada, le franchisage relève de la compétence provinciale. Contrairement à certaines autres provinces, le Québec n’a pas de législation portant précisément sur les franchises. Cette forme d’organisation commerciale n’est pas sans réglementation pour autant : les dispositions générales du CCQ et de la Charte s’appliquent. La présente section met l’accent sur trois importantes considérations sous le régime du CCQ. Pour en savoir davantage sur l’incidence de la Charte, veuillez vous reporter à la section intitulée La Charte de la langue française qui suit.

Premièrement, le CCQ impose une obligation d’agir de bonne foi, qui a une portée plus large que l’obligation d’agir équitablement que l’on retrouve dans de nombreuses juridictions de common law, y compris d’autres provinces canadiennes. Au Québec, l’obligation d’agir de bonne foi s’applique non seulement à l’exécution et à l’application des contrats de franchisage, mais aussi à leur négociation. De plus, l’obligation d’agir de bonne foi exige souvent de l’une des parties, le franchiseur par exemple, qu’il communique des faits importants à l’autre partie, le franchisé, alors même qu’il ne serait pas dans son intérêt de le faire. Enfin, l’obligation d’agir de bonne foi empêche une partie d’exercer ses droits contractuels de manière excessive et déraisonnable ou dans le but de causer un tort à l’autre partie. Le droit québécois comporte également cette caractéristique unique qui permet aux tribunaux de reconnaître des obligations contractuelles implicites. Dans un dossier, les tribunaux ont conclu que les contrats de franchisage comportent l’obligation implicite de protéger et de valoriser la marque et que les franchiseurs peuvent être tenus à des dommages-intérêts en cas de manquement à celle-ci. Notre résumé de cette affaire, Bertico inc. et al. c. Dunkin’ Brands Canada Ltd. (Allied Domecq Retailing International (Canada) Ltd.), peut être consulté sur le site Web de la Cour suprême du Canada.

Deuxièmement, le CCQ régit le franchisage par l’intermédiaire de ses dispositions relatives aux « contrats d’adhésion ». Un contrat d’adhésion est un contrat dont les clauses principales ont été imposées ou rédigées par l’une des parties et ne pouvaient être négociées. Dans la mesure où les contrats de franchisage correspondent à cette définition, ils sont assujettis à certaines restrictions d’ordre législatif afin de protéger l’adhérent, soit le franchisé. Par conséquent, ces contrats doivent être rédigés dans un langage clair, et toute ambiguïté sera résolue en faveur du franchisé. Qui plus est, les clauses externes qui ne font pas partie du contrat de franchisage en soi et qui n’ont pas été expressément portées à la connaissance du franchisé avant la signature du contrat risquent d’être jugées nulles par les tribunaux québécois. En revanche, la clarté et la mention explicite ne suffisent pas : les clauses jugées abusives ou excessivement onéreuses peuvent également être déclarées nulles, ou les obligations qui en découlent, être réduites par les tribunaux. Enfin, à compter du 1er juin 2023, une version française de tout contrat d’adhésion devra être systématiquement remise au cocontractant, à défaut de quoi le contrat pourrait être déclaré nul par les tribunaux pour cette seule raison.

Troisièmement, dans le contexte de la vente de biens, le CCQ oblige les fabricants, les distributeurs et les fournisseurs à garantir la qualité et le droit de propriété des biens de la même manière que pour le vendeur. Il est possible, par conséquent, que le franchiseur qui, par exemple, est aussi un fabricant soit tenu responsable des biens défectueux vendus par son franchisé. Une telle responsabilité peut survenir de façon indirecte, si le franchisé exerce un recours en garantie contre le franchiseur après avoir été poursuivi par le consommateur, ou de façon directe, si le consommateur poursuit le franchiseur, même s’il n’y a aucune relation contractuelle entre eux. Le CCQ limite la capacité du franchiseur d’exclure ces garanties, à la fois à l’égard du franchisé et du consommateur, et la Loi sur la protection du consommateur du Québec prévoit des mesures de protection supplémentaires en faveur de ce dernier.

La Charte de la langue française

La Charte fait du français la langue officielle du Québec et régit l’usage du français dans un large spectre d’activités. La Charte énonce le droit fondamental qu’a toute personne d’exiger que les entreprises exerçant leurs activités au Québec communiquent avec elle en français. L’Office québécois de la langue française (OQLF) est l’autorité provinciale chargée de surveiller l’usage du français dans le commerce et les affaires. L’OQLF estime qu’une entreprise fait des affaires au Québec et qu’elle est, par conséquent, assujettie à la Charte si elle a une adresse au Québec ou exerce ses activités au Québec en faisant de la sollicitation auprès de résidents du Québec.

Le gouvernement québécois a récemment apporté de nombreuses modifications à la Charte en adoptant le projet de loi 96. La plupart de ces nouvelles dispositions sont entrées en vigueur le 1er juin 2022. Parmi ces changements, notons :

  • L’exigence pour toutes les entreprises de communiquer de manière généralisée avec leurs employés québécois en français, et en particulier une nouvelle règle exigeant que toutes les entreprises ayant des employés québécois fournissent des documents de formation écrits en français.
  • Des exigences plus strictes en ce qui concerne la publication des offres d’emploi en français obligeant les entreprises à publier la version française des offres d’emploi pour les postes au Québec d’une manière comparable à la publication de la version anglaise.
  • De nouvelles limites quant à la capacité des entreprises d’exiger la connaissance d’une autre langue que le français pour des postes au Québec : 
  • Les entreprises seront désormais tenues de procéder à une évaluation des besoins linguistiques réels associés aux fonctions du poste, d’examiner si les employés existants qui ont déjà une connaissance de l’autre langue pourraient exercer les fonctions qui exigent la connaissance de l’autre langue et, de façon générale, de concentrer les fonctions exigeant la connaissance d’une autre langue dans le plus petit nombre possible de postes.
  • Une nouvelle obligation pour toutes les entreprises d’informer et de servir leurs clients québécois (consommateurs et non-consommateurs) en français.
  • L’exigence, comme condition de validité, que tous les contrats d’adhésion (contrats non négociables) et les contrats de consommation soient systématiquement fournis en français aux contreparties au Québec.
  • Des limites quant à l’utilisation des marques de commerce qui contiennent du texte dans une autre langue que le français dans la publicité commerciale et sur les produits mêmes, en exigeant que ces marques soient enregistrées en vertu de la Loi sur les marques de commerce pour pouvoir être utilisées au Québec.
  • Dans les faits, les entreprises n’auront plus la possibilité d’utiliser des marques de commerce de common law (c’est-à-dire non enregistrées) contenant du texte dans une autre langue que le français dans leur publicité commerciale ni sur leurs produits au Québec.
  • La modification des normes d’affichage dans les locaux en exigeant que le texte français qui accompagne une marque de commerce contenant un texte dans une autre langue que le français soit « nettement prédominant » par rapport au texte non français.
  • Cela exige essentiellement que la taille de l’affichage en français qui doit déjà accompagner toute marque non française sur les lieux soit augmentée à deux fois la taille de la marque non française.
  • La réduction de 50 à 25 employés au Québec du seuil à partir duquel les entreprises deviennent assujetties à l’obligation de se soumettre à un « programme de francisation » visant à généraliser l’usage du français dans leurs activités au Québec.
  • L’augmentation des pouvoirs d’exécution de l’OQLF, l’organisme de réglementation chargé de l’application de la Charte, en lui accordant notamment des pouvoirs d’inspection plus étendus, de nouveaux pouvoirs d’ordonnance et la possibilité de demander l’aide des tribunaux directement pour l’application de la Charte.
  • L’avènement d’un nouveau droit d’action privé pour tous les résidents du Québec afin de demander des mesures injonctives, des dommages-intérêts et des dommages-intérêts punitifs en cas de violation des dispositions de la Charte.

Un nom d’entreprise en français

La Loi sur la publicité légale des entreprises et la Charte exigent que les entreprises exerçant des activités au Québec aient un nom d’entreprise en français. Il ne faut pas toutefois confondre le nom de l’entreprise avec sa marque de commerce; cette dernière n’a pas à être francisée, pour peu que les marques utilisées dans la publicité commerciale ou sur les produits soient enregistrées conformément à la Loi sur les marques de commerce fédérale. Pour illustrer cette distinction, envisageons l’exemple d’un commerce de détail utilisant la marque de commerce « English » dans ses affaires. L’entreprise serait alors tenue de s’immatriculer en utilisant un nom français, comme « Magasins English inc. », mais, dans son affichage public, sa publicité et l’emballage de ses produits, serait autorisée à utiliser sa marque de commerce (« English » tout court), si celle-ci a été dûment déposée conformément à la Loi sur les marques de commerce fédérale. En matière d’affichage, par contre, de nouvelles mesures exigeant que le français soit nettement prédominant ont été adoptées. Nous en faisons état plus en détail ci-dessous.

L’usage du français dans les applications d’affaires courantes

Étiquetage des produits

Chaque inscription sur un produit, son contenant ou son emballage ou sur un dépliant, une brochure ou une fiche accompagnant ce produit, y compris le mode d’emploi et les certificats de garantie, doit être rédigée en français. Cette exigence s’applique également, à titre d’exemple, aux étiquettes concernant les instructions de lavage et la taille. Le texte français peut être accompagné par un texte dans une autre langue, mais ce texte ne doit pas l’emporter sur la version française.

Formulaires de demande d’emploi, bons de commande, factures

Les formulaires de demande d’emploi, les bons de commande, les factures, les reçus, les catalogues, les brochures et tout autre document du même type, rédigé à l’attention des consommateurs, doivent être rédigés en français ou dans une version bilingue.

Le projet de loi 96 exige que les employeurs diffusent en français les offres d’emploi, de mutation ou de promotion, les formulaires de demande d’emploi, les documents ayant trait aux conditions de travail et les documents de formation produits à l’intention du personnel. En outre, tout contrat individuel de travail que l’employeur conclut par écrit doit être rédigé en français, sauf si l’employé préfère l’anglais. Cela dit, lorsque le contrat d’emploi est non négociable, une version française devra être systématiquement remise à l’employé, même si celui-ci préfère l’anglais. Dans la mesure où une version française a bien été remise à l’employé, le contrat peut être conclu en anglais, si cela correspond à la préférence de l’employé. 

Ces modifications envisagées à la Charte viendront augmenter le fardeau réglementaire qui pèse sur les employeurs qui souhaitent embaucher et maintenir leurs effectifs au Québec. Avant d’exiger la connaissance de l’anglais comme condition d’embauche, les entreprises devront mener une évaluation des motifs qui sous-tendent une telle exigence, et consigner le tout par écrit. De manière générale, il leur faudra accorder une plus grande attention aux communications et à la documentation destinées aux employés québécois, comme un plus grand nombre d’éléments devront désormais être offerts en français. En pratique, les entreprises pourraient choisir de revoir la liste des documents réellement nécessaires à leurs activités au Québec et limiter au strict nécessaire ceux fournis à leurs employés québécois, de manière à réduire la tâche de traduction.

Affichage public et publicité commerciale

L’affichage public et la publicité commerciale peuvent aussi être bilingues, pourvu que le français y figure de façon « nettement prédominante ». Sous le régime du projet de loi 96, une marque de commerce peut être rédigée, même en partie, uniquement dans une autre langue que le français, lorsqu’il s’agit d’une marque de commerce déposée au sens de la Loi sur les marques de commerce et qu’aucune version correspondante en français ne se trouve au registre tenu selon cette loi. Toutefois, dans l’affichage public visible depuis l’extérieur d’un local, le français doit figurer de façon nettement prédominante, lorsqu’une telle marque y figure dans une telle autre langue. Dans certains cas, notamment pour les grands panneaux d’affichage visibles depuis la voie publique ou encore la publicité dans les véhicules de transport en commun comme les autobus ou les wagons de métro, l’affichage doit se faire exclusivement en français.

Sites Web

La publicité commerciale affichée sur un site Web doit aussi être rédigée en français. Elle peut être bilingue, pourvu que la version française soit affichée de façon au moins aussi évidente que la version anglaise. En pratique, l’OQLF exige l’équivalence entre les versions française et anglaise du site Web canadien de l’entreprise.

Marques de commerce

Par le passé, toute marque de commerce « reconnue » au sens de la Loi sur les marques de commerce du Canada (qui inclut à la fois les marques déposées et les marques non déposées) bénéficiait d’une exception à l’exigence de bilinguisme concernant les catalogues, les brochures, l’affichage public et la publicité commerciale d’une entreprise, pourvu qu’une version française de cette marque de commerce n’ait pas été enregistrée.

L’OQLF a proposé au cours des dernières années une interprétation plus restrictive de sa réglementation relative à cette exception en affirmant que le nom d’une marque de commerce devait être accompagné d’un générique descriptif en français (p. ex. « Les magasins Best Buy »). Le 9 avril 2014, dans Magasins Best Buy Ltée c. Québec (Procureur général), la Cour supérieure du Québec a jugé que l’interprétation plus large de l’exception devait prévaloir et que le nom d’une marque de commerce peut être utilisé seul. Cette décision a été par la suite confirmée par la Cour d’appel.

En réponse à ces jugements, l’OQLF a effectué des modifications réglementaires qui sont rentrées en vigueur le 24 novembre 2016. Selon les modifications, les entreprises pourront encore employer et afficher des marques de commerce reconnues en anglais, pourvu qu’une version française n’ait pas été déposée. Toutefois, une marque de commerce affichée uniquement en langue anglaise « à l’extérieur d’un immeuble » (y compris à l’extérieur d’un magasin dans un centre commercial intérieur) doit être accompagnée d’une « présence suffisante du français », qui peut prendre la forme de : 1) un générique ou un descriptif des produits ou des services visés, 2) un slogan, ou 3) tout autre terme ou mention jugés suffisants. La « présence suffisante du français » doit également avoir une visibilité permanente et demeurer lisible dans le même champ visuel que celui de la marque de commerce en langue anglaise.

Il s’agit d’une exigence flexible. Par exemple, une marque de commerce en langue anglaise peut être employée sans descriptif en langue française s’il y a un affichage permanent en français de l’information relative aux produits ou aux services offerts, ce qui comprend un simple affichage dans la vitrine du magasin.

Cela dit, aux termes du projet de loi 96, les exigences changeront de nouveau au 1er juin 2025. D’abord, seules les marques de commerce comportant une langue autre que le français qui pourront être utilisées dans l’affichage seront celles déposées conformément à la Loi sur les marques de commerce. Les marques qui, sans être déposées, sont reconnues (souvent dites marques de commerce de common law) ne seront plus autorisées du tout si elles contiennent du texte dans une langue autre que le français. De plus, l’affichage de telles marques de commerce à l’extérieur d’un local ne sera autorisé que si la marque en question est accompagnée d’un texte en français qui occupe deux fois plus d’espace que le texte dans l’autre langue, et dont la police de caractères est deux fois plus grande.

La langue comme condition d’emploi

Il est interdit à un employeur de congédier, de mettre à pied, de rétrograder ou de déplacer un membre de son personnel pour la seule raison que ce dernier ne parle que le français ou qu’il ne connaît pas suffisamment l’anglais. Il est également interdit à un employeur d’exiger, pour l’accès à un emploi, la connaissance de l’anglais, à moins que la nature des tâches à accomplir ne nécessite une telle connaissance.

Les modifications apportées par le projet de loi 96 font en sorte qu’un employeur sera réputé ne pas avoir pris tous les moyens raisonnables pour éviter d’exiger la connaissance ou un niveau de connaissance particulier d’une autre langue que la langue officielle dès lors que, avant d’exiger cette connaissance ou ce niveau de connaissance, l’une des conditions suivantes n’est pas remplie : 1) l’employeur a évalué les besoins linguistiques réels associés aux tâches à accomplir; 2) l’employeur s’est assuré que les connaissances linguistiques déjà exigées des autres membres du personnel étaient insuffisantes pour l’accomplissement de ces tâches; ou 3) l’employeur a restreint le plus possible le nombre de postes auxquels se rattachent des tâches dont l’accomplissement nécessite la connaissance ou un niveau de connaissance spécifique d’une autre langue que la langue officielle.

Les programmes de francisation

Une entreprise qui emploie plus de 50 personnes au Québec doit s’enregistrer auprès de l’OQLF. Aux termes du projet de loi 96, ce seuil passera à 25 employés à compter du 1er juin 2025. Si l’OQLF estime que l’utilisation du français n’est pas généralisée à tous les niveaux de l’entreprise, celle-ci devra adopter un programme de francisation. Le programme de francisation englobe le personnel de gestion, et l’OQLF tient compte du nombre total d’employés situés au Québec, incluant ceux qui peuvent être déployés dans différentes régions de la province. Il est cependant important de noter qu’on ne demande pas aux entreprises de mettre en place ces mesures et de se conformer aux exigences dès le premier jour. Elles peuvent le faire graduellement, au cours d’une période donnée.

Une entreprise employant 100 personnes ou plus doit former un comité de francisation. Si nécessaire, ce comité devra élaborer un programme de francisation et en surveiller l’application. Lorsque l’OQLF sera satisfait de la situation linguistique de l’entreprise, elle lui délivrera un certificat de francisation.

Amendes pour non-conformité

Toute entité qui contrevient à la Charte est passible, pour chaque infraction, d’une amende de 3 000 $ à 30 000 $. Ces montants sont portés au double pour une première récidive et au triple pour toute récidive additionnelle. Est aussi passible de sanctions quiconque contrevient à la Charte en distribuant, en vendant au détail, en louant, en offrant en vente ou en location ou en offrant autrement sur le marché un produit, un logiciel ou une publication non conforme. Un juge peut également, sur demande, imposer une amende additionnelle équivalant au montant de l’avantage pécuniaire tiré de l’infraction et prononcer une injonction pour faire cesser la contravention.

Le projet de loi 96 introduit un droit d’action privé en faveur de tous les résidents du Québec afin qu’ils puissent demander des dommages-intérêts et des dommages-intérêts punitifs ainsi que des mesures injonctives en lien avec les contraventions à la Charte. Dans certains cas, les clients québécois peuvent demander aux tribunaux d’annuler les contrats qui ne leur ont pas été fournis en français.

Contrats publics

Dans certains cas, les entreprises faisant affaire au Québec sont tenues d’obtenir l’autorisation de l’Autorité des marchés publics (« AMP ») pour être admissibles aux appels d’offres ou aux processus d’adjudication et d’attribution des contrats avant de conclure un marché avec un ministère ou une agence gouvernementale du Québec. En outre, une entreprise qui souhaite conclure avec un organisme public tout contrat comportant une dépense, incluant la dépense découlant de toute option prévue au contrat, qui est égale ou supérieure au montant déterminé par le gouvernement doit obtenir à cet effet une autorisation de l’Autorité des marchés publics. Le seuil provincial a été fixé à 5 millions de dollars pour les contrats et les sous-contrats de travaux de construction ou les contrats de partenariat public-privé et à 1 million de dollars pour les contrats et les sous-contrats de services conclus au terme d’un appel d’offres ou de gré à gré. Ces montants incluent, le cas échéant, le montant de la dépense qui serait engagée si toutes les options de renouvellement étaient exercées.

De plus, ces entreprises doivent obtenir une attestation de Revenu Québec, offerte en ligne dans l’espace Mon dossier pour les entreprises. Les entreprises qui souhaitent conclure des contrats publics doivent respecter l’ensemble des autres conditions et obligations énoncées à la Loi sur les contrats des organismes publics.

Protection des renseignements personnels

Au Québec, toute entreprise qui recueille, détient, utilise ou communique tout renseignement personnel, soit tout renseignement qui concerne une personne physique et permet de l’identifier, est assujettie à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, RLRQ, c. P -39.1 (LPRPSP) du Québec.

Le 22 septembre 2021, la Loi modernisant des dispositions législatives en matière de protection des renseignements personnels a été adoptée et est venue modifier considérablement le régime de la LPRPSP, sur une période de trois ans. Comme il en est brièvement question plus loin, les nouvelles règles incluent des sanctions pécuniaires élevées, un régime de déclaration des incidents en matière de sécurité, de nouveaux droits prévus par la loi et de nouvelles obligations en matière de conformité, ainsi que toute une gamme d’autres modifications touchant les organisations du secteur privé.

Les nouvelles exigences et les nouveaux droits individuels sont semblables à ceux prévus au régime en vigueur dans l’Union européenne aux termes du Règlement général sur la protection des données (« RGPD »). Cependant, à plusieurs égards, le régime québécois est plus contraignant que celui du RGPD, ou encore, prévoit des exigences différentes de celui-ci. Ainsi, les entreprises assujetties à la LPRPSP doivent s’assurer d’adapter leurs politiques, procédures et pratiques de manière à se conformer au régime québécois de protection des renseignements personnels, y compris les modifications en voie d’y être apportées.

Nouveautés de 2022

Depuis le 22 septembre 2022, la personne ayant la plus haute autorité au sein de l’entreprise (par exemple, le chef de la direction) est officiellement tenue d’assurer le respect et la mise en œuvre de la LPRPSP. Cette responsabilité peut toutefois être déléguée par écrit, en tout ou en partie, à une autre personne.

En outre, toute entreprise qui a des motifs de croire que s’est produit un incident de confidentialité impliquant des renseignements personnels doit prendre les mesures raisonnables pour diminuer les risques qu’un préjudice soit causé et éviter que de nouveaux incidents de même nature ne se produisent. Si l’incident présente un risque qu’un préjudice sérieux soit causé, l’entreprise doit, avec diligence, aviser la Commission d’accès à l’information (« Commission »), l’organe de surveillance au Québec. Fait à noter, l’entreprise doit également aviser toute personne dont un renseignement personnel est concerné par l’incident, à défaut de quoi la Commission peut lui ordonner de le faire.

Autre nouveauté en vigueur à compter de 2022 : l’exigence d’obtenir le consentement de la personne concernée avant de communiquer un renseignement personnel, exceptionnellement, ne trouvera pas application lorsque la communication est « nécessaire aux fins de la conclusion d’une transaction commerciale », notamment dans les cas de vente d’une entreprise ou de ses éléments d’actif, ou encore pour obtenir un financement.

Nouveautés de 2023

À compter du 22 septembre 2023, les entreprises devront établir et mettre en œuvre des politiques et des pratiques encadrant leur gouvernance à l’égard des renseignements personnels. Celles-ci doivent notamment prévoir l’encadrement applicable à la conservation et à la destruction de ces renseignements, prévoir les rôles et les responsabilités des membres de son personnel tout au long du cycle de vie de ces renseignements et un processus de traitement des plaintes. Elles doivent également être proportionnées à la nature et à l’importance des activités de l’entreprise et être approuvées par le responsable de la protection des renseignements personnels, comme décrit précédemment.

Le titre et les coordonnées du responsable de la protection des renseignements personnels, de même que les politiques précitées, doivent être publiés sur le site Web de l’entreprise.

Tout projet prévoyant l’utilisation de renseignements personnels doit faire l’objet d’une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée. Cette exigence s’applique également à tout transfert de tels renseignements hors Québec. Au surplus, le recours au profilage ou à la technologie de prise de décisions automatisée doit être divulgué, les paramètres des produits technologiques doivent assurer le plus haut niveau de confidentialité par défaut et les personnes concernées auront droit à la désindexation dans certaines circonstances. De plus, sous réserve de certaines exceptions limitées, une période maximale de sept ans pour la conservation des renseignements personnels s’appliquera désormais.

À compter du 22 septembre 2023, les entreprises qui contreviennent au régime québécois de protection des renseignements personnels, par exemple en recueillant, en détenant ou en utilisant de tels renseignements, ou en les communiquant à des tiers, en violation de la LPRPSP, seront passibles de sanctions pécuniaires plus sévères. Plus précisément, la Commission pourra dès lors imposer des sanctions administratives pécuniaires pouvant atteindre 10 millions de dollars ou, s’il est plus élevé, un montant équivalant à 2 % du chiffre d’affaires mondial du dernier exercice financier de l’entreprise. Pour certaines infractions, les amendes pourront atteindre 25 millions de dollars canadiens ou, s’il est plus élevé, un montant équivalant à 4 % du chiffre d’affaires mondial du dernier exercice financier de l’entreprise.

Notons que de nouveaux changements ayant trait à la portabilité des données entreront en vigueur en septembre 2024.

Incidences fiscales québécoises

Les entreprises canadiennes qui envisagent de faire affaire au Québec doivent prendre en considération plusieurs incidences fiscales. Le régime d’imposition des entreprises du Québec est régi par la Loi sur les impôts du Québec (« LIQ ») et ses règlements, le régime de taxe de vente est établi en vertu de la Loi sur la taxe de vente du Québec (« LTVQ ») et d’autres lois québécoises. Même si la LIQ et la LTVQ contiennent des dispositions semblables à celles des lois fiscales fédérales correspondantes, les lois québécoises soulèvent des enjeux qui leur sont propres sur le plan de l’impôt sur le revenu, de la taxe de vente et des cotisations sociales.

À titre d’exemple, alors que les prestations tirées d’un régime d’assurance collective en cas de maladie ou d’accident offert aux employés dans le cadre de leur travail ne constituent pas un avantage imposable aux fins de l’impôt fédéral, elles seraient néanmoins incluses au revenu des employés pour les fins de l’impôt du Québec. Ainsi, les prélèvements sociaux auxquels l’employeur est tenu s’établissent en incluant lesdites prestations dans la masse salariale assujettie à l’impôt québécois. Une autre distinction a trait à l’application de la règle générale anti-évitement prévue à la LIQ. Outre l’avis de cotisation émis en vertu de cette règle, Revenu Québec peut également imposer une pénalité additionnelle équivalant à 50 % du montant ainsi cotisé. En outre, lorsqu’une pénalité imposée en vertu de la règle générale anti-évitement du Québec est maintenue après que les recours en objection et en appel ont été épuisés, le contribuable peut être inclus au registre public des entités et des personnes non admissibles aux contrats publics pour une période de cinq ans.

Le droit du travail et de l’emploi

Bien que les lois régissant le travail au Québec présentent de nombreuses similitudes avec celles d’autres provinces canadiennes, notamment en matière de normes d’emploi, de santé et de sécurité au travail et d’indemnisation des accidentés du travail, elles comportent également des caractéristiques qui les distinguent. Le Québec est par ailleurs considéré comme l’une des provinces canadiennes les plus favorables aux employés et occupe le deuxième rang au pays quant au taux de syndicalisation.

Trois principaux textes législatifs régissent les relations de travail au Québec.

Le Code civil du Québec

Le CCQ régit les contrats de travail. Plusieurs des dispositions qu’il contient sont considérées d’« ordre public », ce qui empêche les cocontractants de sous soustraire à certains droits conférés par le CCQ. À titre d’exemple, si le CCQ autorise les parties à inclure une stipulation de non-concurrence au contrat de travail, la portée de celle-ci doit comporter des limites strictes quant à la durée, au lieu et au type d’activités interdites. De plus, un employeur ne peut pas se prévaloir d’une clause de non-concurrence s’il a mis fin au contrat d’emploi sans motif sérieux (soit en cas de congédiement sans cause juste et suffisante). Les parties à un contrat de travail ne peuvent exclure l’application de ces restrictions par une stipulation. Les tribunaux refuseront de faire droit à toute clause restrictive qui ne respecterait pas les limites imposées par le CCQ.

Autre illustration : les employeurs sont tenus de fournir aux salariés un délai de congé raisonnable ou une indemnité tenant lieu de délai de congé, si le lien d’emploi est rompu sans motif valable. Il n’existe pas de formule préétablie pour déterminer la durée du délai de congé raisonnable en droit civil. Elle sera déterminée au cas par cas en tenant compte de différents facteurs, y compris l’âge, les états de service, le type d’emploi occupé et les responsabilités confiées au salarié. La jurisprudence indique qu’un délai de congé raisonnable ne doit pas excéder 24 mois. Cela dit, dans certains cas exceptionnels, il peut atteindre 26 ou 27 mois. Il s’agit ici aussi d’une exigence que les parties ne peuvent exclure par une stipulation dans leur contrat de travail. Un salarié conserve son recours pour obtenir un délai de congé raisonnable (ou une indemnité en tenant lieu), et ce, même si son contrat de travail prévoyait une indemnité moins généreuse en cas de congédiement.

Le Code du travail du Québec

Le Code canadien du travail régit les relations de travail au sein des entreprises relevant de la compétence fédérale, alors que chaque province est dotée de sa propre législation analogue, applicable aux organisations relevant de sa compétence législative. Au Québec, les employeurs relevant de la compétence provinciale sont assujettis au Code du travail du Québec.

La Loi sur les normes du travail

Le Québec a également adopté la Loi sur les normes du travail, qui énonce des exigences minimales quant à certaines modalités d’emploi, notamment le salaire minimum, les heures de travail et les heures supplémentaires, les vacances et les jours fériés, la grossesse, les congés parentaux et les avis de cessation d’emploi. Il s’agit ici également de normes minimales qui ne peuvent être exclues par le biais d’un contrat. 

Dispositions importantes

La loi contient plusieurs dispositions établissant des normes du travail importantes :

  • Le salaire minimum a été fixé à 15,25 $ au 1er mai 2023. Règle générale, il est ajusté annuellement. Voir le Règlement sur les normes du travail
  • La semaine de travail normale est de 40 heures. Les heures supplémentaires entraînent une majoration de 50 % du salaire horaire habituel. Des règles spéciales s’appliquent à certaines industries.
  • Le salarié a droit à un congé annuel payé d’une durée minimale de deux semaines après un an de service continu, et de trois semaines après trois ans de service continu.
  • Les employeurs sont tenus de fournir à leurs salariés un environnement exempt de harcèlement psychologique. Même s’ils ne peuvent garantir qu’il n’y aura jamais d’incidents de harcèlement psychologique dans leur entreprise, ils doivent i) prévenir toute situation de harcèlement psychologique par des moyens raisonnables et ii) agir pour mettre fin à tout harcèlement psychologique dès qu’ils en prennent connaissance en appliquant les mesures appropriées, y compris les sanctions disciplinaires nécessaires.
  • Les salariés qui justifient de plus de trois mois, mais de moins d’un an de service ont droit à un préavis écrit d’une semaine avant toute cessation d’emploi ou mise à pied. Ce préavis est de deux semaines si le salarié justifie d’un an à cinq ans de service continu, de quatre semaines s’il justifie de cinq à dix ans de service continu et de huit semaines s’il justifie de dix ans ou plus de service continu.
  • Un préavis écrit de licenciement collectif est requis si un employeur met fin à l’emploi d’au moins 10 employés ou les licencie. Ce préavis est de huit semaines si le nombre de salariés visés se situe entre 10 et 99, de douze semaines si ce nombre se situe entre 100 et 299 et de seize semaines si 300 salariés ou plus sont visés. Un employeur ne peut mettre fin à l’emploi d’un salarié comptant au moins deux années de service sans fournir de « cause juste et suffisante ». Si le Tribunal administratif du travail conclut qu’un salarié a été congédié sans cause juste et suffisante, il peut ordonner à l’employeur de le réintégrer dans son poste ou de lui payer une indemnité pouvant aller jusqu’à un montant équivalant au salaire que le salarié aurait normalement perçu s’il n’avait pas été congédié.

Épargne-retraite

Plusieurs programmes gouvernementaux d’avantages sociaux et d’épargne-retraite sont offerts au Québec (notamment le Régime des rentes du Québec, la pension de la Sécurité de la vieillesse, les prestations d’assurance-emploi, l’indemnisation des accidentés du travail). Ces programmes sont gérés par des agences gouvernementales. Les obligations des employeurs en lien avec ceux-ci, par exemple les retenues salariales, sont prévues aux lois applicables. Le Québec offre également à l’ensemble de ses résidents un système de soins de santé universel de base.

Règle générale, les employeurs ne sont pas tenus d’offrir à leurs salariés des avantages sociaux en sus des programmes gouvernementaux de base. Les employeurs qui comptent au moins 10 salariés au Québec doivent toutefois offrir une forme de rente ou de programme d’épargne-retraite (comme un régime d’épargne collectif ou « REER ») ou encore participer à un régime volontaire d’épargne-retraite (ou RVER) administré par une institution financière. Les salariés doivent être en mesure de cotiser au régime d’épargne-retraite à même leur salaire, mais les employeurs ne sont pas tenus de contribuer.

Faire des affaires au Québec

Les entreprises étrangères qui songent à faire des affaires au Québec doivent tenir compte de la langue, de la culture et du système juridique.

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