Le 28 septembre 2023, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont publié la version définitive du règlement sur la conduite commerciale en dérivés à la suite d’un vaste processus de consultation. Le Règlement 93-101 sur la conduite commerciale en dérivés (le Règlement) et l’Instruction générale relative au Règlement 93-101 sur la conduite commerciale en dérivés (l’instruction générale)[1] instaurent un régime d’encadrement de la conduite commerciale des courtiers et des conseillers (sociétés de dérivés) sur le marché des dérivés au Canada. Malgré les efforts déployés dans la foulée de la crise financière mondiale de 2008 pour instaurer un régime de réglementation exhaustif des dérivés, le Canada était le seul pays du G20 qui n’avait pas encore mis en œuvre de règlement sur la conduite commerciale des marchés des dérivés. En publiant la version définitive du Règlement, les ACVM ont l’intention de mettre en œuvre un régime encadrant la conduite commerciale qui est largement harmonisé non seulement à l’échelle du Canada, mais aussi avec les régimes d’autres marchés clés des dérivés comme les États-Unis et l’Union européenne. Un grand nombre des obligations en matière de conduite commerciale sont semblables à celles qui s’appliquent aux courtiers et conseillers en valeurs mobilières en vertu du Règlement 31-103 sur les obligations et dispenses d’inscription et les obligations continues des personnes inscrites (Règlement 31-103). Elles ont toutefois été adaptées pour tenir compte des caractéristiques des marchés des dérivés.
En prévision de l’entrée en vigueur du Règlement, le 28 septembre 2024 (la date d’entrée en vigueur), les sociétés de dérivés devront examiner et mettre à jour leurs activités liées aux dérivés pour veiller à ce qu’elles soient conformes au Règlement à la date d’entrée en vigueur. Cet article résume les dispositions du Règlement et les principales considérations en matière de conformité pour les sociétés de dérivés.
Application du Règlement
Sociétés réglementées
Le Règlement s’applique à la conduite commerciale en dérivés d’une personne ou d’une société qui répond à la définition de « courtier en dérivés » ou de « conseiller en dérivés », et des personnes agissant en leur nom, qu’elles soient inscrites ou dispensées de l’inscription dans une province ou un territoire canadien[2]. Les ACVM ont adopté un critère fondé sur l’activité analogue à celui qui s’applique aux courtiers et conseillers en valeurs mobilières en vertu du Règlement 31-103. Plus précisément, une personne ou une société est un courtier en dérivés ou un conseiller en dérivés en vertu du Règlement si elle exerce l’activité consistant à effectuer des opérations sur dérivés (courtier) ou si elle exerce l’activité consistant à conseiller autrui en matière de dérivés (conseiller). Certains participants au marché, comme les banques qui exercent d’importantes activités de négociation de dérivés et de conseil en matière de dérivés, répondent clairement au critère fondé sur l’activité. D’autres, par contre, devront évaluer de façon globale leurs activités liées aux dérivés en prenant en considération la liste non exhaustive de facteurs figurant dans l’Instruction générale, afin de déterminer s’ils seraient considérés comme exerçant l’activité de négociation en dérivés ou l’activité de conseil en matière de dérivés et, par conséquent, s’ils sont assujettis au Règlement. Les facteurs énoncés par les ACVM dans l’Instruction générale et susceptibles de s’appliquer sont notamment les suivants :
- Le fait d’agir à titre de teneur de marché : se tenir ordinairement prêt à effectuer des transactions sur dérivés en répondant aux demandes de cotations ou en mettant des cotations à la disposition d’autrui, et percevoir généralement une rémunération pour l’apport de liquidité, sur les écarts, les frais et les autres formes de rétribution.
- Le fait d’exercer l’activité, directement ou indirectement, de façon répétitive, régulière ou continue : effectuer des transactions fréquentes ou régulières, même s’il ne s’agit pas de l’activité principale de la personne.
- Le fait de faciliter ou d’intermédier des transactions : faciliter la négociation ou intermédier des transactions entre des tierces contreparties.
- Le fait d’effectuer des transactions dans l’intention d’être rémunéré : recevoir ou s’attendre à recevoir une forme de rémunération pour exercer l’activité consistant à effectuer des transactions.
- Le fait d’effectuer directement ou indirectement du démarchage relativement à des transactions : entrer en communication avec d’autres personnes par un moyen quelconque pour leur proposer i) des transactions sur des dérivés, ii) une participation à des transactions sur des dérivés ou iii) des services rattachés à des transactions sur des dérivés (remarque : le fait de communiquer avec une éventuelle contrepartie sans avoir l’intention d’être rémunéré ou sans s’attendre à être rémunéré ne répond pas forcément à ce facteur).
- Le fait d’exercer des activités analogues à celles d’un conseiller en dérivés ou d’un courtier en dérivés : exercer des activités similaires à celles décrites précédemment.
- Le fait de fournir des services de compensation de dérivés : permettre à des tiers de compenser des dérivés par l’entremise d’une chambre de compensation en vue de réaliser une opération, par une personne qui jouerait généralement un rôle d’intermédiaire sur le marché des dérivés.
Aux fins du Règlement, le client ou la contrepartie d’un courtier ou d’un conseiller en dérivés, selon le cas, est désigné comme une « partie à un dérivé ».
Entités dispensées
Les chambres de compensation admissibles, le gouvernement du Canada, le gouvernement d’une province ou d’un territoire du Canada, le gouvernement d’un territoire étranger, la Banque du Canada, les banques centrales de territoires étrangers, la Banque des règlements internationaux et le Fonds monétaire international sont dispensés de l’application du Règlement. Toutefois, les sociétés de dérivés qui exercent des activités de courtage ou de conseil à l’égard de ces entités peuvent être assujetties au Règlement. Le Règlement ne s’applique pas non plus aux sociétés de dérivés qui exercent des activités de courtage ou de conseil à l’égard d’une entité du même groupe (autre qu’un fonds d’investissement du même groupe).
Parties admissibles à un dérivé
Le Règlement prévoit une approche à deux niveaux pour la protection des participants au marché des dérivés, selon qu’une partie à un dérivé est une « partie admissible à un dérivé » ou une « partie inadmissible à un dérivé » :
- Les dispositions de base présentées ci-dessous s’appliquent lorsqu’une société de dérivés exerce des activités de courtage ou de conseil à l’égard d’une partie à un dérivé quelconque, que cette partie soit admissible ou inadmissible.
- D’autres obligations i) s’appliquent lorsqu’une société de dérivés exerce des activités de courtage ou de conseil à l’égard d’une partie inadmissible à un dérivé, et ii) s’appliquent, mais peuvent être annulées lorsqu’une société de dérivés exerce des activités de courtage ou de conseil à l’égard d’une partie admissible à un dérivé qui est un particulier ou un opérateur en couverture commercial admissible.
Le concept de partie admissible à un dérivé est analogue à celui de participant admissible à un contrat (eligible contract participant) en vertu de la Commodity Exchange Act des États-Unis et des réglementations connexes de la CFTC. Il reflète le point de vue des ACVM selon lequel, en raison de leur nature sophistiquée, de leur surveillance réglementaire, de leurs ressources financières ou de leur expérience, certaines parties à un dérivé n’ont pas besoin de l’ensemble des protections en matière de conduite commerciale accordées à d’autres parties à un dérivé. Voici les principales parties admissibles à un dérivé :
- Institutions financières canadiennes (banques de l’Annexe I ou II, sociétés de fiducie et de prêt, coopératives de crédit, compagnies d’assurance, etc.)
- Personnes inscrites à titre de courtiers ou conseillers en dérivés, conseillers en valeurs mobilières ou en contrats à terme sur marchandises, ou courtiers en placements
- Caisses de retraite réglementées et leurs filiales en propriété exclusive
- Entités étrangères analogues à celles énumérées précédemment
- Gouvernements canadiens et leurs sociétés d’État, organismes publics et entités en propriété exclusive, gouvernements étrangers et leurs organismes publics, et municipalités, commissions et offices publics du Canada
- Sociétés de fiducie canadiennes et étrangères agissant au nom de comptes gérés
- Personnes inscrites à titre de conseillers en valeurs mobilières ou en contrats à terme sur marchandises ou de conseillers en dérivés agissant au nom de comptes gérés et personnes autorisées à exercer ces activités
- Fonds d’investissement gérés par une personne inscrite à titre de gestionnaire de fonds d’investissement en vertu de la législation canadienne en valeurs mobilières ou conseillés par un conseiller inscrit ou dispensé de l’inscription en vertu de la législation canadienne en valeurs mobilières ou en contrats à terme sur marchandises
- Personnes morales dont l’actif net est d’au moins 25 millions de dollars canadiens, comme l’indiquent leurs derniers états financiers
- Opérateurs en couverture commerciaux dont ce statut a été déclaré par écrit[3]
- Personnes physiques ayant la propriété véritable d’actifs financiers[4] ayant une valeur de réalisation globale avant impôt, mais déduction faite des passifs correspondants, d’au moins 5 millions de dollars canadiens (parties admissibles à un dérivé qui sont des particuliers fortunés)
- Personnes morales dont les obligations dans le cadre des dérivés sont pleinement garanties ou soutenues (p. ex., par une lettre de crédit) en vertu d’une entente écrite, par une ou plusieurs parties à un dérivé (autres qu’un opérateur en couverture commercial ou une partie admissible à un dérivé qui est un particulier fortuné)
- Chambres de compensation admissibles
Les sociétés de dérivés sont généralement assujetties à des obligations de conduite commerciale moins strictes lorsqu’elles font affaire avec une partie à un dérivé qui est une partie admissible à un dérivé. Seules les obligations non annulables suivantes s’appliqueront (dispositions de base) :
- Section 1 [Obligations générales à l’égard de toutes les parties à un dérivé] du Chapitre 3 [Activités de courtage ou de conseil avec les parties à un dérivé] du Règlement (traitement équitable, conflits d’intérêts, connaissance de la partie à un dérivé, traitement des plaintes et vente liée)
- Articles 24 [Interaction avec d’autres instruments] et 25 [Séparation des actifs des parties à un dérivé]
- Paragraphe 28(1) [Contenu et transmission des renseignements sur les transactions]
- Chapitre 5 [Conformité et tenue de dossiers]
Toutefois, si la partie admissible à un dérivé est i) une personne physique ou ii) un opérateur en couverture commercial qui n’entre dans aucune autre catégorie des parties admissibles à un dérivé (un opérateur en couverture commercial admissible), les autres obligations du Règlement s’appliquent par défaut à l’égard de cette partie admissible à un dérivé, à moins qu’elle ait fourni une déclaration écrite indiquant qu’elle renonce à des protections prévues par le Règlement et précisant les protections visées par la déclaration. L’Instruction générale précise qu’une personne physique ou un opérateur en couverture commercial peut renoncer à des dispositions précises pour un dérivé précis, une classe de dérivés ou tous les dérivés. Bien qu’il n’y ait aucune obligation de mettre à jour la déclaration de renonciation après qu’elle a été faite, la partie admissible à un dérivé peut annuler toute renonciation en tout ou en partie.
Obligations en matière de conduite commerciale
Le Règlement impose aux sociétés de dérivés des obligations étendues en matière de conduite commerciale qui s’appliquent à divers moments de leurs relations avec les parties à un dérivé : avant la transaction, à l’exécution de la transaction, durant le cycle de vie du dérivé et après la fin de la transaction.
Obligations générales
Certaines dispositions de base sont traitées comme des obligations fondamentales et s’appliquent par conséquent à l’égard de toutes les parties à un dérivé, qu’elles soient admissibles ou inadmissibles. Plus précisément, toutes les sociétés de dérivés devront respecter les obligations suivantes :
- Traitement équitable : Agir avec honnêteté et équité et de bonne foi avec les parties à un dérivé.
- Conflits d’intérêts : Relever tous les conflits d’intérêts importants, notamment ceux que la société de dérivés s’attend raisonnablement à voir survenir, entre elle, y compris les personnes physiques agissant pour son compte, et les parties à un dérivé.
- Connaissance de la partie à un dérivé : Obtenir les faits nécessaires pour vérifier l’identité de la partie à un dérivé (y compris certains de ses propriétaires véritables), le statut d’initié à l’égard d’un émetteur dont les titres sont négociés sur un marché, l’accès à de l’information importante inconnue du public et la solvabilité de la partie à un dérivé (si la société de dérivés sera exposée à un risque de crédit). Tous ces renseignements doivent être tenus à jour.
- Traitement des plaintes : Consigner et traiter rapidement chaque plainte qui est faite au sujet de tout produit ou service offert par la société de dérivés ou une personne physique agissant pour son compte.
- Vente liée : Ne pas exercer des pressions indues pour forcer une personne ou une entreprise à se procurer un produit ou un service lié aux dérivés auprès d’une personne ou d’une entreprise donnée, afin d’obtenir un autre produit ou service de la société de dérivés.
Autres obligations
En plus des obligations générales susmentionnées, les sociétés de dérivés auront d’autres obligations en matière de conduite commerciale, notamment :
- Obligations d’information et de convenance : Obtenir des renseignements suffisants, et les tenir à jour, sur les besoins et les objectifs de la partie à un dérivé, et veiller à la convenance du dérivé et de la transaction pour la partie à un dérivé.
- Obligations relatives aux ententes d’indication : Consigner par écrit les modalités de toute entente d’indication et toutes les commissions d’indication; vérifier les qualifications de toute personne ou entreprise qui reçoit l’indication et communiquer l’information prévue dans le Règlement à la partie à un dérivé faisant l’objet de l’indication.
- Obligations de présentation de l’information et de déclaration :
- Avant d’effectuer une transaction avec une partie à un dérivé ou de la conseiller, transmettre l’information sur la relation prévue dans le Règlement relativement au compte, aux frais et à la relation avec la société de dérivés.
- Communiquer par écrit, au moins 60 jours avant leur entrée en vigueur, les nouveaux frais ou autres frais de compte et les augmentations de frais.
- Pour les courtiers en dérivés, avant d’effectuer une transaction sur un type de dérivé, fournir la déclaration préalable à la transaction prévue dans le Règlement, y compris l’information concernant le type de dérivé, les risques et les caractéristiques importantes du dérivé, ainsi que la déclaration prévue dans le Règlement sur le risque lié à l’effet de levier dans les transactions sur dérivés.
- Pour les courtiers en dérivés, fournir une valorisation quotidienne de chaque dérivé en cours, et ce, chaque jour ouvrable.
- Pour les conseillers en dérivés, transmettre un relevé de valorisation trimestriel, sauf si la partie à un dérivé demande que le relevé de valorisation soit transmis mensuellement.
- Pour les courtiers en dérivés non résidents, fournir l’avis prévu dans le Règlement indiquant, entre autres, le territoire étranger où ils sont domiciliés et le fait qu’il pourrait être difficile de faire valoir ses droits contre eux.
- Pour les courtiers en dérivés, transmettre un avis d’exécution écrit des transactions (lorsqu’il est destiné à une partie inadmissible à un dérivé, cet avis doit inclure des renseignements propres à la transaction).
- Fournir des relevés trimestriels des parties à un dérivé (c.-à-d. relevés de compte) indiquant les transactions effectuées au cours du trimestre et d’autres renseignements relatifs au compte (p. ex., description de toutes les sûretés remises, du solde en espèces du compte, de tous les autres actifs de la partie à un dérivé détenus par la société de dérivés, etc.).
- Séparation et utilisation des actifs des parties à un dérivé : À moins d’être assujettie et de se conformer à certaines lois et directives particulières concernant les actifs et les sûretés[5] des clients, la société de dérivés doit :
- Séparer les actifs et les positions sur dérivés des parties à un dérivé des biens et des positions sur dérivés de la société de dérivés et d’autres personnes.
- Détenir la marge initiale auprès d’un « dépositaire autorisé »[6].
- Ne pas utiliser ni investir la marge initiale sans le consentement écrit de la partie à un dérivé et à moins que la société de dérivés n’ait conclu un accord écrit avec la partie à un dérivé selon lequel la société de dérivés assume toutes les pertes résultant de l’investissement ou de l’utilisation de la marge initiale.
- Obligations de conformité et de tenue de dossiers :
- Établir, maintenir et appliquer des politiques et des procédures pour assurer la conformité à la législation en valeurs mobilières relativement aux activités de courtage et de conseil en dérivés, la gestion des risques liés aux activités en dérivés et la compétence des personnes agissant au nom de la société de dérivés.
- Pour les courtiers en dérivés, désigner une personne à titre de « dirigeant responsable des dérivés » pour chaque unité fonctionnelle de dérivés de la société. Les dirigeants responsables des dérivés doivent superviser les activités liées aux dérivés de l’unité fonctionnelle afin d’en assurer la conformité et de remédier à tout manquement. Les dirigeants responsables des dérivés doivent présenter des rapports annuels de conformité au conseil d’administration (ou l’équivalent) de la société.
- Pour les courtiers en dérivés, signaler rapidement tout manquement à l’organisme de réglementation des valeurs mobilières applicable lorsque le manquement crée ou a créé un risque de préjudice important pour une partie à un dérivé ou pour les marchés des capitaux, ou représente un manquement important récurrent.
- Conclure un accord avec la partie à un dérivé qui établit toutes les modalités importantes régissant la relation entre la société de dérivés et la partie à un dérivé.
- Tenir des dossiers sur ses transactions en dérivés et ses activités de conseil, y compris les dossiers prévus dans le Règlement. Les dossiers doivent être conservés pendant sept ans (huit ans au Manitoba) à compter de la date de leur création.
Dispenses
Même si une société répond au critère fondé sur l’activité et que, par conséquent, elle est considérée comme un courtier en dérivés ou un conseiller en dérivés assujetti au Règlement, elle peut se prévaloir d’une dispense par rapport à l’ensemble ou à une partie des obligations du Règlement. Les principales dispenses sont les suivantes :
- Utilisateurs finaux : Une dispense de l’ensemble des dispositions du Règlement est accordée aux sociétés qui i) ne démarchent pas une partie inadmissible à un dérivé, ne font pas de transactions avec une partie inadmissible à un dérivé, pour une telle partie ou au nom d’une telle partie et ne conseillent pas une partie inadmissible à un dérivé (à l’exception des conseils généraux, conformément à la dispense pour conseils généraux discutée plus loin), ii) ne tiennent pas et n’offrent pas régulièrement de tenir un marché pour un dérivé, iii) ne facilitent pas et n’intermédient pas régulièrement des transactions pour le compte d’autres personnes, ou iv) ne facilitent pas la compensation de dérivés au moyen des installations d’une chambre de compensation admissible pour le compte d’autres personnes. Toutefois, la dispense n’est pas accordée aux sociétés qui sont inscrites en vertu de la législation en dérivés, en valeurs mobilières ou en contrats à terme sur marchandises dans une province ou un territoire du Canada ou dans une catégorie équivalente dans le territoire étranger où elles sont domiciliées.
- Courtiers et conseillers en dérivés étrangers : Une dispense de l’ensemble des dispositions du Règlement est accordée aux courtiers et conseillers en dérivés étrangers, dont le siège social ou l’établissement principal se trouve dans un territoire étranger admissible[7], pourvu que le courtier ou le conseiller en dérivés respecte les conditions suivantes : i) il effectue des transactions uniquement avec une partie admissible à un dérivé, pour une telle partie ou au nom d’une telle partie ou conseille uniquement une partie admissible à un dérivé, ii) il est inscrit ou détient un permis ou une autorisation en vertu de la législation en valeurs mobilières, en contrats à terme sur marchandises ou en dérivés d’un territoire étranger admissible, pour exercer dans ce territoire les activités en dérivés qu’il exerce avec les parties admissibles à un dérivé canadiennes locales, iii) il se conforme à la législation en valeurs mobilières, en contrats à terme sur marchandises ou en dérivés, iv) il donne à l’organisme canadien de réglementation des valeurs mobilières applicable accès à ses livres et dossiers relatifs aux activités exercées avec une partie à un dérivé canadienne locale, v) il fournit à la partie à un dérivé un avis écrit indiquant, entre autres, le territoire étranger où il est domicilié et le fait qu’il pourrait être difficile de faire valoir ses droits contre lui, et vi) il soumet à l’organisme canadien de réglementation des valeurs mobilières l’annexe 93-101F Acte d’acceptation de compétence et de désignation d’un mandataire aux fins de signification. Pour les conseillers en dérivés, un avis de recours à la dispense prévue pour les conseillers en dérivés étrangers au cours de toute période de 12 mois précédant le 1er décembre d’une année doit être remis à l’organisme canadien de réglementation des valeurs mobilières applicable au plus tard le 1er décembre de cette année[8].
- Courtiers en placement membres de l’OCRI et institutions financières canadiennes : Une dispense d’une partie des dispositions du Règlement peut être accordée aux courtiers en placement membres de l’Organisme canadien de réglementation des investissements (OCRI) et à certaines institutions financières canadiennes sous réglementation prudentielle, à condition que ces courtiers et institutions soient assujettis et se conforment aux règles, dispositions et réglementations en matière de conduite correspondantes de l’OCRI ou des autorités de réglementation prudentielle applicables, et qu’ils avisent rapidement l’autorité en valeurs mobilières de tout manquement important à ces règles, dispositions et réglementations.
- Dispense générale concernant un montant notionnel : Une dispense des dispositions du Règlement (autres que les obligations sur le traitement équitable, les conflits d’intérêts et la transmission de l’information sur les transactions) peut être accordée aux courtiers en dérivés qui i) ne démarchent pas une partie inadmissible à un dérivé, ne font pas de transactions avec une partie inadmissible à un dérivé, pour une telle partie ou au nom d’une telle partie et ne conseillent pas une partie inadmissible à un dérivé (à l’exception des conseils généraux conformément à la dispense pour conseils généraux discutée plus loin), et ii) dont le montant notionnel brut global en fin de mois de certains dérivés en cours durant les 24 derniers mois ne dépasse pas 250 millions de dollars canadiens[9].
- Dispense concernant un montant notionnel pour un courtier en contrats sur marchandises : Une dispense des dispositions du Règlement (autres que les obligations sur le traitement équitable, les conflits d’intérêts et la transmission de l’information sur les transactions) peut être accordée aux courtiers en dérivés qui i) sont des courtiers en dérivés uniquement du fait de transactions en dérivés sur marchandises, ii) ne démarchent pas une partie inadmissible à un dérivé, ne font pas de transactions avec une partie inadmissible à un dérivé, pour une telle partie ou au nom d’une telle partie et ne conseillent pas une partie inadmissible à un dérivé (à l’exception des conseils généraux conformément à la dispense pour conseils généraux discutée plus loin), et iii) dont le montant notionnel brut global en fin de mois de certains dérivés sur marchandises en cours durant les 24 derniers mois ne dépasse pas 10 milliards de dollars canadiens[10]. Toutefois, cette dispense ne s’applique pas à l’égard de tout dérivé sur marchandises dont le sous-jacent est un cryptoactif.
- Conseils généraux : Une dispense de toutes les dispositions du Règlement est accordée aux sociétés qui fournissent des conseils ne visant pas à répondre aux besoins de la personne qui les reçoit. Si le conseil comprend la recommandation d’une transaction relative à un dérivé, à une catégorie de dérivés ou au sous-jacent d’un dérivé ou d’une catégorie de dérivés dans lesquels la société ou certaines parties apparentées prévues dans le Règlement ont un intérêt financier ou autre, cet intérêt doit être mentionné en même temps que le conseil.
- Sous-conseillers en dérivés étrangers : Une dispense de toutes les dispositions du Règlement est possible pour les sous-conseillers en dérivés dont le siège social ou l’établissement principal se trouve dans un territoire étranger admissible, pourvu qu’il respecte les conditions suivantes : i) le conseiller ou courtier en dérivés a conclu une entente écrite avec ses parties à un dérivé, par lequel il convient d’assumer toutes les pertes découlant d’un manquement du sous-conseiller en dérivés à l’obligation d’agir avec honnêteté et diligence et de bonne foi, ii) le sous-conseiller en dérivés est inscrit ou détient un permis ou une autorisation dans une catégorie d’inscription ou est dispensé de l’inscription en vertu de la législation en valeurs mobilières, en contrats à terme sur marchandises ou en dérivés du territoire étranger admissible et cette législation permet au sous-conseiller en dérivés d’y exercer les activités que l’inscription à titre de conseiller en dérivés lui permettrait d’exercer dans une province ou un territoire canadien, et iii) le sous-conseiller en dérivés exerce l’activité de conseiller en dérivés dans le territoire étranger admissible.
- Conseillers inscrits en vertu de la législation en valeurs mobilières ou en contrats à terme sur marchandises : Une dispense d’une partie des dispositions du Règlement peut être accordée aux conseillers en dérivés qui sont inscrits en tant que conseillers en vertu de la législation en valeurs mobilières (c.‑à‑d. Règlement 31-103) ou de la législation en contrats à terme sur marchandises de l’Ontario et du Manitoba, pourvu que la société se conforme aux dispositions en matière de conduite commerciale correspondantes de la législation en valeurs mobilières ou en contrats à terme sur marchandises applicable. Cette dispense vise à permettre à ces conseillers inscrits d’étendre leurs systèmes de conformité existants aux activités de dérivés exercées avec leurs clients. L’annexe B de l’Instruction générale résume les dispositions du Règlement qui s’appliquent et celles qui ne s’appliquent pas à ces conseillers inscrits qui s’appuient sur cette dispense.
Période de transition
Le Règlement entrera en vigueur le 28 septembre 2024. Compte tenu de l’ampleur du travail que les sociétés de dérivés devront effectuer pour revoir les ententes avec leurs parties à un dérivé en fonction de leur statut de partie admissible ou inadmissible, et pour se conformer aux obligations en matière de conduite commerciale, les ACVM ont prévu une période de transition de cinq ans expirant le 28 septembre 2029 (la période de transition). Au cours de la période de transition, les sociétés de dérivés pourront traiter une partie à un dérivé comme une partie admissible à un dérivé aux fins du Règlement si elles ont reçu de sa part une déclaration indiquant qu’elle se classe dans l’une des catégories suivantes (les catégories de transition des parties admissibles à un dérivé) :
- Un « client autorisé », au sens du Règlement 31-103.
- En Ontario, un « investisseur qualifié » qui est une personne morale, au sens du Règlement 45-106.
- Une « contrepartie qualifiée », au sens de la Loi sur les instruments dérivés (Québec).
- Une « partie qualifiée », au sens de certains règlements et ordonnances des commissions des valeurs mobilières de l’Alberta, de la Colombie-Britannique, du Manitoba, du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de la Saskatchewan.
- Un « eligible contract participant » (participant admissible à un contrat), au sens de la Commodity Exchange Act des États-Unis.
- Une « contrepartie financière », telle que définie dans le règlement européen sur les infrastructures de marché.
- Une « contrepartie non financière » qui dépasse les seuils de compensation indiqués dans le règlement européen sur les infrastructures de marché.
Les sociétés de dérivés devraient examiner leurs documents de négociation existants pour déterminer si leurs parties à un dérivé ont fourni une telle déclaration afin d’être en mesure de traiter ces parties comme des parties admissibles à un dérivé et d’être uniquement assujetties aux obligations de base à l’égard de ces parties à un dérivé pendant la période de transition. En ce qui concerne les parties à un dérivé qui sont une personne physique ou un opérateur en couverture commercial, une renonciation écrite demeure exigée afin qu’elles puissent être traitées comme des parties admissibles à un dérivé et que les sociétés de dérivés soient assujetties à des obligations de conduite commerciale moins strictes. Les sociétés de dérivés disposeront d’un an à compter de la date d’entrée en vigueur (c.-à-d. jusqu’au 28 septembre 2025) pour obtenir la renonciation requise des parties à un dérivé afin de continuer à les traiter comme des parties admissibles à un dérivé après l’expiration de cette période d’un an.
Les transactions en cours qui ont été conclues avant la date d’entrée en vigueur, pour lesquelles la société de dérivés a déterminé que la partie à un dérivé se classe dans l’une des catégories de transition des parties admissibles à un dérivé, sont dispensées de l’application du Règlement, hormis de l’obligation de traitement équitable.
Points à retenir
La version définitive du Règlement constitue une étape importante dans l’évolution du régime de réglementation des dérivés au Canada, et permettra au Canada d’être à la hauteur des autres pays du G20. Avant la date d’entrée en vigueur, les courtiers et conseillers en dérivés canadiens et étrangers devraient examiner attentivement leurs activités de dérivés pour déterminer si la règle s’appliquera à eux et de quelle façon, et définir les prochaines étapes à suivre pour assurer la conformité. Les sociétés devraient s’attendre à ce que les organismes sectoriels, comme l’ISDA, déploient des efforts continus pour faciliter la mise en œuvre du Règlement au cours de la prochaine année et de la période de transition.
[1] La version définitive publiée est un règlement multilatéral qui s’applique dans l’ensemble des provinces et des territoires, à l’exception de la Colombie-Britannique. Dans leur avis de publication, les ACVM notent toutefois que la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique a l’intention d’adopter des règles largement semblables à une date ultérieure, après quoi le règlement multilatéral sera converti en règlement national applicable dans l’ensemble des provinces et des territoires.
[2] Remarque : bien que les ACVM aient présenté le projet de Règlement 93-102 sur l’inscription en dérivés aussi récemment qu’en 2018, il n’y a actuellement aucune obligation d’inscription en dérivés en vigueur au Canada, sauf au Québec en vertu de la Loi sur les instruments dérivés (Québec).
[3] La catégorie « opérateur en couverture commercial » des parties admissibles à un dérivé est destinée à s’appliquer aux unités fonctionnelles qui concluent des contrats de dérivés pour couvrir un risque véritable dans leur entreprise, ce risque pouvant être lié i) à un actif que la personne possède, produit, fabrique, traite ou commercialise, ou prévoit raisonnablement posséder, produire, fabriquer, traiter ou commercialiser (p. ex., un producteur de marchandises qui cherche à gérer les fluctuations saisonnières du prix de ces marchandises), ii) à un passif que la personne encourt ou prévoit raisonnablement encourir (p. ex., un emprunteur constitué en société qui cherche à couvrir le risque de taux d’intérêt flottant dans le cadre de ses facilités de crédit), ou iii) aux services que la personne fournit, achète ou prévoit raisonnablement fournir ou acheter.
[4] Les actifs financiers sont définis par renvoi au Règlement 45-106 sur les dispenses de prospectus (Règlement 45-106), qui est utilisé pour dispenser les « investisseurs qualifiés » des obligations de prospectus prévues dans la législation en valeurs mobilières, et comprennent les espèces, les titres, un contrat d’assurance, un dépôt ou un titre représentatif d’un dépôt qui ne constitue pas un titre aux fins de la législation en valeurs mobilières.
[5] Articles 3 à 8 du Règlement 94-102 sur la compensation des dérivés et la protection des sûretés et des positions des clients; Ligne directrice E-22, Exigences de marge pour les dérivés non compensés centralement, du Bureau du surintendant des institutions financières (fédéral); Ligne directrice en matière de marges relatives aux dérivés de gré à gré non compensés par une contrepartie centrale de l’Autorité des marchés financiers (Québec); et Règlement 81-102 sur les fonds d’investissement.
[6] Ce dépositaire peut être une institution financière canadienne (c.-à-d. une banque de l’Annexe I ou II, une société de fiducie et de prêt, une coopérative de crédit, etc.), une chambre de compensation admissible, la Banque du Canada ou une banque centrale d’un territoire prévu dans le Règlement, et une institution bancaire ou une société de fiducie située dans un territoire prévu dans le Règlement et dont les capitaux propres sont d’au moins 100 millions de dollars canadiens.
[7] À l’heure actuelle, il s’agit des pays suivants : Australie, Brésil, États-Unis, Hong Kong, Islande, Japon, Norvège, Nouvelle-Zélande, République de Corée, Royaume-Uni, Singapour, Suisse et tout pays membre de l’Union européenne (territoires étrangers admissibles).
[8] Cette obligation ne s’applique pas aux conseillers en dérivés étrangers qui se conforment aux exigences de déclaration et de paiement des frais applicables à une société internationale non inscrite et dispensée en vertu du règlement 13‑502 sur les frais de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario.
[9] Le montant notionnel est calculé comme suit :
- Pour un courtier en dérivés canadien local, il s’agit de déterminer le montant notionnel de toutes ses transactions (moins les transactions entre membres du même groupe) et d’additionner le montant notionnel de toutes les transactions des membres du groupe qui sont une contrepartie locale canadienne (moins les transactions entre membres du même groupe).
- Pour un courtier en dérivés étranger, il s’agit de déterminer le montant notionnel de toutes ses transactions avec des contreparties canadiennes locales (moins les transactions entre membres du même groupe) et d’additionner le montant notionnel de toutes les transactions des membres du groupe qui sont une contrepartie locale canadienne (moins les transactions entre membres du même groupe).
[10] Le montant notionnel est calculé de la même manière que pour la dispense générale concernant un montant notionnel discutée ci-dessus, mais en tenant uniquement compte des dérivés sur marchandises.