Auteurs(trice)
Associée, Droit du travail et de l'emploi, Ottawa
Associée, Droit des sociétés, Toronto
Associé, Droit des sociétés, Toronto
Les régimes de rémunération des dirigeants ont été bouleversés en 2020 à la suite des effets dramatiques de la pandémie de COVID-19 sur les plans d’activités ainsi que des mesures extraordinaires prises par les gouvernements nationaux et étrangers pour contenir le virus. En outre, des décisions judiciaires canadiennes privilégiant les intérêts des employés ont été rendues en 2020. Celles-ci ont obligé les employeurs à revoir leurs pratiques de rémunération courantes.
Finalisation des décisions relatives à la rémunération pour 2020
La plupart des entreprises canadiennes avaient fixé leurs objectifs de rendement liés aux primes incitatives à court terme en 2020 et avaient prévu leurs attributions d’incitatifs à long terme pour l’année avant que l’Organisation mondiale de la santé déclare, le 11 mars 2020, la COVID-19 comme étant une pandémie mondiale. Dans les semaines qui ont suivi cette déclaration, les mesures de confinement prises dans de nombreux pays ont réduit à néant les plans d’activités, entraîné une rupture des chaînes d’approvisionnement, plongé le monde en récession et mené à une baisse soudaine et dramatique du cours des actions. Ainsi,
- certaines entreprises ont commencé à réduire les salaires et la rémunération incitative à court terme ou à reporter le paiement de la rémunération incitative à court terme de 2019, conservant des liquidités pour survivre en temps de crise ;
- la baisse soudaine du cours des actions a fait en sorte que l’attribution d’options d’achat d’action est soudain passée hors du cours. Cette dépréciation a non seulement éliminé la presque totalité des incitatifs économiques, mais elle a aussi découragé les employés au moment où ils devaient déployer des efforts extraordinaires ;
- manifestement, les attentes de rendement sous-tendant les décisions en matière de rémunération incitative prises au début de 2020 ont dû être réévaluées.
Dès lors, les conseils d’administration ont songé à réévaluer le prix des options d’achat d’actions en cours ou de prolonger la vie des options d’achat d’actions précédemment attribuées, comme nous en avons discuté dans notre bulletin d’actualités Osler intitulé « Considérations sur la réévaluation d’options d’achat d’actions à l’ère de la COVID-19 » sur osler.com, pour composer avec l’impact sur les détenteurs, en particulier sur ceux qui ont eu la malchance de détenir des options qui devaient expirer pendant le ralentissement du marché. Toutefois, les exigences des bourses des valeurs et celles relatives à l’approbation des actionnaires ainsi que les considérations fiscales ont engendré des difficultés importantes. L’Institutional Shareholder Services (ISS), société de conseil en matière de procurations, a indiqué qu’elle appliquerait son approche en matière de politique du cas par cas à toute réévaluation d’options d’achat d’actions. La remise d’options en contrepartie d’espèces ou leur échange contre d’autres types d’attributions posent des défis semblables.
Par conséquent, de nombreux émetteurs ont commencé à chercher d’autres façons de remplacer ou de modifier les attributions pour lesquelles les mesures de rendement établies n’étaient plus efficaces. Malheureusement, la modification des conditions d’attribution des actions existantes ou l’octroi de nouvelles attributions, en particulier lorsqu’elles sont combinées avec des modifications des salaires actuels, peut entraîner des conséquences fiscales défavorables au Canada et aux États-Unis, comme nous en avons discuté dans le bulletin d’actualités Osler d’avril 2020 intitulé « Conséquences fiscales inattendues de la modification du mécanisme de rémunération pendant la crise de COVID-19, au Canada et aux États-Unis » sur osler.com.
Dans de nombreux cas, les émetteurs ont choisi de repousser les décisions sur les rajustements de salaire à plus tard durant l’année. Même si les marchés se sont presque remis des périodes creuses du printemps, les conséquences de la pandémie de COVID-19 ont été variées. Pour prendre des décisions définitives relatives à la rémunération en 2020, les comités de rémunération devront soupeser
- la nécessité de récompenser le rendement de la direction dans des circonstances où elle subit une forte pression pour préserver les activités, protéger les employés, redresser les finances et utiliser de nouvelles technologies et stratégies ;
- les questions liées à la réduction des effectifs et des salaires, s’il en est, mise en place par l’émetteur ;
- les avis des sociétés de conseil en matière de procurations qui témoignent de peu de sympathies à l’égard des primes de rendement ou des honoraires rajustés en fonction du rendement, sauf en ce qui a trait aux réussites en fonction d’un rendement relatif. Par exemple, la société de conseil en matière de procurations Glass Lewis a déclaré, en mars, que [traduction] « en fait, de nombreux travailleurs, y compris les membres de la direction, ne devraient pas s’attendre à toucher le même salaire qu’ils recevaient avant la crise, puisque leur valeur sur le marché libre en tant que capital humain a maintenant changé. » L’ISS a également indiqué dans sa Policy Guidance on the Impact of the COVID-19 Pandemic (en anglais) que ses politiques de référence en matière de vote ne soutiennent pas la modification des attributions au milieu d’une période de mesure du rendement et que ces modifications seront évaluées au cas par cas pour déterminer si les administrateurs ont fait preuve d’un usage approprié de leur pouvoir discrétionnaire et communiqué suffisamment de détails sur les motifs de leur décision aux actionnaires ;
- les considérations quant aux fluctuations temporaires du marché, qui ont une incidence disproportionnée sur les questions liées à la rémunération fondées sur des déclencheurs rigides et périodiques, comparativement à la perspective à long terme des investisseurs, qui peuvent reporter la réalisation jusqu’à la reprise des marchés boursiers.
Alors qu’ils mettent la dernière touche aux plans d’activités pour 2021, les émetteurs doivent analyser attentivement les mesures incitatives qui s’appliqueront l’an prochain.
Modification des pratiques à la lumière de décisions difficiles
L’antipathie judiciaire envers le traitement standard de la rémunération incitative a atteint de nouveaux sommets en 2020. De nombreuses affaires judiciaires, notamment une affaire de la Cour suprême du Canada, ont nettement fait pencher la balance en faveur des employés. D’autres détails sur ces décisions et leurs effets potentiels sur les employeurs sont inclus dans l’article intitulé COVID-19 et les décisions difficiles pour les employeurs : défis relatifs à l’emploi en 2020.
- Dispositions en matière d’annulation : Le 15 juillet 2020, dans l’affaire Battiston v. Microsoft Canada Inc. (en anglais),la Cour supérieure de l’Ontario a conclu que l’annulation des primes de rendement à long terme à la cessation d’emploi sans motif était [traduction] « sévère et oppressante », exigeant des mesures raisonnables pour veiller à ce que l’employé soit au courant de cette annulation. Cette affaire est actuellement portée en appel par la Cour d’appel de l’Ontario. Osler représente Microsoft.
- Dommages pour perte de rémunération incitative à long terme : le 13 octobre 2020, la Cour suprême du Canada dans l’affaire Matthews c. Ocean Nutrition Canada Limited a conclu que les clauses d’exclusion dans un régime d’intéressement à long terme n’ont pas éliminé le droit de l’employé à une prime à la démission ou à la cessation d’emploi, avec ou sans motif, et que l’employé pourrait quand même déposer une demande de dommages-intérêts. Même si la clause d’exclusion a supprimé le droit à une prime, les conditions du régime n’ont pas expressément retiré le droit de l’employé de demander des dommages-intérêts découlant de la perte de l’attribution.
En outre, le 17 juin 2020, la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire Waksdale (en anglais) a invalidé une clause contractuelle applicable au licenciement sans motif de l’employé, puisque les clauses du contrat de travail se rapportant au licenciement motivé contrevenaient à la Loi de 2000 sur les normes d’emploi (Ontario). Plus de détails sur cette décision se trouvent dans l’article intitulé « COVID-19 et décisions difficiles pour les employeurs : les défis de l’emploi en 2020 ».
À la lumière de ces décisions, les employeurs devraient réexaminer le libellé de leurs contrats de travail, de leurs régimes de rémunération et de leurs ententes d’attribution. Les employeurs devraient également réviser leurs processus et pratiques de communication avec les employés relatives aux questions de rémunération, notamment aux conséquences d’une cessation d’emploi sur les attributions en cours.
Les décisions relatives à la rémunération pour 2020, et la communication de ces décisions dans les circulaires sollicitant des procurations en 2021, seront scrutées à la loupe sur tous les plans et exigeront qu’une attention particulière y soit portée. Les décisions relatives à la rémunération pour 2021 seront prises dans un contexte commercial et juridique très différent de celui de 2020. Un examen soigneux sera de mise non seulement pour déterminer les salaires et les mesures de rendement appropriés, mais également les documents et les communications connexes.
Modifications proposées pour l’imposition des options d’achat d’actions accordées à partir du 1er juillet 2021
Dans l’énoncé économique de l’automne du 30 novembre 2020, le gouvernement fédéral a repris ses propositions de 2019 visant à modifier l’imposition des options d’achat d’actions. Le traitement fiscal des options octroyées par les employeurs qui sont des sociétés privées sous contrôle canadien (SPCC) ou d’autres sociétés qui ne sont pas des SPCC et qui sont des « entreprises en démarrage, émergentes ou en expansion » n’est pas touché. Les sociétés qui ne sont pas des SPCC dont le revenu annuel brut ne dépasse pas 500 millions de dollars seraient incluses dans la catégorie des « entreprises en démarrage, émergentes ou en expansion ».
Pour les options accordées par d’autres sociétés ou par des fonds communs de placement, la possibilité pour l’employé de bénéficier de la déduction fiscale de 50 % au titre de l’avantage lié à l’option sera soumise à un plafond d’acquisition annuel de 200 000 dollars. Le traitement fiscal des options octroyées avant le 1er juillet 2021 ne sera pas touché. Vous trouverez plus de détails sur les changements proposés dans notre Présentation de l’Énoncé économique de l’automne de 2020.
Bien que l’utilisation des options d’achat d’actions pour les sociétés cotées en bourse ait diminué au fil du temps, les options n’ont pas été entièrement éliminées en raison de l’avantage financier que représente pour les employés le taux d’imposition favorable. Toutefois, une modification du taux d’imposition applicable pourrait accroître encore l’utilisation des attributions de pleine valeur en fonction du rendement.