Le gouvernement canadien prolonge temporairement les délais d’examen relatifs à la sécurité nationale

10 Août 2020 6 MIN DE LECTURE

Le 31 juillet 2020, le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie (le Ministre) a publié un arrêté ministériel [PDF] (l’Arrêté) conformément à la Loi sur les délais et autres périodes (COVID-19) (la Loi) prolongeant certaines périodes de l’échéancier d’examen de sécurité nationale en vertu de la Loi sur Investissement Canada (la LIC) et établi par le Règlement sur les investissements susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale (examen).

Contexte

La LIC prévoit un régime général d’examen et un régime discrétionnaire d’examen de sécurité nationale.  L’Arrêté ne s’applique qu’au régime d’examen de sécurité nationale. 

Il y a trois étapes d’examen dans le cadre du régime de sécurité nationale de la LIC, et l’examen peut être terminé à l’une ou l’autre des étapes s’il est déterminé que l’investissement ne soulève pas de préoccupations en matière de sécurité nationale.

  • Première étape : Lors de la première étape, le gouvernement détermine s’il a des « motifs raisonnables de croire que l’investissement pourrait porter atteinte à la sécurité nationale » (nous soulignons), et, par conséquent, s’il y a lieu d’envoyer un avis a l’investisseur à l’effet qu’un examen de sécurité nationale du Cabinet fédéral pourrait être ordonné (un Avis).
  • Deuxième étape : Une fois l’Avis envoyé, le Cabinet fédéral dispose d’un autre délai pour déterminer s’il doit émettre un décret pour un examen de sécurité nationale par le Cabinet (Décret d’examen).
  • Troisième étape : Une fois le Décret d’examen émis, un long examen approfondi de sécurité nationale est entrepris. On peut s’attendre à ce qu’un examen complet de sécurité nationale prenne au moins le maximum de 200 jours prévu par la LIC. En pratique, cela prend généralement beaucoup plus de temps car l’investisseur n’a vraiment pas d’autre choix que de consentir à des extensions ou d’abandonner la transaction. 

Effet de l’Arrêté

En vertu de l’Arrêté, les délais relatifs à la première et à la deuxième étape du régime d’examen de sécurité nationale ont été prolongés :

  1. La période de révision de la première étape pour les investissements étrangers nécessitant une demande d’examen ou de notification d’investissement en vertu des dispositions générales de la LIC est prolongé de 15 jours, pour un total jusqu’à 60 jours après l’attestation du dépôt applicable. Une demande de révision ou d’avis d’investissement est requise pour les investissements étrangers conférant le contrôle d’une entreprise canadienne ou établissant une nouvelle entreprise canadienne.
  2. La période de révision de la première étape pour les investissements étrangers qui ne nécessitent pas de demande ou de notification (e.g., les investissements au Canada par des non-Canadiens, lesquels ne confèrent pas de contrôle) sont prolongés de 135 jours, pour un total de 180 jours après la date de mise en œuvre.
  3. La période de révision de la deuxième étape (i.e. après la publication d’un Avis) est prolongée de 45 jours, pour un total jusqu’à 90 jours suivant la date de l’Avis.

Plus important encore, la Loi prévoit que les suspensions ou les prolongations ordonnées par le Ministre ne peuvent aller au-delà du 31 décembre 2020.

Le Gouvernement du Canada a fourni un diagramme utile illustrant les extensions ici.

L’Arrêté a été publié le 4 août 2020, mais est entré en vigueur le 31 juillet 2020. Ces prolongations s’appliquent aux examens en cours au 31 juillet 2020 et à tout examen entrepris après le 31 juillet 2020. Les périodes d’examen qui ont expiré avant le 31 juillet 2020 ne sont pas visées par l’Arrêté. Bien que le ministre aurait pu rendre l’Arrêté rétroactif, aucune rétroactivité n’y est incluse. Par exemple, les prorogations prévues dans l’Arrêté ne s’appliquent pas à un investissement qui a été notifié plus de 45 jours avant le 31 juillet 2020 si aucune mesure n’a été prise en vertu des dispositions de la LIC relatives à l’examen de sécurité nationale au cours de cette période de 45 jours.

L’Arrêté fournit des précisions bienvenues sur la question de savoir si les nouveaux pouvoirs de prolongation, proposés pour la première fois en mai 2020, seraient utilisés pour prolonger les délais d’examen de sécurité nationale de la LIC et, le cas échéant, de quelle manière. Pour la grande majorité des investissements étrangers au Canada qui nécessitent un avis ou un examen en vertu des dispositions générales de la LIC, l’Arrêté ne donne lieu qu’à une légère prolongation du délai qui doit être écoulé avant que l’on puisse obtenir une certitude quant à l’application du processus discrétionnaire d’examen en matière de sécurité nationale. Cela reflète bien le fait que la grande majorité de ces investissements ne soulèvent pas de préoccupations en matière de sécurité nationale au Canada, et que moins de 1 % de tous les investissements notifiés et examinés ont fait l’objet d’un Décret d’examen en 2018-2019.

L’impact le plus significative de l’Arrêté est sur les investissements étrangers au Canada pour lesquels il n’est pas nécessaire de déposer ni une notification, ni une demande en vertu de la LIC. Cette catégorie d’investissements comprend les investissements qui ne confèrent pas le contrôle d’une entreprise canadienne. Par exemple, en vertu de la LIC, l’acquisition de moins d’un tiers des actions avec droit de vote d’une entité est généralement réputée ne pas conférer de contrôle, et le contrôle de fait n’étant un facteur pertinent que pour les investissements par des entreprises d’État (EdÉs) et les investissements dans le secteur culturel canadien. Pour de tels investissements, la certitude quant à la possibilité d’entreprendre un examen de sécurité nationale a été prolongée, passant des 45 jours habituels à six mois après la clôture (même si, dans la pratique, la période de prolongation ne peut pas dépasser le 31 décembre 2020).

Cet élargissement du délai d’examen est conforme aux déclarations antérieures du Ministre soulignant qu’un examen accru est appliqué à tous les investissements étrangers, peu importe la taille, dans les secteurs essentiels à la réponse du Canada à la COVID-19, ainsi qu’à tous les investissements des EdÉs au Canada. La prolongation du délai prévue par l’Arrêté donne au gouvernement canadien plus de temps pour déterminer les investissements qui ne doivent pas être portés à son attention.