Auteurs(trice)
Associé directeur du bureau de New York, New York
Associé, Droit des sociétés, New York
La plupart des changements opérés par la Securities and Exchange Commission des États-Unis (la SEC) en 2017 qui revêtent un intérêt particulier pour les Canadiens touchent davantage les façons de faire que le fonds peu de changements importants ayant trait au cadre règlementaire transfrontalier canado-américain. Néanmoins, les émetteurs canadiens inscrits auprès de la SEC qui dressent leurs états financiers conformément aux Normes internationales d’information financière (les IFRS) ressentiront certainement le pincement d’au moins un changement dans les façons de faire à compter du dépôt de leur prochain rapport annuel auprès de la SEC.
« Tague, c’est à toi ! »
Pendant de nombreuses années, les émetteurs inscrits auprès de la SEC qui dressaient leurs états financiers au moyen des principes comptables généralement reconnus des États-Unis (les PCGR américains) étaient tenus de les dresser également dans un format de données interactif, en les « taguant » au moyen du langage XBRL. Les émetteurs privés étrangers du Canada et d’autres pays qui dressaient leurs états financiers conformément aux IFRS étaient en mesure d’éviter cette obligation, parce que la SEC n’avait pas encore approuvé une « taxonomie » ou un code pour les IFRS.
Cette année marque la fin de cet échappatoire, puisque la SEC a annoncé qu’une taxonomie XBRL applicable aux IFRS avait finalement été approuvée. Par conséquent, tous les émetteurs canadiens déposant des rapports auprès de la SEC seront tenus d’inclure des états financiers en format XBRL, même s’ils dressent leurs états financiers conformément aux IFRS. Cette exigence commencera à s’appliquer aux rapports annuels déposés en 2018 pour les exercices se terminant le 15 décembre 2017 ou après cette date.
En outre, les états financiers en format XBRL devront être joints à titre de pièce à la déclaration d’inscription déposée en vertu de la loi américaine intitulée Securities Act of 1933 (la Loi de 1933), mais non à l’égard d’un premier appel public à l’épargne (un PAPE). Les états financiers en format XBRL ne devront pas être joints à titre de pièce à une déclaration d’inscription produite en vertu de la Loi de 1933 si elle ne contient pas des états financiers, comme une déclaration d’inscription sur formulaire F-10 déposé par un émetteur canadien aux termes du régime d’information multinational canado-américain (le RIM).
Vous n’aurez qu’à apprendre à vous contenter de moins
Comme nous le prédisions l’année dernière, la SEC a publié des règles définitives abrégeant le délai standard de règlement des opérations, le faisant passer de trois jours ouvrables (T+3) à deux jours ouvrables (T+2), sauf si les parties à l’opération ont convenu d’un délai de règlement plus long au moment de l’opération. Le Canada a emboîté le pas. Le cycle de règlement T+2 est entré en vigueur pour les opérations conclues sur le marché secondaire à la fois aux États-Unis et au Canada le 5 septembre 2017.
Pas besoin de s’énerver au sujet des hyperliens
La SEC a adopté, pour les émetteurs inscrits auprès de la SEC (y compris les émetteurs canadiens déposant une déclaration d’inscription sur formulaire F-10 aux termes du RIM), l’obligation d’inclure un hyperlien à chaque pièce énumérée dans la liste de pièces figurant dans leurs documents déposés. La nouvelle règle est entrée en vigueur le 5 septembre 2017.
Auparavant, quelqu’un souhaitant consulter une pièce qui avait été intégrée par renvoi dans un document déposé devait parcourir toute la liste de pièces pour repérer le document dans lequel la pièce avait été incluse, puis devait chercher parmi tous les documents déposés par l’émetteur inscrit pour localiser le document pertinent. Souvent, ce processus prenait du temps et était laborieux.
La nouvelle exigence relative à l’insertion d’un hyperlien est une obligation mécanique qui peut habituellement être facilement traitée par l’imprimeur commercial ou l’autre fournisseur de services qui prépare le document devant être déposé auprès de la SEC.
S-K et vous recevrez
Le règlement S-K fournit le cadre pour la plupart des documents d’information non financiers que les sociétés ouvertes américaines doivent inclure dans les documents qu’elles déposent auprès de la SEC, comme les déclarations d’inscription, les rapports annuels et trimestriels et les circulaires de sollicitation de procurations. Dans le cadre de son projet continu visant l’« efficacité de l’information » (disclosure effectiveness), la SEC a proposé d’apporter des modifications au règlement S-K dans le but de supprimer certaines obligations d’information qu’elle considérait négligeables et superflues, et d’éliminer un certain nombre d’exigences en double afin de décourager la répétition.
Si les modifications proposées entrent en vigueur, les sociétés auront l’autorisation de laisser tomber, dans leur rapport de gestion, l’analyse portant sur la plus ancienne période couverte par les états financiers inclus dans un document déposé, si cette analyse a été incluse dans un rapport précédent et n’est plus importante. De plus, les sociétés seront autorisées à omettre, dans leurs pièces, de l’information qui n’est pas importante et qui, du point de vue de la concurrence, leur nuirait, sans d’abord demander un traitement confidentiel auprès du personnel de la SEC. Sur demande, les sociétés seront tenues de fournir au personnel de la SEC des documents supplémentaires similaires à ceux qu’elles doivent actuellement fournir dans leur demande de traitement confidentiel.
La SEC n’a pas proposé d’apporter des changements dans les formulaire du RIM dans le cadre de ce projet, puisque ces formulaires autorisent généralement les émetteurs canadiens à utiliser des documents d’information canadiens pour satisfaire aux obligations d’inscription et d’information de la SEC, au lieu de suivre les exigences énoncées dans le règlement S-K.
Allez, dites-nous ce que vous pensez vraiment
La SEC a approuvé une proposition du Public Company Accounting Oversight Board (le PCAOB) visant à introduire des règles qui obligeraient les auditeurs à fournir de nouveaux renseignements au sujet de leur audit. Les règles proposées visent à rendre le rapport d’audit sur les états financiers audités d’une société plus informatif et pertinent pour les investisseurs.
En plus de l’opinion traditionnelle des auditeurs concluant que les états financiers donnent une image fidèle de la situation financière de l’émetteur conformément aux principes comptables généralement reconnus, les nouvelles règles obligeraient les auditeurs à analyser dans leur rapport les « questions d’audit critiques » (critical audit matters ou CAM) découlant de l’audit de la période ou à affirmer qu’il n’y a aucune CAM. Une CAM est une question qui a été soulevée auprès du comité d’audit dans le cadre de l’audit parce qu’elle nécessitait un jugement particulièrement difficile, subjectif ou complexe de la part de l’auditeur.
Les exigences relatives aux CAM s’appliquent aux audits des émetteurs à grande capitalisation admissibles à l’examen accéléré (soit les sociétés dont le flottant est supérieur à 700 millions de dollars américains) pour les exercices se terminant le 30 juin 2019 ou après cette date. Pour toutes les autres sociétés, les exigences s’appliqueront aux exercices se terminant le 15 décembre 2020 ou après cette date.
Les changements s’appliqueront aux émetteurs canadiens qui sont des émetteurs inscrits auprès de la SEC et dont les rapports d’audit sont rédigés par leurs auditeurs conformément aux normes du PCAOB, même s’ils dressent leurs états financiers au moyen des IFRS. Les rapports annuels sur formulaire 40-F ne devraient pas être touchés pour le moment puisque les états financiers présentés dans ces rapports peuvent être audités au moyen des normes d’audit généralement reconnues du Canada. Toutefois, il ne faudrait pas se surprendre que les normes d’audit généralement reconnues du Canada prévoient éventuellement une exigence similaire pour ce qui est de la présentation des CAM.
De combien de façons pouvez-vous garder un secret ?
Il n’y a pas moins de trois procédures différentes pour déposer une déclaration d’inscription confidentielle auprès de la SEC : la procédure à l’intention des émetteurs privés étrangers, la procédure à l’intention des sociétés émergentes en croissance et cette nouvelle procédure. La SEC a annoncé qu’elle permettrait à toutes les sociétés prévoyant effectuer un PAPE de soumettre un projet de déclaration d’inscription, aux fins d’examen, sous le couvert de la confidentialité. Les sociétés pourront se prévaloir de cette procédure non seulement pour leur PAPE, mais aussi pour la plupart des placements qu’elles effectueront au cours de la première année suivant le moment où elles deviennent un émetteur assujetti auprès de la SEC.
L’émetteur effectuant un PAPE ou une inscription initiale d’une catégorie de titres aux termes de cette nouvelle procédure de dépôt confidentiel doit déposer publiquement sa déclaration d’inscription, le projet initial non public de déclaration d’inscription et tous les projets de modification au moins quinze jours avant le début des séances de présentation, ou s’il n’y a pas de séance de présentation, au moins quinze jours avant la date de prise d’effet de la déclaration d’inscription.
En théorie, les émetteurs canadiens qui, en vue d’un PAPE aux États-Unis, déposent leur déclaration d’inscription aux termes du RIM peuvent également profiter de cette nouvelle procédure de dépôt confidentiel. Toutefois, il est peu probable que cela présente quelque avantage pratique pour eux puisqu’ils bénéficient habituellement d’une période d’examen de trois jours ouvrables de la part des autorités canadiennes en valeurs mobilières et leur déclaration ne fait habituellement pas l’objet d’un examen de la part de la SEC. Cela veut dire que la plupart des dépôts aux termes du RIM seront effectués à une date trop rapprochée des séances de présentation ou de la date de prise d’effet pour bénéficier d’une période de confidentialité. En outre, les autorités canadiennes en valeurs mobilières devraient aussi accepter de préserver la confidentialité des documents déposés au Canada (ou, sinon, l’information sortirait). Dans le passé, les autorités canadiennes en valeurs mobilières ont généralement été prêtes à faire un examen confidentiel au Canada, si un tel traitement était accordé aux termes des règles américaines.
Votez sans tarder, pas souvent
Citant l’importance des droits de gouvernance, les indices S&P Dow Jones, entre autres, ont cessé d’admettre de nouvelles sociétés ayant des actions à droit de vote multiple dans certains de leurs indices boursiers américains. La décision a été prise à la suite du PAPE de Snap, qui a émis des actions ne comportant aucun droit de vote. En raison d’une telle exclusion de ces indices, certains investisseurs institutionnels pourraient décider de ne pas investir dans les sociétés américaines ayant des actions à droit de vote multiple.
Même si les émetteurs canadiens pourraient ne pas être touchés directement par cette décision, puisqu’ils n’ont ordinairement pas le droit d’être inclus dans un indice boursier américain de toute manière, cette décision démontre certainement l’endurance du principe de gouvernance « une action, un vote ».