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Associé, Droit des sociétés, Vancouver
Les dernières années ont été difficiles pour les sociétés d’exploration minérale. En raison de l’incertitude des cours des marchandises et d’un contexte de financement difficile axé sur les actifs au stade de production ou de développement, tant les grandes que les petites sociétés ont sabré dans leur budget d’exploration. Cependant, en ce début de 2017, un vent d’optimisme semble souffler sur le secteur minier. Par exemple, on recommence peu à peu à investir dans les projets au stade d’exploration et on a de plus en plus recours aux participations acquises, aux coentreprises et aux alliances stratégiques pour conclure des opérations visant des actifs. Toutefois, les souvenirs laissés par le récent repli sont encore frais à la mémoire, et un certain nombre de facteurs influent sur la façon de négocier les modalités et la position que chacun souhaite prendre par rapport à la propriété du bien dans le marché actuel.
Changement de perception à propos des redevances
Il n’y a pas si longtemps, une redevance était considérée comme une participation résiduelle versée en compensation de la dilution d’un projet mais, de nos jours, les redevances sont très recherchées sur le marché. Les sociétés de redevance se sont imposées, conjointement avec les financiers de redevances, comme des sources de financement de substitution crédibles, et représentent un type de placement dans le secteur minier qui ne comporte aucune activité importante ni aucun risque de dépassement de coûts. Les sociétés d’exploration dont le modèle d’affaires est axé sur la création de projets voient également les redevances comme une façon de financer d’autres projets d’exploration et de réduire au minimum la dilution des participations. Au lieu d’acquérir une participation minoritaire dans des coentreprises, il est devenu plus courant pour les sociétés qui créent des projets d’octroyer des options permettant d’acquérir une participation de 100 % dans un bien dans lequel le vendeur conserve uniquement une participation résiduelle sous forme de redevances. Cela a simplifié les opérations avec option d’achat puisqu’il n’est plus nécessaire d’établir des structures juridiques relationnelles comme les coentreprises au moment d’acquérir une participation partielle dans un bien. Toutefois, cela a donné lieu à des formes plus complexes de conventions de redevances qui reflètent une autre mentalité de financement (c.‑à‑d. les paiements de redevances liés au cours des marchandises plutôt qu’aux revenus générés par le projet) et à des modalités conçues pour rendre les redevances plus faciles à commercialiser par le titulaire de redevances. Par contre, les biens visés par ce type de conventions sont assujettis à des restrictions et des droits plus importants, notamment les suivants :
- l’interdiction d’aliéner le bien sans le consentement du titulaire de redevances ou à tout le moins sans reconnaissance et prise en charge explicites de la participation sous forme de redevances aux termes d’une entente visant l’aliénation d’une participation dans le bien;
- l’interdiction de laisser le titre expirer (y compris l’obligation de retransférer le titre au titulaire de redevances);
- des droits d’information beaucoup plus importants, et ce, même avant le début du versement des redevances.
Modification du calendrier
Même dans le contexte actuel de reprise du marché, les opérations qui portent sur des biens d’exploration demeurent difficiles à conclure pour un certain nombre de raisons. Plus particulièrement, les budgets d’exploration demeurent restreints. En outre, les sociétés veulent atténuer leur risque, notamment relativement à des questions de responsabilité sociale. Bon nombre de grandes sociétés ne sont pas disposées à s’engager dans un nouveau projet d’exploration tant qu’elles n’ont pas eu l’occasion d’évaluer non seulement les aspects techniques, mais également le risque d’atteinte à la réputation lié au développement de projets miniers. Par conséquent, de plus en plus d’opérations prévoient une étape intermédiaire ne comportant aucun engagement durant laquelle l’acquéreur a la possibilité de procéder à une vérification diligente approfondie sur le terrain et d’évaluer les aspects non techniques du bien comme l’engagement envers la collectivité. Il existe donc différentes façons de conclure une option d’achat ou d’acquérir une participation dans un bien. Du point de vue de l’acquéreur, il est plus facile d’établir le budget interne de programmes d’exploration de plus grande envergure lorsque l’on dispose des résultats d’un programme préliminaire. Cependant, cette façon de faire entraîne plus d’incertitudes pour les vendeurs dans la gestion de leurs portefeuilles immobiliers.
Accent sur les jalons susceptibles de créer de la valeur
Par le passé, les travaux d’exploration, les paiements en espèces et les paiements en actions constituaient la forme de paiement utilisée pour l’acquisition de participations aux termes de conventions relatives à des biens d’exploration, et le montant des paiements augmentait au cours de la durée de l’option. Les participations dans des biens étaient établies en fonction du placement global de l’acquéreur. Cependant, le marché a évolué et impose maintenant des seuils davantage axés sur des jalons, comme les estimations des ressources (qui précisent souvent une taille et une teneur minimales) ou des études techniques avancées (évaluations économiques préliminaires ou études de préfaisabilité ou de faisabilité). Les modalités fondées sur des jalons permettent d’harmoniser l’acquisition d’une participation dans un bien avec des événements susceptibles de créer de la valeur et reflètent l’engagement du secteur envers l’efficience des coûts. Toutefois, les acquéreurs doivent faire preuve de prudence et pouvoir établir avec certitude les coûts associés à ce genre de modalités. Les paiements futurs fondés sur la taille d’une ressource minérale ou liés à la valeur actualisée nette découlant d’une évaluation économique peuvent donner lieu à une augmentation imprévue des coûts d’acquisition, qui peuvent avoir une incidence importante sur la possibilité d’acquérir des participations dans un bien minier. Les estimations des ressources et les analyses économiques peuvent également varier considérablement selon les méthodes utilisées. Par conséquent, les parties doivent faire preuve de prudence et ne pas croire que tout ce qui est conforme à l’ICM ou au Règlement 43-101 suffit comme base de calcul des paiements-jalons générés par ces études.
Participations ou droits d’acquisition
Les droits d’acquisition, aux termes desquels un vendeur peut acquérir de nouveau un bloc de contrôle dans un projet (habituellement au moment du paiement d’un multiple des dépenses d’exploration engagées par l’acquéreur initial), ont perdu leur attrait sur le marché actuel. Les biens assujettis à des droits d’acquisition sont difficiles à financer en raison de l’incertitude entourant la propriété et de l’incidence d’une telle incertitude sur l’évaluation. De plus, le multiple payé à l’exercice de droits d’acquisition est souvent inférieur à ce que les sociétés ayant du succès dans leurs activités d’exploration obtiennent sur le marché, spécialement les petites sociétés dont les investisseurs espèrent tirer des rendements correspondant à deux ou trois fois leur placement. Au lieu des droits d’acquisition, bon nombre de vendeurs, et spécialement les grandes sociétés, acquièrent une participation importante dans des sociétés acquéreurs sous forme d’option d’achat. Ces participations garantissent souvent un certain pourcentage du capital‑actions de l’acquéreur et s’accompagnent de droits importants pour les actionnaires, comme une représentation au conseil et des droits préférentiels de souscription dans le cadre de financements futurs. Bien que l’acquisition d’une participation constitue un moyen efficace de se prémunir contre un vendeur qui éprouverait des remords à la suite d’une découverte importante, il importe de s’assurer que les droits de participation n’empêchent pas les sociétés d’entreprendre d’autres projets ni ne découragent la mobilisation de capitaux. Le risque de perdre de l’argent peut constituer un problème plus grave pour les sociétés d’exploration, spécialement en période de volatilité des marchés financiers.
Contrôle et flexibilité
Contrôler un projet d’exploration constitue probablement l’élément clé de la réussite dans la négociation d’une opération dans le marché actuel. En raison de l’incertitude économique mondiale et de la volatilité du cours des marchandises, une dynamique intéressante s’est développée dans le cadre de la négociation de bon nombre d’opérations portant sur des biens. En effet, de plus en plus de sociétés souhaitent contrôler le projet afin de lui donner le maximum de flexibilité dans l’avenir et donc, généralement, l’exploiter. Dorénavant, la partie qui engage les coûts les plus élevés ou détient la participation la plus importante n’agit plus automatiquement comme l’exploitant. Exploiter un projet confère la possibilité d’exercer sur l’exploration et le développement un contrôle qui va au-delà de la participation que détient une partie. Mais surtout, l’exploitant contrôle également l’information concernant les résultats d’exploration, ce qui lui permet de mieux promouvoir le projet sur le marché. Les petites sociétés en particulier peuvent bénéficier des avantages de jouer un rôle accru en tant qu’exploitant d’un projet ainsi que d’une plus grande reconnaissance sur le marché par rapport à la valeur de ce projet.
Conclusion
Les premières acquisitions ayant été conclues, il semble que le nombre d’opérations augmentera en 2017. Cependant, la créativité demeurera un élément clé dans ce contexte économique mondial qui demeure incertain. Cela peut donner lieu à des opérations différentes que celles qui étaient envisagées initialement. Par exemple, des discussions au sujet d’une option d’achat pourront conduire à la conclusion d’alliances stratégiques dans le cadre d’opérations de fusion et d’acquisition complètes. Par conséquent, il sera important d’envisager plusieurs scénarios et d’évaluer les objectifs d’une société afin de l’aider à choisir le plan d’action le plus avantageux pour elle.