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Associé, Droit de la santé, Toronto
En Ontario, le conseil s’assure que le directeur général, le personnel médical, le chef de direction des soins infirmiers, les infirmières et infirmiers de chevet et infirmiers gestionnaires élaborent des plans pour faire face : i) d’une part, aux situations d’urgence qui pourraient faire augmenter la demande habituelle de services fournis par l’hôpital ou perturber la routine de travail à l’hôpital, ii) d’autre part, aux situations où les personnes ne fournissent pas les services qu’elles devraient normalement fournir à l’hôpital (Gestion hospitalière, RRO 1990, Règl. 965, alinéa 2(3)e)).
Ces exigences confirment que les hôpitaux ont un devoir de diligence de droit privé dans des situations d’urgence envers les personnes touchées par la prise de décisions dans les hôpitaux (le personnel, les patients et les visiteurs, entre autres), et reflètent l’une des principales attentes du grand public, à savoir que les hôpitaux demeurent fonctionnels en cas d’urgence.
Le présent article donne un aperçu de la manière dont les clauses types de « force majeure » dans les ententes typiques touchant la prestation des services peuvent justifier une non-exécution des services, par les fournisseurs essentiels, en cas d’urgence, même si l’hôpital devrait continuer de fournir des services. Une urgence s’entend de tout événement qui échappe au contrôle de l’hôpital et qui pourrait entraver sa capacité à fournir des services. Par conséquent, les hôpitaux devraient « acheminer » les exigences ci-dessus à leurs fournisseurs essentiels, en s’assurant : a) qu’ils ont des plans de continuité des activités ou d’urgence en place, b) que les clauses de force majeure excluent les urgences où l’hôpital devra continuer d’offrir des services.
La pandémie du virus Ebola de 2015 et celle du SRAS de 2002-2003 ont démontré que les urgences d’hôpital sont des événements réguliers et périodiques. Le recours collectif qui a suivi la pandémie du SRAS a confirmé que les hôpitaux ont un devoir de diligence de droit privé dans les interventions d’urgence. Cependant, le gouvernement n’a pas un tel devoir dans l’établissement des politiques et dans l’exécution d’obligation de diligence plus générale qu’il a envers l’ensemble des citoyens. Voir Williams c. Canada (Attorney General), 2005 CarswellOnt 3785 (ONSC) et Abarquez c. Ontario, 2005 CarswellOnt 3782 (ONSC).
Bon nombre d’hôpitaux dépendent de fournisseurs du secteur privé pour offrir une panoplie de services : services publics et systèmes de bâtiment, fournitures médicales et chirurgicales, approvisionnements de médicaments et services de pharmacie, services alimentaires, de linge, de sécurité et d’ambulances. Les ententes relatives à ces services contiennent souvent des clauses types de force majeure. Dans le jargon juridique, une force majeure est une force supérieure donnant lieu à des circonstances imprévisibles qui empêchent une personne d’exécuter un contrat. Une clause de force majeure a pour objet de libérer une partie de ses obligations d’exécution ou de suspendre celles-ci dans la mesure où un cas de force majeure empêche la partie de s’acquitter de ses obligations.
Une définition typique de la force majeure comprend « … une cause ou un événement indépendant de la volonté d’une partie aux fins de la présente entente, notamment […] une urgence locale ou nationale, une tempête, un tremblement de terre, une inondation, un accident, un incendie, une explosion nucléaire ou autre, une contamination radioactive, biologique ou chimique, une maladie, une épidémie, une restriction sanitaire […] » Qui plus est, un cas de force majeure peut survenir même s’il n’a pas lieu près de l’hôpital – les pandémies ou les épidémies dans d’autres pays et régions peuvent entraîner une pénurie de fournitures essentielles (vaccins, équipement de protection personnel, entre autres) si elles sont acheminées vers les régions les plus durement touchées.
Par contre, des exclusions contractuelles types des cas de force majeure pourront empêcher une partie d’invoquer un cas de force majeure pour violer un contrat, comme des causes ou des événements a) qui sont la conséquence raisonnablement prévisible de la négligence ou d’un acte délibéré de la partie en défaut, b) qui pourraient avoir été évités si la partie en défaut ou une personne engagée par elle avait fait preuve de diligence raisonnable ou c) qui découlent d’un manque de fonds. Si des cas de force majeure connus sont susceptibles de survenir pendant la durée du contrat, comme des fluctuations du marché, des embargos gouvernementaux et des « zones de guerre » désignées, ils peuvent également être exclus si les parties sont tenues d’exécuter le contrat dans de telles circonstances défavorables.
Les hôpitaux qui adoptent des clauses types de force majeure non admissibles dans leurs contrats touchant la prestation de services le font à leurs propres risques. Si un fournisseur essentiel peut invoquer la force majeure pour se libérer de ses obligations d’exécution dans le cas d’une urgence qui interrompra les activités, l’hôpital pourrait n’avoir aucun recours contre le fournisseur. C’est pourquoi nous recommandons que les hôpitaux exigent de leurs fournisseurs essentiels qu’ils disposent de plans de continuité des activités ou d’urgence indiquant comment ils continueront à fournir des services en cas d’urgence prévisible et qu’ils les déposent aux fins d’inspection. Nous recommandons également que les hôpitaux modifient les clauses de force majeure de manière à exclure les urgences où l’hôpital est tenu de continuer à fournir des services.
Ce faisant, les hôpitaux seront au moins assurés que leurs fournisseurs essentiels pourront offrir des services dans les situations d’urgence, et qu’ils auront un recours juridique si ceux-ci omettent de le faire.
Cet article a été publié, à l'origine, dans Hospital News.