Le 9 avril dernier, la Cour supérieure du Québec a rejeté une demande d’autorisation d’exercer une action collective à l’encontre de Samsung Electronics Canada Inc. (« SECA ») en lien avec les problèmes de surchauffe qui avaient touché à l’automne 2016 certains téléphones cellulaires de marque Samsung Galaxy Note 7.
La Cour a conclu que le critère de l’apparence de droit n’avait pas été satisfait puisque l’indemnité offerte par SECA à l’ensemble des consommateurs dans le cadre du rappel de ses produits défectueux était raisonnable dans les circonstances. Ainsi, l’existence de dommages était purement théorique, car si préjudice il y avait, la requérante avait déjà été raisonnablement compensée.
Selon la Cour, « [s]i le mécanisme de l’action collective a pour noble objectif de réprimer les comportements répréhensibles, il ne doit pas, à l’inverse, fermer les yeux sur ceux qui assument leurs responsabilités. Cela est vrai en toute matière, y inclus celles des contrats de consommation ».
Contexte
Brièvement, l’affaire Paquette c. Samsung Electronics Canada Inc. tire son origine d’une enquête ayant révélé que les batteries utilisées dans certains téléphones cellulaires de marque Samsung Galaxy Note 7 (le « Note 7 ») seraient la cause d’une augmentation de température qui pouvait engendrer un incendie et la destruction de ces téléphones cellulaires. Selon la demande en autorisation, SECA est l’importatrice et la distributrice, au Canada, de ces appareils.
Peu de temps après que les premiers incidents eurent été rapportés, SECA a cessé la vente de ces appareils au Canada et a procédé à un rappel des produits. Elle a alors offert aux acheteurs de remplacer leur téléphone Note 7 par un nouvel appareil contenant une batterie fabriquée par un fournisseur différent. Il était également possible pour l’acheteur d’annuler son achat et de se faire rembourser en totalité. Or, des problèmes étaient également rencontrés avec les appareils de remplacements munis d’une nouvelle batterie. En octobre 2016, SECA a alors cessé toute vente et distribution du Note 7 au Canada et a procédé à un second rappel. Par le fait même, elle a avisé les acheteurs de cesser l’utilisation de ces appareils et de les lui retourner. Ces derniers pouvaient alors choisir entre deux options : (1) échanger leur Note 7 contre un autre appareil Samsung et obtenir un crédit de 100 $, en plus d’obtenir un remboursement des accessoires ou (2) se faire rembourser le prix payé et celui des accessoires, en plus d’un crédit d’achat de 25 $.
La demande d’autorisation d’exercer une action collective a été déposée au nom de la requérante le 9 novembre 2016, alléguant divers chefs de dommages liés au vice affectant le Note 7.
Motifs et conclusions
Dans un premier temps, la Cour rappelle le droit applicable à une demande d’autorisation d’exercer une action collective. Elle réitère notamment son rôle de filtrage à l’étape de l’autorisation et le fait que même si le seuil d’autorisation est peu élevé, il n’est pas inexistant.
La Cour analyse ensuite le deuxième critère de l’article 575 C.p.c., soit celui de savoir si les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées. Dans cette affaire, la question de savoir si le Note 7 était affecté d’un vice ne constituait pas le véritable enjeu. La Cour précise d’ailleurs dans sa décision que « [l]’existence d’une faute ne signifie pas qu’il y a automatiquement un préjudice ».
La véritable question au stade de l’autorisation portait sur la suffisance de la compensation offerte dans le cadre des programmes de rappel de SECA. La Cour a constaté que SECA avait réagi rapidement en prenant et assumant ses responsabilités auprès des consommateurs. Dès lors, en cherchant à retirer du marché les produits défectueux et en offrant de les remplacer ou de les rembourser, SECA a agi en citoyen corporatif responsable.
La Cour a concédé qu’on pouvait toujours se plaindre que SECA aurait pu faire mieux, mais a insisté sur le fait qu’il fallait faire preuve d’une certaine tolérance et raisonnabilité. À cet égard, elle a précisé que rien n’empêchait au stade de l’autorisation d’apprécier l’apparence de préjudice ou la suffisance de la compensation offerte. Selon elle, un minimum de filtrage s’imposait. Conclure autrement aurait pour effet que chaque cas de rappel d’un bien défectueux justifierait l’autorisation d’une demande d’action collective, et ce sans égard au contexte ni au remède offert. Pour ce qui en est du stress, de la peur et des incertitudes reliés aux risques d’incendie ou d’explosion du Note 7, la Cour a constaté que la requérante n’avait pas, lorsqu’avisée du premier rappel, rapporté ce dernier, ni même cessé de l’utiliser.
La requérante alléguait également avoir subi des dommages liés aux troubles, inconvénients et perte de temps. Or, les rappels de biens ne sont pas rares et imposent tous une certaine participation de la part du consommateur. La Cour a concédé que le retour de marchandise comportait des inconvénients. Cependant, ces derniers étaient normaux et minimes. Les consommateurs doivent faire preuve d’un minimum de tolérance et de collaboration.
Quant aux dommages punitifs, la Cour a également noté qu’aucune allégation ni preuve au dossier ne supportait l’hypothèse d’une faute intentionnelle de la part de SECA. De surcroit, elle a mentionné que les présomptions de connaissance reposant sur les articles 1726 à 1730 du Code civil du Québec et sur l’article 53 de la Loi sur la protection du consommateur invoquées par la requérante ne suffisaient pas pour établir la connaissance de la problématique liée aux batteries par SECA. Elle n’a ni camouflé la vérité ni nié l’existence du problème. Elle est intervenue diligemment dans le but de minimiser et de prévenir des dommages. Ainsi, de l’opinion de la Cour, aucun reproche ne pouvait être formulé à l’encontre de SECA.
La Cour a donc rejeté la demande d’autorisation à l’encontre de la défenderesse.
Commentaire
Cette décision s’inscrit dans une série de décisions récentes rejetant des demandes d’autorisation d’exercer une action collective pour le motif qu’elles sont manifestement mal fondées en faits ou en droit. À une époque où les « ambulance chasers » sont de plus en plus nombreux et actifs, cette décision sera particulièrement bien reçue par les entreprises ayant des activités dans le domaine de la vente de produits. Nous pensons que dans les cas qui s’y prêtent et avec l’aide de conseillers juridiques, les entreprises ne devraient pas hésiter à mettre en place des campagnes de rappel de produits défectueux, le tout avec pour objectif de satisfaire le test de « citoyen corporatif responsable » et éviter d’avoir à faire face à des actions collectives.