Québec dépose le Projet de loi 81 modifiant plusieurs lois en matière d’environnement

28 Nov 2024 12 MIN DE LECTURE

Le 20 novembre 2024, le ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs du Québec a déposé le Projet de loi 81, Loi modifiant diverses dispositions en matière d’environnement qui, s’il est adopté, modifiera la majorité des lois en matière d’environnement du Québec.

Le présent bulletin résume les propositions clés du Projet de loi 81.

Modification de la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement

Le Projet de loi 81 prévoit la révision de la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement prévue dans la Loi sur la qualité de l’environnement (c Q-2, « LQE ») afin d’améliorer l’efficience du déroulement de la procédure et de favoriser la participation du public dès le début de la procédure.

1. Bonification du rôle du BAPE et périodes d’informations dès le début de la procédure

Le Projet de loi 81 propose que des périodes d’information visant à recueillir les préoccupations, commentaires et questions du public aient lieu devant le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (le « BAPE ») dès la réception de l’avis d’intention de l’initiateur du projet et avant que le ministre lui transmette la directive qui détermine la portée et l’étendue de l’étude d’impact à réaliser. La directive du ministre serait alors élaborée à partir de la proposition de l’initiateur, ajustée ou bonifiée avec les informations récoltées lors des périodes d’information auprès du public.

Selon le Projet de loi 81, le BAPE devra élaborer et rendre public un cadre général d’analyse des demandes de consultation publique ou de médiation faites au ministre, qui devra prévoir les critères qui doivent guider le BAPE dans sa recommandation au ministre quant à la pertinence que lui soit confié un mandat et, le cas échéant, quant au type de mandat.

2. Nouvelle attestation d’admissibilité de l’étude d’impact

Le Projet de loi 81 suggère de débuter l’analyse environnementale d’un projet dès le dépôt de l’étude d’impact au ministère, à laquelle devra être jointe une attestation de l’initiateur du projet confirmant la conformité avec les exigences demandées dans la directive et celles prévues par règlement.

3. Nouvelle procédure d’évaluation : l’évaluation environnementale sectorielle ou régionale

Le Projet de loi 81 suggère d’insérer de nouvelles dispositions visant l’évaluation environnementale sectorielle ou régionale de tout plan ou programme relatif au développement d’un secteur d’activité ou d’un territoire, dans lequel s’inscrivent plusieurs projets et activités susceptibles de présenter des risques ou des enjeux significatifs sur le plan environnemental ou en matière de développement durable.

Cette évaluation aurait pour but d’assurer une cohérence entre le plan ou le programme avec les orientations et objectifs environnementaux et sociaux du gouvernement, ainsi que d’assurer la participation du public et des communautés autochtones dans la planification du développement visé par le plan ou le programme.

Le Projet de loi 81 prévoit que, sur recommandation du ministre, le gouvernement aura la possibilité d’aménager le régime d’autorisation environnementale pour certaines activités ou projets qui s’inscriraient dans le plan ou le programme, en définissant les conditions ou les modalités appropriées. Ce pouvoir serait prévu pour les cas où il n’y aurait pas d’avantage, pour les projets ou activités déterminés, à refaire une évaluation environnementale subséquente, sur la base des résultats obtenus grâce à l’évaluation environnementale sectorielle ou régionale.

4. Élargissement des pouvoirs du ministre relatifs au déroulement de la procédure pour certains projets

Le Projet de loi 81 contient de nouveaux pouvoirs de mettre fin à la procédure d’évaluation, à n’importe quelle étape de la procédure, ou d’exiger de revenir à une étape antérieure de la procédure. Dans les cas où le ministre mettrait fin à la procédure, l’initiateur du projet qui a encore l’intention d’entreprendre son projet devra alors déposer un nouvel avis d’intention et débuter la procédure à nouveau.

En outre, pour certains projets qui participent « à l’atteinte des cibles gouvernementales en matière de lutte contre les changements climatiques ou relatifs aux objectifs de la transition énergétique », le Projet de loi 81 énonce de nouveaux pouvoirs de permettre, de manière exceptionnelle et si l’intérêt public le justifie, que certains travaux préalables requis dans le cadre d’un projet soient entrepris, malgré la procédure d’évaluation en cours ou sans suivre la procédure d’évaluation, pourvu que ces travaux ne soient pas à eux seuls assujettis à cette procédure.

Cohabitation des réglementations provinciales et municipales en matière d’environnement

Le Projet de loi 81 contient des modifications relatives à la cohabitation des réglementations provinciales et municipales en matière d’environnement. Les dispositions suggérées par le Projet de loi 81 transformeraient le principe selon lequel la réglementation provinciale a préséance sur la réglementation municipale en matière d’environnement portant sur un même objet en une habilitation réglementaire du gouvernement.

Ainsi, en l’absence de disposition expresse dans un règlement adopté en vertu de la LQE selon laquelle le règlement en question a préséance sur la réglementation municipale, un nouveau principe général en matière de cohabitation réglementaire s’appliquerait, similaire à celui prévu à la Loi sur les compétences municipales (c C-47.1). Ce principe prévoit qu’un règlement municipal est compatible avec une loi ou règlement provincial s’il est possible de se conformer aux deux réglementations simultanément. En d’autres termes, le principe de conciliabilité s’appliquerait de facto, à moins que le règlement provincial ne spécifie expressément le contraire, auquel cas le principe de préséance s’appliquerait. Par conséquent, les règlements municipaux en matière d’environnement n’auraient plus besoin d’être approuvés par le ministre.

Clarification des mesures applicables aux activités qui portent atteinte à certains milieux

1. Détermination et exigibilité de mesures de compensation

Le Projet de loi 81 présente des lignes directrices à appliquer lorsque le gouvernement doit déterminer si des mesures de compensation sont exigibles, et la nature de ces mesures, lorsqu’un projet porte atteinte à certains milieux, dont les milieux humides et hydriques et les habitats fauniques, ou lorsque le projet est susceptible de porter atteinte à un spécimen d’une espèce floristique menacée ou vulnérable ou lorsqu’il modifie l’habitat d’une telle espèce.

Les pouvoirs relatifs aux mesures de compensation seraient également applicables pour un projet dont des travaux préalables ont fait l’objet d’une décision d’exemption de la procédure environnementale lorsque ces travaux n’ont pas fait l’objet d’une autre mesure de compensation. 

2. Démonstration de l’évitement d’atteinte aux milieux humides et hydriques

Le Projet de loi 81 recommande de clarifier la notion d’évitement en prévoyant la démonstration que les projets réalisés en milieux humides et hydriques ont été conceptualisés de manière à éviter au maximum l’atteinte à ces milieux.

Plus spécifiquement, l’initiateur du projet devra accompagner sa demande d’autorisation des éléments suivants :

  • Une démonstration que les milieux humides et hydriques d’importance pour la conservation connus dans la municipalité régionale concernée ont été considérés lors du choix du lieu où sera réalisé le projet, de sorte qu’ils soient évités;
  • Un document contenant une description des scénarios alternatifs étudiés, incluant notamment les autres localisations considérées;
  • Une explication selon laquelle le scénario choisi est celui qui porte le moins atteinte à des milieux humides et hydriques, et une justification expliquant que le projet porte encore atteinte à des milieux humides et hydriques malgré l’effort d’évitement, le cas échéant.

Uniformisation des mesures de contrôle environnemental et encadrement des activités

1. Pouvoir de refuser de délivrer une autorisation à une personne morale

Le Projet de loi 81 propose d’uniformiser les pouvoirs relatifs aux inspections prévus dans la Loi sur certaines mesures permettant d’appliquer les lois en matière d’environnement et de sécurité des barrages (c M-11.6) et d’ajouter le pouvoir de refuser de délivrer une autorisation à une personne morale si l’un de ses administrateurs a déjà été un administrateur d’une autre personne morale déclarée coupable d’une infraction à toute loi dont le ministre est chargé de l’application, incluant les règlements en découlant, d’une infraction à une loi fiscale ou d’une infraction criminelle.

2. Rehaussement de certains montants minimaux des amendes pénales

Afin d’augmenter le caractère dissuasif de certaines activités, le Projet de loi 81 suggère de rehausser le montant minimal de certaines amendes pénales pour les personnes morales de certaines catégories d’activités industrielles qui contreviennent à la législation environnementale.

Notamment, le Projet de loi 81 contient une nouvelle disposition selon laquelle l’amende minimale dont est passible une personne morale pour certains manquements à la loi est « 10 fois plus élevée que ce qui est prévu » au chapitre des dispositions pénales de la LQE dans le cadre de certaines catégories d’activités les plus polluantes, à être déterminées par règlement.

3. Modification de certaines modalités du régime d’autorisation ministérielle

Le Projet de loi 81 contient de nouvelles modalités permettant aux titulaires d’une autorisation de céder ou de demander la révocation d’une partie de leur autorisation lorsque celle-ci contient plusieurs activités distinctes. Ces modalités permettraient, suivant la transmission d’un avis de cession partielle au ministre, de scinder l’autorisation et d’attribuer les obligations liées à l’activité cédée au cessionnaire. Le cédant, quant à lui, pourrait conserver son autorisation sans avoir à demander une modification de celle-ci pour en retirer l’activité cédée.

De plus, le Projet de loi 81 ajouterait le pouvoir de déterminer par règlement les frais associés aux demandes de maintien ou de suspension d’une autorisation, en adéquation avec le principe d’utilisateur-payeur.

4. Clarification de l’encadrement des sols contaminés

Le Projet de loi 81 présente également l’introduction d’une nouvelle obligation de maintenir un registre consignant les résultats des inspections et des suivis environnementaux récurrents faits dans le cadre d’une réhabilitation de terrain encadrée par un avis de restriction d’usage ainsi que des mesures correctives réalisées, le cas échéant.

Une habilitation réglementaire serait ajoutée par le Projet de loi 81, pour permettre au ministre de fixer les situations et conditions où il serait interdit de maintenir en place des contaminants dont la concentration excède les valeurs limites réglementaires.

En outre, le Projet de loi 81 contient des modifications afin de clarifier les cas où l’obligation d’inscrire un avis de contamination au registre foncier est nécessaire. Dans le but de favoriser la réhabilitation volontaire par traitement in situ ou ex situ, le Projet de loi 81 propose aussi d’ajouter une habilitation réglementaire afin de retirer l’obligation d’inscrire un avis de contamination au registre foncier dans certaines situations.

5. Admissibilité des projets de retrait des gaz à effet de serre de l’atmosphère aux allocations du Système de plafonnement et d’échange de droits d’émission

Le Projet de loi 81 propose d’ajouter les projets de retrait des gaz à effet de serre (GES) de l’atmosphère, incluant la captation et la séquestration, aux projets admissibles aux allocations gratuites des grands émetteurs assujettis au Système de plafonnement et d’échange de droits d’émission (SPEDE) pour réaliser des projets de réduction des émissions de GES ou des projets d’innovation en la matière. Dans sa version actuelle, l’article 46.1.8 de la LQE ne permet pas les projets de retrait de GES de l’atmosphère, incluant la captation et la séquestration de bénéficier de ces allocations.

Ajout de pouvoirs relatifs à la gestion des matières résiduelles

Le Projet de loi 81 suggère d’ajouter plusieurs pouvoirs réglementaires pour assurer la récupération et la valorisation des matières résiduelles au Québec. Notamment, les modifications proposées concernent les thèmes suivants :

  • Élargissement de l’approche de la responsabilité élargie des producteurs (REP) à de nouveaux produits ou secteurs d’activité;
  • Obligation à certains producteurs de compenser les coûts de collecte, de transport, de tri et de conditionnement de certaines matières résiduelles, en vue de leur valorisation;
  • Encadrement de la commercialisation, de la mise en marché, de la distribution et de la vente de certains produits à usage unique, dont leur interdiction;
  • Encadrement de certains biens invendus;
  • Clarification de certains pouvoirs de gestion relatifs aux organismes de gestion et gestionnaires de programmes individuels de récupération et de valorisation de certaines matières résiduelles.

Mise en place d’une norme zéro émission pour les véhicules lourds

Le Projet de loi 81 prévoit la modification de la Loi visant l’augmentation du nombre de véhicules automobiles zéro émission au Québec afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et autres polluants (c A-33.02), afin de permettre au gouvernement d’adopter des mesures incitant les constructeurs à augmenter l’offre de camions électriques au Québec.

Les modifications proposées dans le Projet de loi 81 incluent notamment l’introduction d’un système de crédits lié à la vente et à la location de véhicules lourds à zéro émission. Ces modifications affecteraient tout manufacturier qui vend ou loue plus de 50 véhicules lourds, et ne s’appliqueraient pas aux autobus et minibus. Le Projet de loi 81 prévoit des amendes pouvant aller jusqu’à 3 millions $ en cas de violation de la législation applicable.

Conclusion

Le Projet de loi 81 n’a été déposé que très récemment et sera étudié plus en détail par l’Assemblée nationale du Québec. Nous suivrons de près l’évolution de ce projet de loi omnibus et les modifications qui pourraient être apportées avant son adoption. Si vous croyez que les modifications proposées pourraient avoir des incidences sur vos activités commerciales au Québec ou pour toutes questions relatives aux lois et règlements en matière d’environnement au Québec, n’hésitez pas à communiquer avec nous.